Chapitre 24

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Johan intercepta la main fine et bien trop taquine qui se glissait mine de rien vers ses aisselles et grogna d'un ton sévère:

- Même pas en rêve...

Un gloussement lui répondit et les longs doigts s'arrêtèrent nets au dessus de son flanc.

- Haha! Je savais bien que tu ne dormais pas! Tu fais très mal semblant!

- Je ne faisais pas semblant, je reposais mes yeux, comme disent les vieux. Je suis épuisé, si tu veux savoir. Il est tard et tu m'as épuisé. Je n'imaginais pas que tu profiterais d'un instant de faiblesse pour me chatouiller. Tu es sans cœur, Martin, un horrible individu.

Le jeune homme roula des yeux, se laissa retomber lourdement sur son torse pour enfouir son visage dans le creux au dessus de sa clavicule et marmonna, boudeur :

- Gnagnagna. Je m'ennuyais sans toi.

Johan sentit son cœur fondre à cette déclaration, à la fois adorable et tendrement immature. Parfois, rarement, son amant laissait entrevoir le jeune homme folâtre et insouciant qu'il avait dû être avant que les responsabilités ne lui tombent dessus, et qu'il relève le gant sans sourciller pour les assumer. Johan ne changerait rien au Martin responsable et réfléchi qui jonglait avec les besoins de quatre enfants et menait la barque familiale avec constance mais il savourait aussi ces moments volés de rire et d'insouciance. Et appréciait encore plus que Martin se sente suffisamment en confiance avec lui pour les lui révéler.

En représailles, il glissa un doigt taquin sur les côtes pâles et légèrement saillantes du garçon lové contre lui, récoltant un long frisson et un œil noir dans la semie pénombre.

- Tu as maigri, s'inquiéta-t-il. Je peux sentir tous tes os. Tu ne manges pas assez ou quoi?

Martin gigota sous le contact préoccupé.

- Je mange, c'est le manque de sport. J'ai une morphologie maigrichonne, de base, et dès que j'arrête de me muscler, je me mets à fondre. Avant, je courais deux fois par semaine et je soulevais des poids quasi tous les jours. C'était une des obligations du boulot, avec la déshydratation avant les séances photos. Je n'ai pas du tout le temps désormais et soulever Alice et les sacs de course ne remplace pas tout à fait. Et la chaleur de la région n'arrange rien, je ne bouffe que du melon et des tomates depuis un mois.

- Le stress et la fatigue ne doivent pas aider, commenta Johan, soucieux. Tu cours sans arrêt après les gamins, tu gères trente mille choses à la fois...

- Ouais ben ça c'est le lot de tous les parents, je crois. Et ça va plutôt pas mal ces derniers temps, tu ne trouves pas?

Il se redressa pour lui sourire avec confiance et Johan chassa son anxiété pour lui dédier un regard doux. Ouais, les choses n'allaient pas trop mal ces derniers temps, il fallait l'avouer. L'été avait pleinement étendu sa chaleur brûlante sur la Provence et les vacances avaient débuté, au grand bonheur des enfants. Leslie et Antonin passaient leurs journées au centre de loisir et s'éclataient avec toutes les sorties proposées. Ils y avaient retrouvé leurs amis de l'école et s'intégraient de mieux en mieux à leur nouvelle vie basalpine. Alice grandissait heureusement, toute de fossettes à croquer, boucles dorées et babillage inextinguibles. Elle mangeait bien, dormait mieux et adorait la piscine. La petite fille pouvait y passer ses journées entières et malgré les bobs, casquettes et crème solaire dont son oncle la tartinait, elle avait pris le joli teint doré des enfants du sud. Soan avait refusé tout net d'aller au club municipal des jeunes, en revanche, et Martin n'avait pas insisté. Comme il l'avait expliqué à Johan, lui aussi avait détesté ce type de structures au même âge et un des grands plaisirs de l'adolescence était quand même de pouvoir se morfondre dans sa chambre à longueur de journée, à écouter de la musique et glander. En plus, cette inactivité n'était que provisoire. Son meilleur ami parisien l'avait invité pour une quinzaine de jours à la capitale puis en Bretagne, avec sa famille, et le garçon rongeait son frein en attendant de partir. Johan était ravi pour lui, persuadé que ce séjour avec les proches qui lui avaient manqué allaient lui faire du bien.

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant