Chapitre 20

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La porte d'entrée de la maison est fabriquée en bois massif, probablement du chêne ou du pin, avec une finition en émail blanc brillant. Les dimensions sont standard, je dirai. Environ deux mètres de haut et un peu moins d'un mètre de large. Le panneau central est orné de plusieurs moulures. Elles sont jolies. Je n'y ai jamais prêté attention. Au milieu, il y a un gros heurtoir en laiton à actionner pour qui veut entrer. Moi, je ne veux pas entrer, alors je l'observe plutôt que d'affronter ce qui m'attend derrière.

La voiture de mon père est déjà garée dans l'allée. Je veux pas y aller, pourtant ça finira bien par arriver, alors pourquoi prolonger le suspense ? J'inspire. Ma main se pose sur la poignée comme si mon cerveau m'obligeait à avancer. Un cliquetis résonne quand je l'actionne. Je dépose mon sac dans l'entrée et retire mes chaussures que je range sur le côté. Dans le salon, j'entends mon père tousser. Quand il me voit entrer, il éteint la télé. Sur le canapé, ma mère tricote et Suzy

dessine à ses pieds.

— Tina, viens t'assoir.

Mon père est calme quand il me parle. Je me plie à sa demande. Ma mère poursuit son tricot, elle n'ose pas me regarder, mon père non plus d'ailleurs. Il fixe le

poste qu'il vient d'éteindre. Ma sœur ne comprend rien, alors elle vient me montrer son dessin. Je supporte plus le silence.

— Qu'est ce qu'il se passe ?

Ma question est totalement déplacée, je m'en aperçois à la seconde où je l'ai prononcé. Trop tard. Le visage de mon père se crispe et une veine est prête à éclater sur son front. Soudain, il se lève.

— Qu'est ce qu'il se passe ?!, bafouille-t-il en s'emportant. Tu nous prends pour des imbéciles ?

Ce n'est pas la première fois que je l'entends hurler, mais jamais sa voix ne s'est faite si rauque et forte. Ça surprend tout le monde dans la pièce, à commencer par lui. Je le vois serrer les dents. Il veut retrouver un semblant de calme avant de continuer. Ma mère, rate un crochet lorsqu'elle entend mon père. Elle lâche son ouvrage et sonde son visage pour savoir si elle doit intervenir.

À mes pieds, Suzy se met à hurler et s'agrippe à mon pantalon. Moi aussi j'aimerais crier, petite sœur. Est-ce de la peur ? De la colère ?, à vrai dire, je ne sais plus. Chaque jour le fouillis s'agrandit là-haut. Les émotions entrent, se heurtent aux autres, puis ne savent plus où se mettre. On dirait qu'elles font la queue pour que je les traite mais le problème, c'est qu'il y en a trop. Je sais pas quoi faire, et l'imposante carrure de mon père m'écrase de sa froideur. Je baisse les yeux.

— Le principal et les parents d'Ashley nous ont appelé. Sais-tu l'humiliation que ça a été pour ta mère et moi de devoir nous excuser pour ton comportement ?

— Je... Je suis désolée papa, réponds-je en évitant toujours scrupuleusement son regard.

— Tu as bu, tu t'es battue, et tu nous as menti sans sourciller. Tu n'as rien de plus à dire pour ta défense ?

Acculée face au récit de mes tribulations dévoilées, mon visage se décompose. Il y a tellement de choses que j'aimerais dire pour ma défense, papa. Le problème, c'est que les mots se coincent dans ma gorge quand j'entends la déception qui se cache dans ta colère.

— Regarde-moi quand je te parle, Tina !

Je sursaute de nouveau. Forcée par les ordres de mon père, je lève mes yeux rougis par les émotions qui se livrent bataille en moi. Sur son visage boursoufflé, j'aperçois l'indignation que je lui inspire. Il aimerait me voir, désolée, mais mon seul regret c'est de m'être fait pincer.

Goodbye MaryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant