Chapitre 2

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C'est une succession de cris aigus et une sensation désagréable d'humidité qui tirèrent Martin de son semi-coma. Le soleil provençal coulait à flot dans le salon dont il avait omis de tirer les rideaux et la manière dont son cerveau pulsait dans son crâne lui apprit que son sommeil avait été loin d'atteindre les huit heures que son agent préconisait pour conserver sa beauté. D'une main lasse, il attrapa son téléphone qui reposait à ses côtés et grimaça. Six heure à peine, mais ouais. Les notifications pulsaient et il cliqua sur la première pour regarder. Et meeeerde! Cinq appels manqués et quatre SMS. Le premier datait de la nuit dernière, peu après qu'il se soit effondré. Putain, il avait oublié d'informer Amédée qu'ils étaient bien arrivés la veille au soir. Son agent allait le tuer. Parant au plus pressé, il tapa rapidement un SMS rempli de plates excuses et de promesses de rappel imminent avant de reposer le téléphone. À sa gauche, les babillages s'accentuaient et il sentit un poids doux appuyer sur son flanc.

Il pivota et soupira en constatant l'origine du liquide qu'il percevait. Il n'avait pas changé la couche d'Alice avant de la recoucher et les draps étaient trempés. La petite fille était de bonne humeur, toutefois, bien réveillée et paraissait motivée à l'escalader. Elle lui adressa un grand sourire édenté en constatant qu'il était réveillé et tendit une main potelée pour attraper ses cheveux, qui paraissaient toujours la fasciner. Ils ressemblaient beaucoup à ceux qu'avaient arboré sa mère et comme à chaque fois qu'il y songeait, Martin ressentit un petit coup dans la poitrine.

- Alicette jolie poussinette, il est encore tôt, chuchota-t-il. Si je te mets les fesses au sec, tu crois que tu laisserais Tonton dormir encore un peu?

Elle se tortilla vigoureusement sur les draps et répondit par une série de syllabes enthousiastes. Elle était de toute évidence très éveillée et pas du tout en voie de se rendormir et comme à chaque fois, il craqua devant la bouille de chérubin, les joues roses et les boucles dorées.

Il soupira et se frotta les yeux, souriant malgré lui.

- J'ai compris, bébé joli, j'ai compris. C'est donc l'heure de me lever et tant pis si j'ai dormi... 

Il réfléchit un instant. 

- Un peu plus de cinq heures et demie. Et maintenant, je fais des rimes, gloussa-t-il.

Un brin chancelant sur ses jambes courbaturées par le long trajet et la tension de la conduite, il s'extirpa du convertible. Le meuble était vieux et moche, avec son cuir sombre et éraflé et son design imposant. Mais il était confortable, on ne pouvait pas le lui retirer. En jetant un œil circulaire sur le salon qu'il n'avait fait qu'entrevoir la veille, Martin comprit que c'était la thématique générale de la décoration qu'il allait devoir affronter. La pièce était exiguë, séparée de ce qui lui parut être une salle à manger étroite et la cuisine par un couloir imposant. Mais peut-être que cette sensation provenait du nombre bien trop important de mobilier massif et démodé qui y avait été amoncelé. Il compta pas moins de trois gros fauteuils, un coffre, deux tables basses, une vitrine et une bibliothèque, tous dans des teintes marronnasses passées assorties au papier peint rayé des murs. Les fenêtres étaient petites, ce qui était sans doute bien pour conserver la fraîcheur l'été mais renforçait le sentiment d'oppression qu'il ressentait. Martin savait depuis le départ qu'il aurait des travaux de rénovation à réaliser et clairement, il n'allait pas y couper. Seul le sol était à son goût et il admira un instant les tomettes rouges typiques de la région avant de se faire rappeler à l'ordre par une petite fille lassée.

Dans un élan d'intelligence, il avait laissé le sac bébé à portée de main et malgré ses tentatives de s'échapper en gloussant, il échangea rapidement la couche trempée contre une sèche et enfila à la petite fille un pyjama propre. Trois mois auparavant, il n'avait jamais changé le moindre bébé mais désormais, il s'estimait de niveau avancé. Pas tout à fait expert, encore, mais il s'en approchait. Une belle auréole s'étalait sur les draps et il les arracha rapidement, se notant de chercher la buanderie et la machine à laver. Mais avant cela, il lui fallait du café. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de café.

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant