Chapitre 10 - Bon Voyage !

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Le soleil continuait sa course dans un ciel aussi bleu que l'avait été le mamelon du citron vert. Mais Petit Rose devait faire sans lui et continuer d'avancer, sans se retourner. Après avoir traversé les rues animées et les quartiers agités de la ville, Petit Rose se retrouvait désormais loin de l'effervescence de cette métropole grouillante d'âmes aussi innocentes qu'ignorantes, qui étaient loin d'imaginer la menace qui planait au-dessus de leurs tiges.

« Voilà pourquoi je n'ai croisé que des branquignols dans ma vie... » réalisa-t-il alors qu'il s'engageait dorénavant en direction des étendues paisibles de la campagne environnante. « Les enfants de l'orphelinat qui ne comprenaient pas ma peine, les poivrots de Bourgapple qui se complaisent à vivre dans ce bled pourri tout en nous excluant Citrov et moi car nous n'étions pas dans la norme, les champignons de Vulgus-Fongus qui, malgré une sombre histoire, ne nous ont adressé que de beaux sourires, les habitants de Siropolis qui semblent vivre dans une Tartifête toute l'année... tous ces gens ne croient pas au mal. Ils n'ont jamais connu le désespoir, ils n'ont jamais été confrontés au chagrin, ils n'ont jamais ressenti la moindre souffrance qui aurait pu les réveiller de ce rêve absurde. »

— Oh purée... soupira-t-il en se retrouvant à nouveau devant les imposants Rochers Chocobolos.

— Un pépin ? l'interrogea derrière-lui une voix familière.

Le radis effectua un demi-tour sur lui-même et n'en revint pas de tomber sur Banabelle qui marchait en sa direction.

— Yô ! lui lança-t-elle, toujours son sac banane à la taille et son grand sourire en banane.

— Qu'est-ce que tu fiches là ? lui demanda Petit Rose, la risette jusqu'aux fanes.

— J'étais en train de peindre ce beau paysage, et toi ?

— C'est une quête secrète !

— D'accord... mais, t'as besoin d'un coup de main ?

Cette offre bien intentionnée déstabilisa le radis, qui n'avait pas du tout anticipé cette situation. Certes, les ordres de Pépin étaient clairs et il ne devait ni parler de Baltaviah, ni évoquer à tout-va qu'il était en mission pour le roi ; cependant, Banabelle travaillait déjà pour lui.

Comme à son habitude, Petit Rose se trifouilla la salade. Germa alors une éventualité à laquelle il n'avait même pas encore songé. Dans le cas où il réussissait à trouver des feuilletéens souhaitant rejoindre leurs rangs, est-ce que cela était juste de les arracher à ce rêve, même absurde, dans lequel ils vivaient ? S'ils n'avaient jamais connu la souffrance, pourquoi leur infliger ? Par égoïsme ? Par vengeance ? Et qu'en était-il de Banabelle ? Faisait-elle partie des « un pourcents » comme Citrov, Pépin et lui ? Ou vivait-elle aussi dans le meilleur des mondes ? Sa banane impérissable semblait corroborer cette dernière hypothèse, mais rien n'était sûr pour autant. Quand bien même, si Petit Rose lui avouait tout, peut-être prendrait-elle la fuite, persuadée qu'il était un malade menthol ? Ou pire encore, peut-être était-elle l'une de ces fameuses espionnes du Parlemangue dont parlait Pépin ?

Toutes ces questions se mêlaient et s'entremêlaient dans son esprit, comme entraînées par la farandole de ses feuilles qu'il farfouillait frénétiquement.

— Tu veux m'accompagner jusqu'à Bourgapple ? lui proposa-t-il enfin, pour ne pas prolonger davantage son silence suspect.

— Haha, j'en connais un qui a les chouquettes de retourner dans le Tunhell tout seul !

« Elle a raison » se dit-il en réalisant qu'il allait forcément devoir retraverser cette maudite grotte.

— Mais tu sais, reprit la banane, Pépin a fait construire des catapulpes à proximité des sorties de Siropolis. On arriverait plus vite à destination avec elles.

Le Royaume FeuilletéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant