L'as de rose

1. Pétales et épines

Roselita

Le paysage défile sous mes yeux. Des branches sombres et des feuilles mortes m'entourent.  C'est ma saison préférée, lorsque l'odeur de pluie est constante, le pumpkin spice latte est présent sur toutes les cartes de café, le vernis écarlate est à la mode ; l'automne est de retour, et par conséquent la rentrée aussi.

Je suis stressée, mais pas par rapport à mes notes, ce sont les autres étudiants qui m'angoissent. Mes bulletins sont remplis de A dans presque toutes les matières. Je suis et j'ai toujours été solitaire, je ne parle pas aux personnes autour de moi sans raison valable. J'apprécie ma propre présence. Les périodes d'examens ne me stressent pas, il me suffit d'étudier et travailler. Je sais m'organiser par rapport à mes projets personnels et mes cours. Je tiens un carnet de poésies, j'y dépose mes pensées et idées les plus profondes. Là, où, au contraire, je n'ai jamais eu de cours sur « comment se tenir en société », chose que j'ai dû apprendre moi-même au fil des expériences, comme tout le monde. J'ai donc pris la décision de faire selon mes propres règles.

Après avoir effectué quelques recherches sur l'internat, je me suis rendu compte qu'il était plus grand que mon ancien lycée et qu'il existe depuis une soixantaine d'années. Il y a des événements, notamment le bal d'hiver en fin novembre, qui est celui le plus attendu si on en croit les commentaires et posts qui en font la promotion sur les réseaux sociaux. Dans mon ancien lycée, il n'y avait pas de bal, juste des sorties d'une journée au plus. L'uniforme était strict : chemise blanche, veste noire, jupe ou pantalon noir.e, pas de bijoux. Dans la Evermore Intership, mon nouvel internat, il n'y a pas d'uniforme. Je ne me suis pas gênée de m'habiller comme j'en ai envie. Le fait d'être dans un internat me correspond bien. C'est moi qui aie fait ce choix, j'aime être indépendante, même si j'aime ma famille plus que tout. Je sais que je rentrerais chez moi le week-end, contrairement à mon ancien lycée.

L'ambiance est morose dans cette voiture. Un silence bruyant règne ici, ce qui n'est pas surprenant étant donné la situation. Mon ancien lycée était un véritable cauchemar. Pire qu'un cauchemar, car je savais qu'il était réel et il ne durait pas moins d'une demi-heure. Le harcèlement que j'ai subi a duré près de cinq ans, qui m'ont paru être une éternité. Ma meilleure amie, Louna, en a souffert aussi, ainsi que mon entourage. Elle était la lune quand j'étais le soleil. Nous formions une éclipse, condamnées à se quitter pour, je l'espère, nous recroiser.

Je me replonge dans ma musique, un des mondes dans lequel je me suis enfermée toute mon adolescence. Ma chanson préférée se joue dans ma playlist. J'écoute en boucle les mêmes chanteurs. Je ne vais jamais en concert : trop cher, trop de gens, trop de bruit. Certains écoutent de la musique pour la mélodie, d'autres pour les paroles. Je fais partie de la deuxième catégorie, évidement. Les paroles dans les musiques sont des mines d'or, pour moi. En tant qu'autrice, lectrice et femme.

Mes autres échappatoires sont la lecture et l'écriture. Je lis des romans de fantaisie depuis que je suis toute petite. Plus petite, mon rêve était d'être une princesse. Je préfère la fantaisie à la romance, car la fantaisie est tout aussi encrée dans la réalité, par rapport à la politique par exemple. Mais la fantaisie contient un univers complexe et développé et des personnages mieux construits, je trouve. J'ai commencé à écrire quelques années auparavant. J'ai transformé mes émotions sous forme de lyrismes. Je tiens un carnet dédié à cela, donc j'étais contente de savoir que je peux faire des cours de poésie dans mon nouvel internat. Des mots que je n'arrive pas à distinguer atteignent mes oreilles. Je retire mes écouteurs pour écouter ma mère.

- Ça ira ma chérie ? Je sais que ce n'est pas facile pour toi... La situation est délicate.

- De quoi ? Changer de lycée ou devoir quitter ma meilleure amie ?  Je réplique.