Chapitre 18

155 22 4
                                    

- Tu peux difficilement lui en vouloir, Thomas.

- Je sais, soupira le susnommé. Je sais, Newt.

Thomas s'attendait à des reproches dès le départ : autant dire qu'il n'était pas surpris. Quoiqu'il avait de la chance de parler à quelqu'un de calme et de raisonné qui n'irait pas l'agresser pour lui faire comprendre les choses. Newt, c'était plus le genre de gars à énoncer les faits de façon simple et efficace et à laisser planer le silence jusqu'à ce que son interlocuteur comprenne ses fautes. Il ne s'agissait pas là d'une punition de silence, bien au contraire. Newt créait juste un espace prompt à la réflexion et répondait en cas de besoin.

L'avantage, c'est que Thomas avait effectivement conscience de ce qui n'allait pas.

- Toi et Stuart, vous avez merdé. Ça ne veut pas pour autant dire que c'est foutu, continua tranquillement Newt.

- En attendant, il ignore mes appels et mes messages, râla Thomas. Comment je suis censé rétablir le dialogue s'il s'entête à le refuser ? Merde, je ne sais même pas où il dort...

Il s'agissait peut-être d'ailleurs de ce qui l'angoissait le plus. Il se l'imaginait démuni. Fier, mais démuni. Cet idiot avait tant d'ego... Que Thomas le savait capable d'habiter dans sa voiture, sa si chère voiture, pour les éviter, Stuart et lui. Stiles ne vivrait pas dehors à proprement parler, il n'irait pas jusque-là. Mais Thomas savait fort bien que son frère avait toutes les capacités pour le surprendre. En fait, il l'avait toujours fait. Chacune de ses réactions était une nouveauté, la plupart du temps imprévisible. Stiles était selon lui fort difficile à cerner : il ne fonctionnait pas comme Stuart, pas comme lui, Thomas, non plus. Il était différent. Si l'on ajoutait à cela son caractère de cochon doublé d'un âne lorsqu'il s'y mettait... Il devenait fort vite agaçant.

Mais cela ne voulait pas dire que Thomas ne l'aimait pas.

Stiles était bourré de défaut. Il passait sa vie à rendre leur père chèvre. Il vivait de façon inconsciente, presque suicidaire et ça... C'était une chose qui ne changeait pas malgré les années. Thomas se souvenait fort bien de ce jour où Stiles s'amusait à traverser la route sans regarder, passant parfois très près de voitures qui n'avaient pas peur de l'écraser. Pour lui, c'était un jeu. Noah, lorsqu'il avait regardé la route par la fenêtre, avait bondi hors de la maison pour le ramener à l'intérieur. Il lui avait administré une sale punition et l'avait privé de sorties pendant un bon mois. Résultat, deux jours plus tard, Stiles recommençait. Et voilà qu'aujourd'hui, il traînait avec des gens plus que louches et potentiellement fort dangereux pour lui... A croire que flirter avec le danger était dans sa nature, qu'il revêtait comme une seconde peau.

Et c'était foutrement idiot.

Néanmoins, Thomas savait fort bien que Stiles n'était pas stupide – du moins pas complètement. Il avait cette personnalité un peu particulière, mais... Pas marginale pour autant. Il avait... Un TDAH, oui. C'était quelque chose que Thomas ne pouvait pas négliger et qui ne revêtait toutefois pas, à ses yeux, le jugement de « tare ». Bien au contraire. Car lorsque Stiles se plongeait dans une activité, il y allait à fond et sa concentration était si forte qu'il était très difficile de l'arrêter. Lorsqu'on y arrivait, l'hyperactif semblait d'un coup fatigué, comme si on l'avait sorti d'un long sommeil des plus profonds de façon brusque. C'était pour cela qu'il ne fallait pas le déranger dans ces moments-là, durant lesquels sa productivité était affolante.

