Chapitre IX

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Mya

Elle avait tenu sa promesse et m'avait aidée dans l'ombre.
À présent mots vulgaires et mauvaises manières n'étaient plus dans mes habitudes.
Mais des pensées me traversaient l'esprit, et malheureusement je ne pouvais les exprimer.

Comme toutes les épreuves, celle-ci se déroulait sous les yeux du public, mais celui-ci était raffiné, comme sélectionné au millimètre près. On entendait les milliers chuchotements du public curieux.

À l'intérieur, l'agitation régnait alors que les participants se préparaient pour la compétition tant attendue.

Dans l'antichambre somptueusement décorée, je me tenais devant un miroir ancien, qui contrastait avec le décor d'Eryx, ajustant chaque pli de ma robe de bal.

Les fées venaient de partir, juste avant qu'Alvar puisse mettre un pied dans ma chambre.
Mes dieux, elle va me tuer à force de venir si près de moi.

Le tissu d'un bleu profond mettait en valeur "la délicatesse de mes traits » avait assuré Alvar, tandis que les perles brodées scintillaient à la lueur des chandelles. À mes côtés, Alvar observait avec un œil critique, veillant à ce que chaque détail soit parfait.

— Tu es magnifique Mya, déclara-t-elle en souriant. Mais n'oublie pas, l'élégance ne se définie pas seulement dans l'apparence, elle se définie aussi dans la confiance en soi et la grâce dans tes mouvements.

J'acquiesçais, prenant à cœur les précieux conseils de mon mentor. Je n'ignorais pas que cette épreuve était bien plus qu'une simple compétition de beauté. C'était une occasion de montrer ma grâce, mon intelligence, ma présence d'esprit devant une audience exigeante et montrer ma capacité à devenir un membre de la famille royale.

Une fois ma tenue vérifiée, nous quittions la chambre et nous dirigions vers le grand hall du château. Une fois dans la grande pièce ouverte, Alvar avait disparu entre deux murs.

L'excitation était palpable alors que je rejoignais les autres participants, chacun arborant ses plus beaux atours.
Nous fûmes par la suite amenés dans les jardins.

Enfin "jardins" était un petit mot. C'était un immense champ où avait été construit une arène.
Comme les dernières fois celle-ci était gigantesque, contenant un podium qui s'arrêtait au milieu des pavés et autour, les gradins. Ils s'étendaient sur deux étages mais avec une quarantaine de rangs. J'ignorais exactement le nombre de spectateurs, mais si on m'annonçait qu'ils étaient un million, ça ne m'étonnera pas.

Une immense sculpture ailée servait d'arche à l'entrée de l'arène. Comme trônant et proclamant sa grandeur.

Alvar me lançait un regard encourageant sous sa capuche alors que nous prenions place près de l'installation, prêts à affronter la compétition qui nous attendait.
Je jetais un coup d'œil furtif à mon mentor. Son regard éclatant fit battre mon cœur un peu plus fort, et je me maudissais intérieurement pour ces sentiments troublants qui remuaient en moi à chaque fois que j'étais près d'elle ou que je pensais à elle.

Le carillon retentissait, annonçant le début de l'épreuve. Les participants se dirigeaient vers le podium avec grâce et assurance, prêts à montrer leur élégance au monde.
J'expirai profondément avant de prendre place parmi les autres concurrents.

La musique douce emplissait les gradins lorsque je commençais mon défilé, mes pas mesurés résonnaient sur le sol de marbre. Je me concentrais sur ma respiration, laissant mon corps se mouvoir avec grâce et fluidité. Chaque geste était calculé, chaque mouvement étudié, dans le but de captiver l'attention des juges et du public.

Je sentais les yeux d'Alvar sur moi alors que je défilais, et malgré mes meilleurs efforts pour rester concentrée, je ne pouvais m'empêcher de ressentir une chaleur agréable se propager dans tout mon être.

Mon cœur battait la chamade alors que je me demandais si elle ressentait ne serait-ce qu'un peu la même chose pour moi, mais je chassais rapidement ces pensées de ma tête. Nous étions ici pour la compétition, après tout, pas pour des romances interdites.

Les autres participants défilaient tour à tour, chacun offrant sa propre interprétation de l'élégance et du charme. Certains optaient pour la grâce classique, tandis que d'autres choisissaient l'audace et l'excentricité. Je les observais avec admiration, consciente de la compétition intense qui régnait entre nous.

Une fois que tous les participants avaient défilé, les juges se retiraient pour délibérer. Je rejoignis Alvar dans un placard caché, une boule d'anxiété nouant mon estomac alors que nous attendions le verdict. Elle me lança un sourire rassurant, mais je pouvais voir dans ses yeux d'ambre qu'elle partageait ma nervosité.

— Peu importe le résultat, tu as été incroyable, murmura-t-elle doucement, me prenant la main dans un geste de réconfort. Tu as montré à tous ta grâce et ton charme, et c'est ça l'essentiel.

Je lui souriais faiblement. Peu importe ce qui allait se passer ensuite, j'étais heureuse de l'avoir à mes côtés.

Je ressortais dans le hall car les juges allaient sans doute arriver prochainement,
Et ce fut le cas, ils entrèrent dans la salle avec leurs visages impassibles ne révélant rien de leurs délibérations. Je sentais mon cœur battre fort alors qu'ils annonçaient les noms des deux participants éliminés.

— Les deux participants éliminés sont...

Je retenais mon souffle, incapable de détourner le regard du juge. Les mots semblaient suspendus dans l'air alors que je me préparais à mourir.

— ...Kallias et Isabella.

Un soupir de soulagement s'échappait de mes lèvres alors que je réalisais que j'avais survécu à l'épreuve.
Les gagnants furent applaudis et acclamés poliment puis nous fûmes congédiés. Je rejoignis donc ma chambre où Alvar m'attendais patiemment.

Avant que je puisse dire quoi que ce soit, elle me prit dans ses bras, m'entourant dans une étreinte réconfortante.

— Tu as été incroyable, murmure-t-elle à mon oreille, sa voix était pleine de joie et de fierté. Je savais que tu y arriverais.

Je souriais, sentant une chaleur agréable se propager dans tout mon être. J'espérais un jour avoir le droit a plus qu'une simple étreinte mais je savais qu'il fallait être patiente, car j'ignorais tout de ses sentiments.

— Mya ? À quoi penses-tu ?

Je la regardais, hésitante. Elle était aussi mon amie, et mes sentiments gâchaient tout.

— Non... rien. Je suis fatiguée.

Elle semblait troublée mais n'en dit rien.

— Alors va te reposer, l'épreuve de danse est ce soir, lors d'un bal.

Je déglutissais, je lui avais assuré que je savais danser alors que j'avais deux pieds gauches. Mais passer plus de temps à ses côtés allait m'achever, alors j'acquiesçais sans rien dire.
Mais elle semblait repérer l'inquiétude dans mon regard.

— Me dis pas que tu ne sais pas danser ? ET que tu m'as menti ?

Je ne dis rien. Après tout elle venait de me le dire.

— Alors ?

— Tu viens de me dire de ne rien dire ! me défendis-je.

Elle se tint la tête et secoua la tête, désespérée.

— Je... ne voulais pas plus t'embêter, tu m'as tellement aidée.

J'avais bien rattrapé le coup.

— Je suis là pour ça Mya, rappelle-toi que personne n'est gagnant si tu es éliminée.

Je baissais la tête, honteuse.

— Aller je vais t'aider, a-t-elle assuré en ouvrant un coffre.

Des instruments en sortirent comme par magie et se mirent à jouer, sans musicien.

J'étais troublée, comment était-ce possible ?

— La magie du palais royal. répondit Alvar sans avoir entendu ma question.

Luminary

Elle prit ma main droite dans sa main gauche et plaça mon bras libre sur son épaule tandis que le sien se plaça au creux de mon dos.
J'étais probablement rouge et mon cœur battait si fort que j'avais peur qu'elle ne l'entende.

Ma chambre se transforma en petite salle de bal. Toujours par magie et cela m'intriguait toujours autant.

Elle me guida, me montra chaque pas et ne disais rien lorsque je marchais sur ses pieds.

Dans des tourbillons de jupons qui étaient apparus, je ne voyais plus mes pieds et tout autour de moi devenait flou.
Il n'y avait qu'elle.
Que son sourire et ses yeux éclatants.
Dans notre bulle, dans notre monde.
Comme entre nos mondes.
La magie et le réel.

Le violon s'emballât et nous tournâmes plus vite, comme si nous nous envolions. Comme si nous étions seules au monde.
Nous nous étions rapprochées et mon visage était à quelques millimètres du sien. Mais cela ne nous empêcha pas de danser et de rire lorsque je te tournais dans le mauvais sens.

Je voulais que cela ne s'arrête jamais. Que nous dansions éternellement comme si le monde autour de nous n'existait plus.
Je voulais...
Juste sa personne.

Les notes s'effaçaient et nous nous inclinions, toujours sans se quitter des yeux.
Et le sourire aux lèvres.
La tension ne s'effaça pas et la distance ne s'élargissait pas. Comme envoûtées.
Hypnotisées.

