CHAPITRE 13 (PHOEBE)

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Pourquoi tout finit toujours mal?
C'est la question que je me pose en regardant par la vitre arrière de la Tesla flambant neuve de mon père en ce samedi soir.
Normalement je devrais être chez les jumelles à cette heure-ci,mais mon cher géniteur en a décidé autrement: repas de famille de dernière minute. Bien évidemment,mon frère a trouvé une excuse pour ne pas venir et je me retrouve donc coincée avec ces adultes minables,j'ai nommé papa et sa copine.

Le restaurant où nous allons se trouve sur la route d'Houston,il faut donc plus d'une demie-heure pour y parvenir. Il est tenu par Simón,un ami de longue date de la famille qui n'est autre que l'oncle à Tim. Je soupçonne Simón de vouloir me caser avec lui d'ailleurs. Malheureusement,même si les plats sont exquis,ce bistrot n'a pas la clientèle qu'il mérite.
La voiture avance à présent dans une petite ruelle étroite et sombre. J'avoue,j'ai un peu la frousse...heureusement nous voilà arrivés! La devanture détonne avec la monotonie des immeubles environs,ce qui me fait sourire. Simón met toujours un point d'honneur sur l'originalité.

-《Vous voilà enfin,mes amis! s'écrie-t-il lorsque nous entrons. Je vous ai réservé la meilleure table. (Il montre une petite table cachée par un paravent,non loin de la fenêtre) Elle vous plaît?
- C'est parfait,Simón. Merci beaucoup.》

Ma belle-mère s'installe et sort aussitôt son téléphone portable. Quant à moi,je me contente de scruter les lieux,à la recherche de la seule personne qui m'intéresse ici. Bien évidemment,il est là, et je m'empresse de le rejoindre au comptoir. Tim repose sa bouteille de Coca et m'observe pendant quelques instants:

-《Ton frère n'est pas là?
- Non. Il a trouvé une excuse pour ne pas avoir à venir.
-Sympa. Je suis aussi chiant que ça?
-Il ne devait pas savoir que tu serais ici,et Nikki non plus.》

Nikki,c'est la fiancée de mon frère. Une blonde vénitienne timide et introvertie,mais fan de mécanique et d'électro de surcroît. Je l'aime bien même si je ne comprends pas bien pourquoi elle et Chad sont ensembles. À vrai dire, la plupart du temps, je ne comprends pas bien mon frère.

Soudain,le beau brun se lève et je le suis à en zigzagant entre les serveurs et les quelques clients. Nous sortons dans le soir frais et je le regarde sortir une cigarette et l'allumer. Un pli s'est formé entre ses sourcils,dévoilant une irritation que je n'aurai pû deviner. Prenant mon courage à deux mains, je lui demande à voix basse:

-《Hé,ça va?
-Comme un vendredi. J'ai mes parents sur le dos à cause d'un 5/20 en mathématiques,je suis puni de moto pendant au moins un mois avec menaces de représailles si je récidivise.
-Oh! Je suis vraiment...
-Ferme la,Phoebe. J'en ai plus qu'assez de tes petits airs innocents. Je n'ai pas besoin de ta pitié. À la place de jouer à la petite fille modèle,apprends plutôt à être sympa avec les gens. Comme avec ce pauvre Hugo,par exemple.
-Tu vas vraiment me parler d'Hugo Halton? À quoi bon?
-À quoi bon? Mais enfin,tu t'entends?! Ce lec ne t'as rien fait,Phoebe Marvish, alors calme-toi. Franchement,t'es pénible.》

Ces mots me transpercent en plein cœur. Pénible? Moi? Putain,qu'est-ce qu'il lui prend! Ça me dépasse.

-《Mais pourquoi tu...
-Pourquoi? Peut-être parce que tu es tout bonnement insupportable? Les Halton auraient pû te laisser au bord de la route. À la place,ils t'ont ramenée chez toi! Tu as une drôle de façon de les remercier.
-C'est parce que tu as demandé.
-Ils auraient pû refuser.》

Je médite ses paroles. C'est vrai, ils auraient pû. Alors pourquoi se sont-ils montrés courtois? Ça n'a pas de sens. Si ça se trouve,mon animosité n'est même pas réciproque...

-《Allez,Phoebe,va rejoindre tes parents. Ils doivent s'inquiéter. Et puis,j'ai besoin d'être seul.
-Très bien. Je te laisse,alors.》

J'attrape ma bouteille de Coca et cours à l'intérieur,en essayant de cacher mes larmes au jeune homme.

-《Salut,je lance entre mes dents. Passé un bon week-end?》

Hugo lève les yeux de sa bande dessinée,surpris. Un sourire moqueur se dessine sur ses lèvres.

-《Marvish,t'as pris de la drogue?
-Non je...je tenais à m'excuser. J'ai été conne. Pardon de t'avoir traité comme ça, Hugo.
-Attends...quoi?! Toi, t'excuser?!
-Profites-en au lieu de te foutre de moi. Ça n'arrivera pas toujours.》

Il rigole de sa voix rauque tandis que le cours commence. Anaë et Pola arrive à notre table en discutant et sortent leurs affaires. Quant à Yann Avery,sa table reste vide.

-《Yann n'est pas là? demande la petite rousse.
-Apparemment pas.
-Bizarre. Il est tout le temps là, souligne la métisse. Enfin bref.》

Le cours du jour porte sur l'image du spectacle vivant dans le monde. Je m'ennuie à poit fermé,n'attendant qu'une chose: la sonnerie. Non loin de moi, Anaë écoute avec attention,prenant des notes sur son carnet couleur indigo. Ses cheveux bruns sont éparpillés sur son pupitre. À la fin de l'heure,je lui demande ses notes.

-《Euh...oui si tu veux! Mais ce n'est pas fameux.
-Ne t'en fais pas. C'est juste que je n'ai rien écouté.》

Elle déchire une page de son carnet et écrit son numéro de son écriture élégante.

-《Tiens. Je t'envoie ça ce soir.
-Merci beaucoup. Et...
-Oui?
-Comment tu fais pour être autant sérieuse?》

Elle éclate d'un rire clair,rejette ses boucles en arrière et déclare:

-《Aucune idée. Je ne sais pas vraiment...je le suis,un point c'est tout. Puis ça me plaît d'être consciencieuse.
-Ah oui? C'est dingue.
-Hum hum.》

Elle dépose ses affaires dans son casier qu'elle débloque d'une main. Des livres, des vêtements et un drapeau français traînent à l'intérieur. Je prends entre mes doigts une photo d'elle aux côtés de Stan Walter. La brune tient un énorme bouquin entre ses mains. Le garçon, quant à lui, reste à une distance amicale de la jolie française.

-《C'était en première année, explique-t-elle. À la bibliothèque.
-Ça fait combien de temps que vous vous connaissez?
-Depuis la rentrée de la sixième.
-Et vous n'êtes jamais sortis ensemble?
-Eh bien...euh non...
-Jamais?
-Et toi avec Hugo alors? riposte-elle. Hein?
-Mais de quoi tu parles?! Y'a absolument RIEN avec Hugo! C'est à peine si je le supporte!
-Ouais ouais...》

Elle me regarde avec malice et je lève les yeux au ciel, exaspérée.





H.A.P.P.Y.: THE DESTINY OF USOù les histoires vivent. Découvrez maintenant