Puis il avait ce petit grain de folie aussi... Que Thomas lui enviait parfois. Stiles savait s'amuser et n'hésitez pas à rendre toute activité ludique, de sorte à prendre un peu de plaisir dans tout ce qu'il pouvait entreprendre. L'on pouvait y coupler aussi cette détermination de fer dont il faisait régulièrement preuve : lorsque Stiles désirait ou non quelque chose, il faisait tout pour arriver à ses fins et rares étaient les fois où il s'autorisait l'abandon. En cela, Thomas pouvait même dire qu'il l'admirait. Avoir une telle volonté n'était pas donné à tout le monde.

Au-delà de tout ça. Au-delà de ces défauts et qualités qui faisaient de Stiles celui qu'il était : il s'agissait avant tout de son frère. Qu'il s'agisse du deuxième ou du troisième, peu importe.

Malgré leurs différends et différences de caractère... Thomas l'aimait, cet idiot. Alors le savoir hors de la maison depuis plusieurs jours le minait profondément.

- Stiles n'est pas stupide, lâcha Newt dans un soupir. Il choisit minutieusement ses fréquentations, son entourage.

- Je sais qu'il n'est pas bête, mais... Comment tu expliques son entourage ? Ils ont presque tous été... Suspectés de quelque chose. Je ne te parle même pas de ce Derek Hale.

- Stiles doit avoir ses raisons. Ce qui est certain, c'est que vous avez été durs – et Stuart, stupide.

- Il n'a pas été très fin, avoua Thomas, et même un peu brutal, mais... Tu peux comprendre notre inquiétude.

- Je la comprends, mais au lieu de foncer comme vous l'avez fait, vous auriez dû tenter de le prendre à part, un soir et de discuter. Comprendre, pour réfléchir avant d'agir, Thomas.

C'était là une phrase que Newt lui répétait souvent, un peu à tort, parce qu'il réfléchissait plus qu'il n'agissait en général. Mais il est vrai que cette fois-ci, les choses s'étaient avérées, un poil différentes.

- A chaque fois qu'on a tenté de discuter avec lui, il a fui, râla-t-il.

- Pourquoi, à ton avis ? Thomas, je t'aime et ne t'imagine pas que ça va changer de sitôt, mais il y a des fois où t'es vraiment con.

Le susnommé ne chercha pas à nier. Si Newt disait quelque chose, c'est qu'il avait forcément raison – souvent, en tout cas. Puis Thomas se connaissait et il devait avouer ne pas être un fin limier, encore moins lorsque l'affaire concernait Stiles. En fait, il n'avait jamais réellement su... Comment se comporter avec lui tant il était spécial. Il soupira, encore.

- On est un peu durs avec lui, consentit-il à avouer.

- Un peu durs ? De ce que tu m'as raconté, vous êtes carrément imbuvables avec lui. Si tu veux qu'il arrête de fuir, commence à te montrer gentil, agréable, compréhensif. Je sais que tu as du mal à l'être avec quelqu'un d'autre que moi, mais je suis sûr que tu peux y arriver. T'es con, mais tu l'es pas foncièrement.

Le pire, c'est que Thomas était d'accord avec lui sur bien des points, peut-être même sur tous. Alors les « insultes », il ne les releva pas. Pour Newt, il s'agissait presque de signes de ponctuation. Conscient qu'il pouvait parler de tout avec lui, car il s'agissait-là de son petit-ami depuis des années, Thomas se lâcha :

- J'ai peur pour lui... Et pour notre père. Tu sais, il a l'air de s'être passé tant de choses en notre absence que Stuart et moi... On est perdus. Stiles est à la fois comme on l'a laissé et en même temps si différent...

- D'où la nécessité de discuter calmement, comme tout être humain civilisé.

Il était évident que Newt aurait la solution pour chacun des problèmes qu'il lui exposait, mais Thomas peinait à se l'avouer complètement, d'autant plus... Que tout paraissait si simple tout en étant si compliqué.

Autant dire qu'il n'en avait pas fini de soupirer.

Not Good EnoughOù les histoires vivent. Découvrez maintenant