À l'heure qu'il est, mes amies doivent se retrouver au cinéma, mais moi je reste confiné. Ce n'est pas comme si j'avais le choix, mais si ça avait été le cas, je ne crois pas que je serais venue. Allongée sur mon couvre-lit à froufrous, mes doigts font de la batterie sur le boîtier vide tandis que je regarde les engrenages tourner en rond dans mon lecteur. Le casque vissé sur les oreilles, je me félicite d'avoir demandé un walkman pour mon anniversaire.
« I fuck like a beast
I come round around, round i come, feel your love (I'm an animal)
Tie you down, down i come, steal your love (I'm an animal) »
Si c'est un message que tu veux me faire passer, je t'ai connu avec plus de subtilité. Je presse le bouton qui claque sous mon doigt pour changer de chanson.
« You're nobody's slave, nobody's chains are holdin' you
I wanna be somebody soon, i wanna be somebody too. »
J'aime à croire que c'est celle-ci que tu voulais que j'écoute. Soudain, un gravier rebondit sur ma vitre. Je roule des yeux et l'ignore. Ce ne serait pas la première fois que les enfants du quartier s'amusent à en lancer. Sales gosses. Lorsqu'un deuxième percute le carreau, je retire mon casque pour écouter les rires des mioches qui s'amusent. Je n'entends rien. Au troisième, mon instinct me dit d'aller voir ce qui se passe. La vision que je découvre dépasse tout ce que je peux imaginer. Il est complètement malade ?! Paniquée, j'ouvre la fenêtre et chuchote à celui qui est en train de grimper.
— Elli, qu'est-ce que tu fiches ici ?!
— Je monte l'Everest !
Sa plaisanterie lui vaut de rater un treillis, mais il parvient à se rattraper. Pendant ce temps, j'ai tout le loisir d'inventer des scénarios catastrophes dans ma tête. Je
me précipite vers la porte pour tourner le loquet avant qu'il n'atteigne le sommet. Lorsque ses doigts s'accrochent au rebord, il se hisse dans un dernier effort puis se laisse rouler sur la moquette pastel.
— Pfiou ! C'est moins facile que ça en a l'air de grimper ce truc !, dit-il en frottant ses vêtements pour les dépoussiérer.
Je reste un instant figée et incrédule. Il ne m'a pas tenu compagnie ce soir, mais il se pointe chez moi comme si de rien n'était.
— T'es complètement malade de débarquer ici, sermonné-je à voix basse. Je peux savoir ce qui t'est passé par la tête ?
Il se fiche de mes remontrances, ce qu'il vient faire ici lui semble plus important que tout. Ses yeux me jettent un regard volontairement énigmatique tandis qu'il
ouvre son sac dont il tire un paquet enveloppé de journal. Il me le tend et sourit à pleines dents. Je fronce les sourcils, perplexe et attrape son mystérieux présent.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Si je te le dis, ça ne valait pas le coup de l'emballer. Allez, ouvre-le !
Ça pour être emballé, c'est emballé. Il y a du scotch partout et surtout n'importe où, alors je ne sais pas où tirer. Lorsque le fragile papier cède sous mes doigts, j'aperçois d'abord une lettre, puis un visage et enfin, un manche de guitare. Il gigote d'anticipation. Je n'ai pas terminé de le déballer mais je sais déjà ce que c'est, alors j'arrache le papier comme un enfant l'aurait fait. « Van Halen », le premier album et le dernier qu'il me manquait depuis que mon père me l'a volé. Je n'ai pas les mots. Je me rappelle l'avoir ouvert avec la même anticipation quand Mary me l'avait offert et ça me rend émotive.
— Je... Je ne sais même pas quoi dire.
— Oh, tu sais, merci, ça fera l'affaire.
— Merci Elli... Tu ne peux pas savoir à quel point ça me touche.
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Goodbye Mary
Romance[Amour et Rock'n'Roll] Tina Moore, une lycéenne de 18 ans, voit sa vie bien rangée basculer du jour au lendemain lorsque sa meilleure amie Mary se suicide. Bouleversée, elle fait la rencontre de l'excentrique Elliot, un garçon qui semble avoir pour...