Pourquoi ne bougeait-elle pas ? Pourquoi fixait-elle mes yeux alors que nos cœurs battaient plus fort que le bruit des tambours ?

Pourquoi... était-elle partie sans rien dire ?

Les bras ballants je vis la porte claquer dans un bruit assourdissant, comme le reflet de mon cœur qui venait de renfermer sur lui-même.

... Que venait-il de se passer ?

Avant que je ne puisse faire un pas pour la rattraper, mes caméristes arrivèrent afin de m'aider à me préparer. Je m'efforçais à sourire mais les derniers instants avec elle m'avaient troublé. Je plongeais dans mon bain et en ressortis que lorsque l'eau devint trop froide, c'est-à-dire, une heure.
Je ne voulais plus aller à la compétition, j'étais trop éreintée.
Mais je le devais, pour ma survie...

Je fus enveloppée dans une grande serviette bleue puis Aislin me passa une robe lilas et dorée qui se composait d'une dizaine de volants accrochés à un corset aux manches papillons.
Elle accrocha dans mes cheveux ondulés plusieurs pinces dorées assorties aux créatures volantes et des rubans lilas.

Je glissais mes pieds dans des souliers en satins assez confortables puis je soufflais.
Malgré le fait que je m'étais entraînée et que ça me donnait de l'espoir, je savais que tous savaient maîtriser les pas parfaitement, contrairement à moi.

Je fus accompagnée jusqu'à la salle de bal où le public se tenait sur les bords tandis que les juges et au centre entourés d'une table ronde.
Nous étions donc sous le regard de tous à chaque seconde.

La salle, haute de plusieurs mètres, se trouvait dans l'aile améthyste. Les lieux étaient de la même couleur que la pierre précieuse car c'étaient les vitraux qui éclairaient la pièce. Comme des rideaux qui sublimaient les vitres, les panneaux représentaient des moments, des événements de ce pays. Des choses que je ne décryptais pas.
Le sol en marbre, blanc je présumais, accueillait déjà la plupart des participants.

Non, ils y étaient tous, j'étais la retardataire qu'ils attendaient.
Alors je les rejoignais, honteuse, et observais autour de moi.
Elle n'était pas là, ni cachée ni à la vue de tous.
Alvar n'était pas venue m'encourager comme d'habitude...

Le son des clochettes se fit entendre et la musique commençais sur un air envoûtant.
Nous étions deux par deux. Et évidemment je m'étais associée à Ilmatar car je lui faisais totalement confiance.

Once Upon A December

Sur un air de musique russe ? Uniquement composée de violons et clochettes, nous, participants, commencèrent à exécuter des pas cadrés et identiques. Une valse à trois temps était notre seule indication pour cette épreuve. Et tomber ou perdre le compte étaient les seules choses qui nous faisait échouer.

Alors je me perdis dans le regard de mon amie ton en comptant dans ma tête.
Elle n'essaya pas de me déconcentrer ni de me jouer un mauvais tour, au contraire elle m'aidait tout le long lorsque je risquais de tourner trop tôt.

Mes pieds connaissaient à présent la cadence et les temps. Sur la musique que j'écoutais devant les studios de danse « Once Upon A December » je me perdais dans mes pensées sans me tromper. Je remerciais intérieurement Alvar pour son cours de danse.
Dans un tourbillon majestueux que nous formions autour des juges, je sentais la pression de chaque. Les regards insistants de nos concurrents lorsque nous exécutions parfaitement un pas risqué ne nous atteignait plus. Nous savions que c'était la victoire assurée.

Nous avions la musique encrée dans nos veines.
Nos talons qui martelaient sur le sol ne nous faisaient pas mal, comme si nous flottions sur des nuages.

Je ne sus dire si c'était agréable ou étrange. Après tout, nous étions dans un monde fantastique, plus rien ne m'étonnait.

La musique s'effaça lentement et tint sur la dernière note une longue minute avant de s'arrêter brusquement.
Nous finissions par nous saluer avant de nous écarter.

Les juges souriaient. Je supposais que nous avions fait du bon travail.

La délibération fut courte car nous étions à présent huit.

— Et les six sélectionnés sont : Ilmatar...

Je sautais de joie avant de prendre mon amie dans mes bras.

— Fenrys, Ahmes, Nixie, Raihn et Mya.

Mes amis souriaient et sautillèrent, nous avions réussi !
Mais le plus dur restait à venir... car la prochaine épreuve en éliminait trois.

Between Our Worlds [FINIE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant