Chapitre 23

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Le portail bas était peint en blanc et le jardinet à travers les grilles semblait cosy et bien entretenu. Sur l'herbe un peu longue et bien plus verte que par chez lui, on distinguait quelques balles égarées, un vélo à petite roues abandonné et quelques chaises de jardin à côté d'un barbecue miniature. On était très loin du quasi parc arboré dans lequel Martin avait pris l'habitude de se promener, mais la surface n'était pas la même, non plus que le prix au mètre carré. Bon retour en région parisienne ! Le quartier résidentiel était calme en ce dernier samedi de juin, la circulation lointaine, et seul le bruit de son souffle précipité troublait le silence de ce milieu de journée. Il chercha des yeux une sonnette et la trouva, à moitié dissimulée sous l'étiquette annonçant fièrement que la maison abritait une famille de quatre personnes, et après avoir dégluti nerveusement à l'idée de ce qui l'attendait, il la pressa.

Le détective privé avait été blasé mais rassurant et dans son anxiété, Martin s'accrocha à ses paroles apaisantes tant qu'il le pouvait.

- Monsieur Daniel Adda est éducateur spécialisé, avait expliqué l'homme au bout du fil.

Martin ne l'avais jamais vu, tous leurs échanges ayant eu lieu par mail ou téléphone, mais il s'amusait à le visualiser en Nestor Burma désabusé et grognon, ce que ses tournures lasses paraissaient confirmer.

- Il travaille auprès d'enfants handicapés en hôpital de jour depuis cinq ans, après avoir réalisé des études de STAPS et avoir débuté sa carrière dans un service de protection de l'enfance. Il est marié depuis cinq ans avec Marianne Belli, chef de service dans une assurance mutualiste. Aucun casier ni l'un ni l'autre ni aucun antécédent particulier. Un couple sans histoire, d'après ce que j'ai pu dégotter. Et mmmh, ils ont donc deux enfants. 

- Bordel de merde, avait murmuré Martin. Ils ont quel âge? Les enfants?

- Laurane, cinq ans et Louis, trois ans. Les Adda ont récemment acheté un pavillon à Bry-sur-Marne grâce un apport de fond des parents de Madame, qui sont relativement aisés. 

Martin avait secoué la tête, incrédule devant le type d'information que le professionnel était parvenu à rassembler et avait demandé d'une voix qui tremblait :

- Et donc vous êtes sûr? Vous êtes certain que c'est bien lui?

La voix de fumeur s'était adoucie.

- A cent pour cent? Non, mais tout semble coller avec les éléments que vous m'avez fourni. L'âge correspond ainsi que la situation familiale, le lieu de résidence de la famille de M. Adda, à l'époque, ainsi que la pratique sportive dont vous vous souveniez. J'ai enquêté dans votre ancien quartier et j'ai retrouvé des habitants de la tour HLM qui se rappelaient bien de M. Adda et sa famille. Je suis donc certain qu'il y vivait bien à l'époque. Et certains témoins se souvenaient de votre sœur, également, qu'ils avaient vu en compagnie de M. Adda. Sans test génétique, vous ne pourrez avoir la certitude qu'il est bien le géniteur de votre neveu, quoi qu'il en soit, mais il s'agit très probablement de l'homme que vous m'avez demandé de localiser. Je vous ai envoyé une photo par SMS, confirmez-moi si c'est bien lui dont vous vous rappelez. Si ce n'est pas le cas, je pourrai relancer ma recherche, bien sûr, mais je suis confiant.

Ils avaient ensuite échangé quelques minutes sur les honoraires dus, étonnamment raisonnables, d'après Martin, avant de raccrocher et c'est avec des doigts légèrement tremblotant que le jeune homme avait ouvert la pièce jointe. Le choc ressenti lui avait coupé le souffle de longues minutes alors qu'il scrutait l'image professionnelle d'un bel homme en jean et polo entouré de médecins, infirmiers et enfants souriants. Il avait dû s'asseoir en réalisant que le visage souriant sous les yeux lui étaient doublement familier, malgré la définition moyenne. Il connaissait ces traits à la fois par ses souvenirs, traits vieillis et acérés par l'âge, mais également parce qu'il les croisait à longueur de journée quand une bouille similaire sortait des toilettes, se vautrait dans le canapé ou faisait la gueule à table. Il y avait quelque différences, bien sur. Le teint de l'homme était plus foncé, il était doté d'une paire de fossettes dont Soan était dépourvu et ses yeux étaient plus ronds que ceux du jeune homme, légèrement bridés. Mais à ces exceptions près, la ressemblance était indubitable et la parenté, impossible à réfuter.

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant