Chapitre V

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Aderyn
Le matin de l'épreuve de course...
 
La compétition suivait son cours tandis que le palais se préparait au futur mariage. Il restait une soixantaine de participants mais c'était apparemment maintenant ou jamais.
 
Pour une fois j'avais souhaité que ce soit ma jeune sœur qui prenne ma place, après tout elle m'avait pris une majeure partie de ma vie alors pourquoi ne pas me prendre ce mariage ? Au fond ça l'aurait arrangé, surtout que ça menait par la suite au couronnement.
 
Je parcourais les couloirs du palais et observais les préparatifs. Les rideaux rouges avaient été parsemés de pierres précieuses de même pour les chandeliers qui étaient devenus des lustres.
Notre royaume montrait sa richesse seulement lors des événements.
 
Les couloirs n'avaient pas subi un grand changement mais c'était le cas de quatre pièces. La salle d'apparat, la salle de bal, de banquet et la chambre principale reléguée aux prochains souverains.
 
Je croisais ma mère aux côtés de ma sœur. Elles discutaient et rigolaient. Je n'avais, malheureusement, jamais été intégrée dans leur petit groupe. Seul mon père me soutenait et m'aimait.
 
— Oh Aderyn, tu as rendez-vous dans la salle d'apparat pour les essayages. 
 
— Encore ? demandais-je, lassée des préparatifs.
 
— Oui, tu as besoins de nouvelles robes car tu assisteras maintenant aux épreuves et oui, c'est un ordre. De plus je n'approuve pas ta robe de mariage alors j'ai donné des directives à la modiste.
 
Je jurais et me dirigeais vers ladite salle sous le regard jaloux d'Alvar.
Malgré le fait que je détestais ma vie, je me réjouissais un peu de la jalousie de ma jeune sœur.
 
La pièce comportait deux espaces séparés d'un grand tissu opaque blanc. Je devinais que ça servait à séparer les fiancés pour ne pas se voir avant l'heure.
 
— Votre Altesse, vous voilà, me salua la modiste. Montez sur l'estrade j'ai de nouvelles choses à vous faire essayer.
 
— Elle n'a pas accepté ma dernière robe ? demandais-je ennuyée.
 
Elle secoua négativement la tête, déçue.
 
— Elle la trouvait arrogante et provocatrice. J'en suis désolée.
 
— Ce n'est pas votre faute, il est compliqué de faire plaisir à la reine.
 
Elle acquiesça puis attrapa une robe sur le portant.
 
Celle-ci était rouge et or, simple mais élégante. Pas de décolleté ni de fente mais le dos était bien dégagé, ce qui me plaisait. De longues bandes de gaze étaient cousues au corset, ce qui donnait un effet papillon. Je ne la détestais pas, mais la première était vraiment ma préférée.
 
Je lui souriais faiblement et elle souffla de soulagement.
 
Elle m'aidait à la passer et je me regardais dans le miroir. C'était mieux que rien.
 
Une fois la robe de mariée essayée nous sommes passés à celles de cérémonie et de sortie.
 
Ma garde-robe était principalement composée de vert et de bleu. Mais ma mère insistait pour que je porte du rouge, nos couleurs. Mais se rendait-elle compte que ça ne m'allait pas du tout ?
 
J'avais cédé, pour deux robes rouges seulement et le reste serait de ma couleur.
 
Une fois les essayages terminés je sortis de cette salle aux décorations aveuglantes et me rendis dans ma chambre, je devais souffler avant de me rendre au bal de ce soir.
 
On vint toquer à ma porte, je me levais donc de mon fauteuil et ouvrit pour me retrouver face à mon père.
 
— Aderyn.. 
 
— Père. Que me vaut votre visite ? demandais-je en souriant.
 
Il recoiffa ses cheveux neige et me lança un regard apaisant.
Ce qui n'augurait rien de bon.
 
— Il y a eu un changement. révéla-t-il.
 
— C'est-à-dire ? questionnais-je le cœur battant.
 
— Tu te souviens la jeune participante qui a trahi le pays ?
 
— Oui... ?
 
— Nous l'avons remplacée.
 
— Et pourquoi donc ? Et comment cela se fait-il qu'il n'y ait eu aucune annonce ?
 
— Nous voulions éviter les affolements et questionnements. De plus sa remplaçante est censée être morte aux yeux du royaume.
 
— Tu m'en avais parlé... Mya c'est cela ?
 
Il acquiesça en me montrant un hologramme de fiche d'identité. Ses yeux bleu perçant ainsi que ses boucles noires transperçaient sa photo. Sa haine se voyait fortement ainsi que sa peur.
 
« Mya Stevens, 22 éclipses. Lieu d'habitation : inconnu, statut : participante à la compétition de la couronne »
 
— Il y a très peu d'informations sur elle. constatais-je.
 
— C'est normal, elle ne vient pas d'ici.
 
— Comment ça ?
 
— Elle vient de l'autre monde, la terre.
 
Je m'asseyais sur mon lit. Comment ça l'autre monde ? Comment même avait-elle pu atterrir ici ?
 
— Et pourquoi l'avoir sauvée ? demandais-je afin d'essayer de mieux comprendre ces derniers événements.
 
— Elle souhaitais sauver son amie à tout prix... Mais je ne pouvais pas la laisser vivre, pas avec une pareille trahison. Mais cette humaine n'y était pour rien alors je l'ai laissé en vie.
 
— Tu as un cœur en or mais des fois tu ne réfléchis pas, me moquais-je.
 
Il me donna une tape sur le crâne avant de venir s'asseoir à les côtés.
 
— Ne lui rend pas la vie dure.
 
— Qui dit qu'elle survivra ? demandais-je amusée.
 
— Elle est très déterminée tu le verras tout à l'heure.
 
— Argh je suis obligée d'y assister ?
 
Il hocha positivement la tête. Zut.
 
Nous nous rendîmes avec mon père à l'arène. Ma mère et mes chères sœurs n'ont pas voulu nous accompagner, ce qui était si dommage.
 
La course c'était si ennuyant mais en voyant les obstacles je souriais. Ça c'était au final pas mal.
 
L'épreuve était lancée et les coureurs motivés. Bof ce n'était pas de mon ressort alors je regardais avec désintérêt mais en me demandant qui sera mon ou ma fiancé.e.
 
Je remarquais une qui avait beaucoup de difficulté et je souriais, pauvre petite souris entourée d'aigles redoutables.
En voyant mon père paniquer je devinais, c'était sa protégée, Mya.
 
Je pris des jumelles et observais, oui ces boucles sombres étaient les mêmes que sur la photo.
Intéressant...
 
Le soir du bal
 
Le bal masqué a eu lieu dans la tour de cristal. Ma robe fut malheureusement la rouge avec les détails dorés. Elle était bouffante et inconfortable, je détestais ça. Fortement.
 
Je ne portais pas de couronne, par envie. Je ne voulais pas passer ma soirée à discuter.
Ma sœur se débrouillait très bien pour ça. Une masse de gens étaient autour d'elle et son sourire m'indiquait qu'elle adorait être au centre de l'attention.
 
Je reculais lorsque je sentis quelque chose me heurter.
 
— E-excusez-moi... bafouilla une petite voix.
 
Je ne m'énervais pas, sa voix trop timide me fit de la peine 
 
— Pas de pro-
 
La jeune femme ne portait pas de masque, j'ai alors vite constaté que c'était ma prochaine élève... Il va y avoir du travail car sa timidité et sa faiblesse allaient lui causer sa perte.
 
Mya
 
Cette soirée fut un désastre. J'ai été maladroite comme jamais en plus de me taper la honte devant toute l'assemblée lorsque j'ai renversé une table.
Bravo.
 
A un moment l'orchestre se mit à jouer une musique envoûtante.
Les discussions s'arrêteraient et tout le monde se tourna vers les musiciens.
 
— Quelle magnifique mélodie ! s'enthousiasma une personne.
 
Oui... Quelle douce mélod...
Mélodie.
Melody.
 
Je fermais les yeux et essayais de chasser ça de mon esprit mais à chaque son que produisait les instruments, mes souvenirs revinrent.
 
Sa chevelure dorée courait à travers le public, comme si un danger était derrière elle.
 
Puis, plus rien. Plus aucune trace d'elle.
 
A part son souvenir.
 
Un putain de souvenir sans fin.
 
C'était un jour comme les autres, il faisait froid et je m'étais échappée pour me rendre au seul endroit où je me sentais en sécurité, la fontaine des Astres. 
 
La neige commençait brièvement à tomber lorsque je vis une ombre au loin. J'avais d'abord cru à une hallucination dû au froid mais la forme approchait de plus en plus vers moi. Et puis cette ombre a laissé place à une jeune femme aux cheveux bruns recouverts de flocons. 
Son doux sourire m'avait pratiquement fait oublier le froid glacial dans lequel je me trouvais.
 
En voyant que je n'étais pas là pour le plaisir son expression changea vite. 
 
—Mon dieu, que faites-vous dans ce froid glacial ? Avez-vous besoin d'aide ? avait-elle demandé, affolée.
 
J'avais doucement ris. Muette face à ses dires. Comme toujours.
 
— La température a dû descendre au-dessous de trente-deux fahrenheit ! Ne restez pas là.
 
J'avais haussé les épaules, indifférente, je sentais que le froid était plus violent que d'habitude, mais je m'en fichais.
 
— Venez, je ne peux pas vous laisser ici, surtout pour Noël.
 
Elle m'avait tendu sa main que j'avais attrapé. Pourquoi aurais-je refusé ? 
 
J'avais l'impression qu'elle était là, dans cette salle bien que ce fût impossible.
 
Je sentais un regard sur moi alors je me retournais, curieuse.
C'était cette jeune femme, celle que j'avais bousculé.
 
Ses cheveux gracieusement attachés semblaient prêts à porter un diadème mais que la personne en dessous avait abandonné.
Une fois que je l'avais identifié son regard ne se tourna plus vers moi.
 
Je passais la soirée dans mon coin à rêvasser.
 
« Tu m'a aimée et ce, malgré que je ne parlais pas. Tu as été là tous les jours... Reviens-moi Mel... »
 
Je ne voulais pas y penser.
Oublier ce souvenir trop douloureux et récent.
 
— Je savais ce qu'il y avait entre vous... je suis désolée Mya.
 
Je la regardais, les yeux vides. Je n'avais plus de larmes depuis des jours.
 
— Elle t'as laissé une lettre, je suppose que ça a duré longtemps.
 
Elle me tendit le papier que j'attrapais avant de faire demi-tour. Je ne voulais pas rester dans les parages. Pas là où elle avait vécu et là où elle avait fini sa vie.
 
Sur le chemin je m'arrêtai sur un banc, je ne pouvais pas attendre plus longtemps.
 
"Ma chère Mya, cela fait maintenant trois mois que nous sommes ensemble. L'amour fait des merveilles et la tristesse fait des ravages. C'est ce sentiment qui a pris le dessus.
Tu as été mon rayon de soleil. Mon âme-sœur et mon plus grand amour. 
Mya, malgré ton mutisme je t'ai aimée, encore et encore, chaque jour.
 
Mais ma tristesse m'a rattrapé ce jour. Sous le saule pleureur quand tes parents t'ont battue. Ce jour-là j'ai réalisé que tout n'était pas beau.
Je suppose que nous serons encore ensemble lorsque le mal prendra place dans mon corps et que je n'ai pas réussi à te quitter.
Je suis désolée. Je n'ai pas réussi, j'aurais préféré te quitter au lieu que ça se finisse comme ça.
 
Je t'aime, on se retrouvera. »
 
J'étais en larmes sur ce banc. Je tenais la lettre comme si je m'accrochais à ma vie.
Elle cachait si bien ses émotions. Son mal-être était si peu perceptible mais quand je lui faisais comprendre que je percevais quelque chose elle niait.
 
Après cette dure soirée d'hiver je rendais visite tous les jours à Melody. C'était écrit et nous sommes tombées amoureuses en si peu de temps.
Le printemps est arrivé, ainsi que les coups sur mon corps. Elle était là, à me rassurer et me réconforter.
Elle était tout pour moi.
Et je n'étais pas fichue de repérer un début de dépression chez l'amour de ma vie...
 
Elle était partie il y a maintenant deux mois. Deux mois que je me sentais vide, mon esprit n'acceptait pas sa mort ainsi que mon être. Elle était ma moitié.
 
J'étais par la suite rentrée chez moi en ayant pris soin de cacher ma lettre.
 
— Tu étais où ? avait demandé ma mère, complètement en colère.
 
Je l'avais regardé et lui avais mimé la fenêtre, pour bien lui faire comprendre que j'étais dehors mais que je n'allais pas lui expliquer où.
 
— Petite sotte, avait-elle juré avant de fouiller mes poches et mes chaussures.
 
Elle avait évidemment trouvé la lettre que j'avais mis dans la poche intérieure de ma veste. Je fermais les yeux, j'étais si bête.
 
— Ah, je le savais.
 
Elle avait lu la lettre deux fois et à chaque fois elle faisait la même tête.
Sa fille aimait les filles et ça la dégoûtait. De plus elle ne m'aimait pas donc ça n'arrangeait rien.
 
— A partir d'aujourd'hui ta portion sera réduite. Tu n'auras droit qu'à un repas par jour et encore je suis gentille, j'aurais pu le dire à ton père et il t'aurait mis à la porte.
 
J'ouvrais grand les yeux. 
Ce n'était pas juste, juste parce que j'aimais une personne du même genre je n'étais plus digne de manger ou de vivre ici ?
 
Je secouais la tête et partis dans la pièce qui me servait de chambre. Qu'elle journée horrible.

Between Our Worlds [FINIE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant