Chapitre 17

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Stiles ne savait franchement pas à quoi jouait Derek tant son comportement n'avait aucun sens, à ses yeux. Pour lui, son désir de l'humilier était clair et voilà qu'il se montrait désormais un peu plus avenant avec lui, presque... Chaleureux. Quoique le mot lui paraissait un peu fort, après réflexion. Derek ne savait pas l'être, et puis... Il ne souriait jamais. Puis sincèrement, après l'avoir fait descendre plus bas que terre, il était difficile de savoir ce qu'il cherchait à faire. D'ailleurs, pourquoi continuait-il de le garder ici ? Stiles continuait de penser qu'il avait bien mieux à faire que de s'entêter à le séquestrer. Bien sûr, l'hyperactif, pas dépourvu de ressources malgré sa condition humaine, pouvait tenter bien des choses pour s'en aller, avec la certitude qu'il y arriverait. Maintenant, restait à savoir à quel point Derek voulait l'empêcher de partir, ce qu'il était prêt à mettre en œuvre pour le retenir. Car Stiles continuait de croire à une demande spécifique émise par Scott.

Qu'importe l'attitude de Derek à son égard, Stiles gardait son idée que l'ancien alpha le détestait et que rien ne changerait ce fait – à part sa disparition, peut-être. Souvent, on se mettait à regretter un absent, parce qu'on s'était longtemps habitué à sa présence... Et qu'une fois celle-ci ailleurs, on se demandait ce qu'on aurait pu faire pour la retenir et, à la rigueur, commencer à l'apprécier. Dans son cas, Stiles se disait que Derek le trouvait parfois utile et s'imagina un instant disparaître de sa vie avant d'en venir à une conclusion claire, nette et pas forcément très positive pour l'estime qu'il avait de lui-même : Derek ne regretterait rien, mis à part ses bons et loyaux services. Les basses besognes qu'il était le seul à bien vouloir exécuter. Ainsi, son humeur déjà sombre n'alla pas en s'améliorant et ce, même si Derek lui semblait un peu plus ouvert. Les mots avaient justement leur importance : il semblait. Il n'était pas. Alors Stiles continuait de se sentir mal en sa présence, d'avoir envie de pleurer comme il avait besoin de le faire... A la différence que la colère, puissante, était désormais de la partie. Elle retenait tout autant ses larmes de rage que les restes de sa dignité en lambeaux. Ainsi, son regard était plus froid et les mots qui sortaient de sa bouche se raréfiaient. Il en avait marre d'être pris pour le vilain petit canard... Que ce soit au sein de sa fratrie infernale, ou de la meute.

- Tu ne nous as jamais parlé de tes frères, lâcha Derek alors qu'ils mangeaient en face à face.

Le loup-garou avait réussi à le convaincre – pour ne pas dire qu'il l'avait traîné de force – de manger un peu, avec lui. Autant dire que Stiles, alourdi par des émotions toutes plus lourdes les unes que les autres, n'avait pas particulièrement faim. Il pouvait manger tel un ogre et vider un frigo sans effort, mais pas aujourd'hui.

Et puisque la question de Derek l'incommodait, il l'ignora sans autre forme de procès. De toute façon, il n'avait aucun intérêt à y répondre.

- Je n'ai jamais imaginé que tu n'étais pas fils unique, continua le loup-garou, sans sembler faire cas de son silence.

Stiles leva dans sa direction un regard mêlant courroux et simple agacement, d'une part parce qu'il n'avait absolument pas envie que Derek continue de parler de ce sujet, d'autre part parce que... Le fait qu'il ne se soit jamais douté de rien avait un sens : Stiles avait tout fait pour que l'on pense que sa famille se composait uniquement de son père, et lui. Alors la remarque de Derek lui paraissait aussi stupide que risible. Encore une fois, il ne dit rien, espérant secrètement que le loup-garou allait la fermer, ou, dans le pire des cas, simplement passer à autre chose. Déjà que la simple idée de parler ne l'enchantait pas, alors s'il devait, en plus, subir l'évocation du sujet qu'il ne fallait pas aborder en sa présence...

- Qu'est-ce qui t'a poussé à nous cacher leur existence ? Continua le loup-garou, l'air de rien.

Stiles devrait voir qu'il y avait quelque chose de différent chez lui, que cette propension à parler qu'il avait n'était pas normale. De mémoire, Derek ne s'intéressait pas aux autres, rien ne lui importait plus que la tranquillité de sa petite personne... Ce qui incluait par conséquent le fait de ne pas pousser Stiles à parler. Or, c'était exactement ce qu'il cherchait à faire. Si l'hyperactif ne comprenait pas son petit manège, au lieu de se poser des questions le concernant... Il se contentait de le fusiller du regard et de pester intérieurement contre lui.

Mais Stiles réfléchissait tout de même à sa question, sans toutefois le lui laisser voir. Pour être honnête, il n'avait pas envie d'y répondre mais s'il voulait le faire, la réponse serait en réalité plurielle. Son histoire familiale était extrêmement simple mais la façon dont chaque grand évènement de sa vie enfantine s'était déroulé rendait tout plus compliqué. Les triplés Stilinski ne faisaient pas que se détester. Il y avait des différences de point de vue, des rivalités, des accords, souvent unilatéraux. De la jalousie, aussi, une certaine domination, aussi... Et l'impression de ne jamais être assez bien. Assez tout court.

Alors des raisons de cacher l'existence de ses frères à la meute, Stiles en avait des tas et pour rien au monde il n'irait les avouer à quiconque. Ce n'était en tout cas pas dans son intérêt. De toute façon, il ne lui tardait qu'une chose : leur départ de Beacon Hills, leur disparition de sa vie. Les choses devaient rentrer dans l'ordre, retourner à leur place.

- Pourquoi tu...

- Si tu tiens tant que ça à les connaître, va leur poser toutes tes questions directement, le coupa sèchement Stiles.

Car lui n'avait pas la moindre intention d'y répondre. Déjà que restait ici le pesait vraiment, alors devoir se coltiner un interrogatoire concernant des gens dont il préfèrerait oublier l'existence pour ne jamais s'en souvenir... C'était définitivement trop.

- Et si tu continues de me parler d'eux, je t'éviscère avant la fin du repas, tu m'entends ?

Stiles était atrocement sérieux et pourtant, il savait que Derek ne ferait pas cas de sa menace – à raison. En tant qu'humain, il se trouvait en position d'infériorité face à un loup-garou en pleine forme. Autant dire que tenter la moindre attaque frontale ne serait rien de plus qu'un attentat suicide. Quoique cela ne dérangeait pas tant que cela l'hyperactif, que l'on savait un peu kamikaze sur les bords.

xxx

- Décroche...

Thomas s'impatientait. La main crispée sur le téléphone, il attendait désespérément un bruit... Autre chose que cette tonalité lentement répétitive. Le temps passait, s'écoulait à une vitesse affreusement lente... Le menant à un troisième appel, dans l'espoir qu'il n'ait pas à en lancer un quatrième. Trois, c'était déjà trop pour sa maigre patience... Oui, maigre parce qu'il ne se sentait pas très bien. C'était pourtant l'une des qualités qui le caractérisait le mieux, mais Thomas... Était préoccupé – ce qui n'arrivait pas souvent. Sa patience n'existait plus que dans ses souvenirs. Ses yeux détaillèrent la pièce dans laquelle il se trouvait. Il la connaissait déjà fort bien. Ces murs bleus, cette décoration sommaire, ce bordel organisé partout ici et là, ce tableau avec cet incroyable nœud fait de fils de laines rouges, vertes et jaunes... Il n'y avait que Stiles pour vivre dans une chambre pareille, dépourvue de tout sens.

Clac clac.

Thomas manqua de sursauter.

- Tommy ?

La voix qui sortit soudainement du téléphone le détendit tout de suite. Thomas poussa un discret soupir de soulagement, sentit son corps se détendre en tous points. Enfin...

Not Good EnoughOù les histoires vivent. Découvrez maintenant