Chapitre 1 - Joe

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Cela fait un mois, un mois que j'ai perdu une partie de moi. La nuit, les souvenirs viennent me hanter et chassent le sommeil. Je dors la journée et je pleure la nuit, en silence. Je ne dis rien à Maël car je dois rester forte, ou du moins d'apparence. Après le drame, Maël et moi avons dû réapprendre à vivre. Je ne pouvais pas supporter de voir notre maison vide, sans vie alors je passais mes journées à la patinoire. Mon frère et moi nous sommes encore plus rapprochés car désormais nous ne sommes plus que deux dans la famille. Aucun oncle, aucune tante ni de grands-parents pour nous épauler, seulement nos amis. 5 cinq jours seulement après l'évènement des funérailles ont été organisées par mon frère, moi ayant été incapable d'y penser. Peu de personnes sont venues, il y avait deux collègues de mon père ainsi que mes amis les plus proches et ceux de Maël. Quelques voisins sont également venus, ils nous ont accablés de pitié et nous ont fait promettre de les contacter si jamais nous étions dans le besoin. Je n'ai pas eu le courage de rester pendant toute la cérémonie mais Maël à tenu jusqu'à son discours. 

Il dit qu'il va mieux, mais je ne vois plus dans ces yeux cette petite étincelle qui brûlait en lui. J'ai beau avoir 20 ans, j'ai dû apprendre la vraie vie d'adulte. Maël et moi avons dû gérer un tas de papiers, pour finalement réaliser que nous manquions d'argent. Au début, nous pensions pouvoir nous en sortir en travaillant à temps partiel chacun de notre côté. De 16h jusqu'à 20h, je travaillais dans la bibliothèque municipale et j'étais chargée de ranger les rayons et de gronder ceux qui osaient émettre un bruit trop fort de leur bouche. Ma patronne était beaucoup trop exigeante et ces 4 heures quotidiennes d'enfer devenaient de plus en plus insupportables. 

Maël a temporairement arrêté le hockey pour subvenir à nos besoins, ça l'a complètement déprimé. Pour ne rien arranger, il était plongeur dans un fastfood miteux tous les soirs jusqu'à 23h. On ne se voyait que le matin. C'était compliqué de continuer à vivre dans ses conditions car elles étaient au détriment de notre santé mentale et de notre vie déjà assez invivable. Les courriers des impôts nous harcelaient et nous faisaient comprendre l'urgence de notre situation. Alors, nous avons pris la plus importante décision de notre vie : nous devions vendre la maison familiale, celle où j'ai passé toute mon enfance, celle où se cachent les meilleurs comme les pires souvenirs. On a mit une annonce sur plusieurs sites immobiliers et une dizaine de personnes nous ont contacté dans les jours suivants. La vente a été extrêmement rapide et nous a rapporter pas mal d'argent, forcément, notre belle et grande maison d'époque située à l'emplacement idéal dans le centre-ville en a attiré plus d'un. Cette maison était la fierté de mon père car elle appartenait à l'origine à mon grand-père qui avait fourni un travail d'arrache-pied pour pouvoir l'acheter. Malgré tout, je ne pouvais plus supporter de voir la maison vide tous les jours et il fallait que ça change. 

Mais un autre problème se profilait : où allons-nous vivre maintenant ? Nous faisons tout notre possible pour trouver une chambre universitaire, mais comme l'année débute dans quelques jours, toutes les chambres sont complètes, sans exception. Cela me stresse énormément que mon sommeil en subit les conséquences. Alors, en attendant de trouver un logement, nous vivons dans un hôtel non loin de l'université. On a prit une chambre pour deux, on se partageait un lit double qui par chance était assez grand pour accueillir la carrure encombrante de mon frère. Heureusement, cette situation ne dura pas, sinon j'aurai été obligé de dormir sur le palier pour éviter les ronflements particulièrement sonores de Maël.

Il y a quelques jours, en rentrant de l'université, mon frère avait l'air d'avoir passé la meilleure journée de sa vie : il avait retrouvé son sourire qui ne le quittait jamais. Il était arrivé en sifflotant et m'annonça que ses amis lui avaient proposé de rejoindre leur colocation ! La nouvelle me surpris, c'était vraiment la dernière chose à laquelle je m'attendais. Mon frère leur a répondu que nous réfléchirions. Je sais pertinemment qu'il a dit ça pour moi, en effet, je ne les connais pas. Je sais seulement qu'ils jouent dans la même équipe de hockey. La proposition est vraiment une occasion de rêve ! Dans des conditions normales, je n'aurai jamais accepté que ma première colocation soit avec de parfaits inconnus, et qui plus est, des hommes. Mais dans notre situation, avons-nous de meilleures options ?

- Eh, tu m'écoutes ? La voix de mon frère me tire de mes pensées. Je n'ai aucune idée de ce dont il me parlait. Nous étions sortis de l'hôtel pour aller acheter des pizzas pour ce soir et je me suis complètement enfermée dans ma bulle.

- Non, désolée. Tu disais ? lui dis-je d'une voix lasse.

- Je disais qu'il fallait que tu te décides : c'est plus comme si on avait le choix de toute façon, donc c'est oui ou non ! Il faut que je donne une réponse aux gars avant demain soir, il me lance un regard insistant. Je suis parfaitement consciente que c'est une décision importante, mais je ne supporte plus de vivre à l'hôtel, il faut que nous reconstruisions notre vie Joe, c'est important

Il tourne la tête pour payer les pizzas ce qui me laisse le temps de répondre.

- Et bien, en réfléchissant aux options qu'il nous reste et en considérant que rester à l'hôtel en est une, alors l'idée de la colocation est la meilleure. Je crois qu'on plus choix de tout façon. Je te fais confiance Maël, on va s'en sortir.

- Vraiment ? dit-il en manquant de faire tomber ma pizza. Je les appelle alors ? me demande-t-il, le sourire aux lèvres.

Je hoche la tête, je sais que mon frère voulait à tout prix rejoindre cette coloc. Je peux pour une fois oublier les principes et m'engager dans cette colocation avec des inconnus. Après tout, ce ne sont pas des inconnus mais des amis de Maël. Je lui fais entièrement confiance et je sais qu'il a de bonnes fréquentations. Je ne sais pas pourquoi j'ai mis du temps à accepter, peut-être car j'avais peur de tourner la page. Mais maintenant je suis prête, il est temps que ça change

Quelques minutes plus tard, mon frère revient vers moi, il a l'air tous content.

- C'est bon pour eux, ils nous ont même proposé de venir commencer à s'installer ce soir, à condition qu'on leur ramène nos pizzas ! Le déménagement  devrait être rapide. Joe, c'est enfin la fin de la galère, on va pouvoir recommencer une vie à peu près normale, ensemble. Il me tend les bras dans lesquels je vais me blottir fort, il a raison.

- C'est vrai, chuchotais-je, merci d'être là pour moi Maël.

Il desserre son étreinte, pose ses mains sur mes épaules et me regarde droit dans les yeux. Il me dit d'un air réconfortant :

- Je serai toujours là, peu importe ce qu'il se passe, je veillerai à ce que l'on ne soit jamais séparés. En attendant, on est invités ce soir. On passe vite-fais à l'hôtel, on fait nos affaires et on fait la fête toute la nuit, pigé ? 

Il affiche un énorme sourire qui me réchauffe le cœur et me regarde avec son étincelle dans les yeux.

- Pigé, répondis-je avec un grand sourire. Je vous rejoindrai là-bas, j'aimerais aller à la patinoire. Tu peux passer récupérer mes affaires à l'hôtel ?

- Pas de soucis, répondit-il, fait attention à toi, je t'envoie l'adresse.

Il m'embrasse sur le front et commence à s'éloigner.

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