Chapitre 4

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Dehors, je détache mon vélo et l'enfourche avant de commencer à pédaler. Rapidement, je me sens mouliner dans le vide, et je ne parviens pas à trouver l'équilibre sur ma monture. Je descends et tire la béquille pour jeter un œil à la chaîne qui produit des bruits douteux. Un maillon s'est brisé. Je soupire sans retenu mais je ne m'avoue pas vaincu. J'attrape la pièce cassée qui traîne au sol.

Le soleil décline lentement mais il est encore haut. Mon visage se crispe. Les mains tachées de graisse, chacune de mes tentatives est vouée à l'échec. J'y connais rien en réparation de vélo putain. Tout ce que je fais, c'est emmêler la chaîne sur ses rails. Je suis à fleur de peau après mon échange avec Ashley. Non, je me mens à moi-même. Je suis à fleur de peau tout le temps en ce moment. Finalement, je me lève et, dans un geste que je n'ai pas eu le temps de préméditer, j'envoie mon pied s'écraser sur mon vélo qui se renverse. Il fallait bien que ça sorte.

Saloperie de merde !

On n'entend que moi aux abords du lycée. Heureusement, c'est presque vide. Je m'accroupis à nouveau. J'essaie de me faire à l'idée de devoir rentrer à pied. Une voix familière m'interpelle par derrière.

— Tina ? Qu'est-ce que tu fais ?

Nath et son ami Justin s'approchent de moi. Mon voisin exhibe un énorme coquard sur l'œil gauche. La première année de lycée n'est simple pour personne, mais ces deux-là ont été désignés « cibles de choix ». Encore sur les nerfs, je prends une grosse bouffée d'air avant de répondre.

— Oui, ça va. C'est juste ce... stupide vélo.

Cette saloperie de merde de vélo ! Nath me force à m'écarter.

— Attends, on va regarder.

Les deux garçons jettent un rapide coup d'œil et le verdict ne se fait pas attendre.

— Y a un maillon de ta chaîne qui est mort.

J'avais pas remarqué, tiens ! Je suis mauvaise langue. Ils sont gentils de bien vouloir m'aider.

— Il va falloir le changer si tu veux réparer ta chaîne, m'explique Justin, embêté de ne rien pouvoir faire de plus.

— Je dois en avoir qui trainent dans mon garage. On peut rentrer ensemble et le réparer, répond Nath.

Les yeux de Justin s'illuminent et avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, il s'enflamme.

— Mais oui, c'est vrai ! Notre pote peut nous prendre tous les trois avec ton vélo dans le van !

Le van ? Il ne tarde pas à débouler, annoncé par un grondement provenant du parking du lycée. Je tourne la tête et j'aperçois le fameux van qui surgit à toute vitesse, faisant vibrer la tôle de sa vieille carrosserie dans un remarquable vacarme. Le véhicule s'arrête net sur le trottoir, à quelques mètres de nous. Les vitres baissées laissent échapper des riffs révoltés, et je me penche pour voir le conducteur dont je me faisais déjà une idée. Je roule les yeux à la vue de ses boucles décoiffées. Non mais c'est une blague ?

— En voiture les mômes !

Il agresse nos tympans à coups de klaxon comme s' il n'avait pas déjà fait assez de bruit en arrivant. Je me penche vers Nath.

— Elliot Myers, sérieusement ? Ta mère sait que tu traînes avec ce genre de type ?

Il hausse les épaules. Qu'est-ce qui est le pire entre des parents qui se foutent royalement de vous et ceux qui sont systématiquement sur votre dos ? Je pencherais pour la seconde option mais à en juger par la tête de Nath, il doit avoir un autre avis sur la question. Justin ne se formalise pas de mes doutes apparents. Sans me laisser le choix, il agrippe mon bras et m'emporte avec lui.

Goodbye MaryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant