Chapitre 5 - Joe

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- Mais, non !

Ça fait une heure que je raconte à Amber tout ce qui s'est passé hier, et ça fait une heure qu'elle me crie dans les oreilles. Je l'adore, mais je trouve parfois ses réactions un chouia extrêmes.

- Oui je te jure, je lui réponds. Bon je dois te laisser, je vais à la patinoire. De toute façon on se voit demain à l'université. J'ai trop hâte de te serrer dans mes bras ! A demain Amber !

- A demain Joe, je t'aime.

Elle raccroche. Demain c'est la rentrée. Je n'ai pas envie d'y aller : les cours de droit c'est pas trop mon truc. Ce n'est pas ce que je veux faire, c'est ce qu'auraient voulu mes parents. D'un côté je dois continuer pour les rendre fiers mais maintenant qu'ils ne sont plus là, il est difficile de trouver la motivation. Malgré tout, je n'ai pas le choix et je compte quand même bien commencer l'année. Alors ce soir c'est décidé, je me couche tôt et je profite d'une vraie nuit de sommeil.

J'enfile un jean bleu, et un pull gris Je ne me voie pas débarquer dans le salon en pyjama Hello Kitty alors je m'apprête un minimum. Je ne suis pas encore tout à fait à l'aise à l'idée de partager ma vie quotidienne avec les amis de mon frère même si je sais qu'ils sont inoffensifs, je préfère ne pas me ridiculiser devant eux dès le premier matin. Je fais mon sac de sport, j'emporte ma tenue de patinage : un jogging noir er une brassière de sport et je sors de ma chambre, bien décidée à trouver un truc à manger. Je pousse la porte du couloir et en arrivant dans la cuisine, je retrouve tout le monde. A peine réveillés, ils sont posés devant la télé avec leurs bols de céréales. Ils ne me calculent pas tout de suite, sûrement trop captivés par le replay d'une course automobile qu'ils regardent avec concentration.

- La belle au bois dormant est réveillée, s'écrie Lewis en me voyant débarquer.

C'est le premier à me remarquer, tous les garçons tournent maintenant leur attention sur moi puis on se salue poliment.

- Alors, comme ça on choisit un film de merde et on s'endort devant ? me reproche William.

Moi qui pensais que mon assoupissement était passé inaperçu, c'est raté et ils comptent bien me le rappeler. Sa remarque est approuvée par mon frère qui me jette un regard faussement agacé.

- Vous n'aviez qu'à vous décider seuls si vous n'étiez pas contents... je râle à mon tour. Je vous préviens, je ne suis pas très matinale alors si vous me faites chier dès 9h ça ne va pas le faire !

J'ai peut-être parlé un peu plus fort que ce que j'avais imaginé, ce qui me vaut des regards stupéfaits de la part de mes hôtes.

- Moi, je trouve que tu as du goût ! reprend Lewis en brisant le silence.

- C'est ça que tu appelles du goût, proteste Liam avant de se tourner vers moi, c'est quoi ton film préféré ?

- Sister Act, je réponds sans hésiter j'adore ce film depuis que je suis petite.

- Alors pourquoi tu ne l'as pas proposé ? C'est désespérant, soupire Camille en secouant la tête pour me communiquer son incompréhension.

Toutes ces questions me montent à la tête et ralentissent ma quête de nourriture.

- Pour vous faire chier, je savais que j'allais m'endormir de toute façon.

- Oh la traîtresse ! s'offusque Lewis en bondissant du canapé et en me pointant du doigt.

- J'en étais sûr. Tu n'as jamais aimé Cars, je vais te taper, lance Maël en empoignant un coussin, comme si j'allais me laisser faire.

- Tu ne vas rien faire du tout, j'affirme, sûre de moi.

J'arrête de fouiller dans les placards pour me lancer dans un duel de regards avec mon frère. On se regarde droit dans les yeux en ignorant le reste du monde, qui doit sûrement nous fixer avec incrédulité. Au bout de quelques secondes, il craque et sourit : ce qui veut dire que j'ai gagné ! Une fois que nous dévions nos regards, on éclate de rire. Mon frère est bien la seule personne qui peut me faire sourire le matin. En effet, je suis de très mauvais poil quand j'ai le ventre vide. Mais maintenant, la seule chose que je veux c'est de la nourriture. 

Je fouille dans le dernier placard avant de tomber sur le Graal : un tiroir rempli de gâteaux en tout genre. Je prends une barre de céréale au chocolat, avant de me redresser et de partir en direction de la porte. La voix de mon frère m'interrompt dans mon élan.

- Tu vas où ?

- J'ai un entrainement, je réponds d'une voix qui laisse deviner que je suis pressée. 

Je jette un vif coup d'œil à l'horloge, je suis pile dans les temps.

- On va sûrement se croiser alors, annonce Camille, on a un échauffement après.

- Super, j'ironise.

Je dévore ma barre de céréale en trois bouchées et me dirige vers l'entrée.

- A tout à l'heure la Belle au bois dormant, conclu Lewis avant que je lui lance un regard noir et ne claque la porte derrière moi.

Cela fait plusieurs années que je patine dans cette patinoire, la même ou ont lieu les entrainements de leur équipe de hockey. Pourtant, nous ne nous sommes jamais croisés. Ce n'est pas forcément un hasard : quand je patine je préfère être seule et je ne traine jamais dans les couloirs après mon entrainement. Je m'empresse d'aller aux vestiaires dès que ma séance se termine. Je n'aime pas parler pendant ces heures que je considère comme m'appartenant à moi seule, alors je m'arrange pour ne rencontrer personne. Pendant mes compétitions, je ne suis pas le genre de fille qui invite toute sa promo à l'encourager pour gagner la médaille d'or. Amber et Maël viennent me soutenir et cela me suffit amplement. Le patinage artistique est mon jardin secret. Quand je suis en plein dedans, le temps passe vite, il ne me reste que 15 minutes d'entrainement. Pour me concentrer encore plus dans mes mouvements et ma gestuelle, je porte toujours mon casque et met ma musique à fond en me laissant porter par la mélodie enivrante.

 Aujourd'hui, ma coach Gaëlle est absente, alors je dois m'improviser un entrainement en solo. Je profite de ces moments pour tenter de nouvelles choses plus complexes qui boostent mon adrénaline et me font sentir vivante. Je décide tout de même de travailler mon programme pour m'avancer et faire plaisir à Gaëlle: je me lance dans l'exécution d'un triple axel, cette figure qui me donne du fil à retordre mais que je dois absolument maîtriser avant ma prochaine représentation en novembre. 

sJe prends de la vitesse, fais le vide dans mes pensées et me concentre de plus belles sur ma posture. Je visualise la figure et je me lance. J'ai réussi. Des applaudissements grondent depuis les tribunes et me font presque perdre l'équilibre. Je baisse mon casque et je sens le rouge me monter aux joues. Toute l'équipe de hockey à prit place dans les gradins et les joueurs sont désormais mes spectateurs. Je ne les ai pas entendus rentrer et ne sais pas depuis combien de temps ils me regardent. La gêne s'empare de moi quand je les entends crier mon nom et me féliciter.

- Trop forte, la Belle au bois dormant !

Je reconnais Lewis qui hurle et agite ses bras pour attirer mon attention et je ne sais plus où me mettre. Je me dirige vers les vestiaires assez rapidement. Je suis gênée de ma réaction qui en y repensant a dû paraitre étrange. Après tout, ils avaient de bonnes intentions et moi, je n'ai même pas réussi à les regarder dans les yeux.

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