Instinct [Maxime&Djilsi]

12

— Okay. J'comprends mieux. T'as décidé d'me buter, en fait.

L'éclat de rire qui agite Sidjil pare l'air d'un blanc vaporeux, voilant légèrement le monde qu'ils arpentent. Brouillé par les dessins de son souffle, Maxime le toise d'un œil ennuyé, aussi charmant soit-il dans l'écrin bleu et or créé par les lampadaires et la nuit hivernale. Sa grimace ajoute à son allure un éclat juvénile, au combien adorable, que Sidjil savoure presque autant que les regards chaleureux dont il était l'heureux destinataire il n'y a pas si longtemps.

— T'exagères, ça à l'air cool j'trouve.

— Menteur. Ça a juste l'air glauque. Et fermé.

— Parce que t'aurais préféré un endroit ouvert avec plein de gens ?

— ... Ta gueule.

— Ah ? Bah alors ? Plus d'inspi' pour me faire changer d'avis ?

— ... Nan.

La capitulation de Maxime s'accompagne d'un gloussement étouffé. Sa petite silhouette s'agite sur le large trottoir, sa tête disparaissant dans ses cols entassés tandis que sa jambe balance pour envoyer valser un caillou imaginaire. Chassant froid et nervosité de piétinements rythmés, l'attention du petit lycanthe continue d'osciller entre son guide et le décor qu'ils découvrent tout juste, ses contours bercés d'une lumière diffuse tout proche d'eux. Sidjil se joint à lui d'un rire attendri, sensible au mélange d'amusement et de réticence qui habite l'autre garçon, bien qu'il semble décidé à le suivre dans cette nouvelle péripétie.

Sidjil n'avait pas vraiment planifié cette partie de leur non-date. À vrai dire, il n'avait rien planifié du tout. L'emmener diner s'était imposé comme une évidence, promettant un plaisir simple et accessible, même pour un lycanthe aussi réticent que Maxime. Leur repas s'était clos sur un sentiment de réussite, bien que détrôné par d'autres frissons venus faire trembler son cœur. Certaines paroles, gravées dans sa mémoire à jamais. Le plaisir presque contre-intuitif de partager son plat, nouvel idéal qu'il espère reconduire. Sa peau brûlée à vif, restée incandescente depuis lors, et ce malgré l'air froid qui transperce désormais le tissu épais de son jean.

Le diner avait été une réussite. Ils avaient valsé d'accord en désaccord, les notes de leurs mots berçant leurs pas avec une symétrie parfois irrégulière. Jusqu'à ce que leurs corps se frôlent. Verbalement, physiquement, ils s'étaient effleurés jusqu'à un certain niveau d'indécence, flattant les intentions et les espoirs que Sidjil porte si proche de son cœur épris. Pour la première fois, une impression de certitude avait consolidé les mirages de sentiments et d'intérêt qui planent par intermittence sur Maxime. Leurs voiles vaporeux forcés d'épouser ses courbes graciles, délicatement épinglés au réel par des actes, des regards et des sourires.Il tarde à Sidjil de mettre la main sur ces mirages. Qu'un nouvel acte de Maxime le libère de la retenue dont il s'incombe. Alors, il pourra parer ses doigts des sentiments et de l'admiration qui l'habitent, constater comme leurs éclats parent la peau pâle de celui qu'il idolâtre sans doute.

Mais avant ça, encore faut-il réitérer l'exploit de leur diner, et au vu du programme qui les attends, Sidjil craint que ce soit plus facile à dire qu'à faire.

Après tout, emmener Maxime courir est un peu plus risqué que lui faire manger de la viande.

Plus intéressant, aussi, d'une certaine manière.

La danse anxieuse de Maxime s'achève d'un soupire résigné, rehaussé d'un sourire. Le vent froid a rendu ses joues roses et ses cheveux flous, contrastant de la chaleur qui habille ses grands yeux malgré la nervosité qui s'y cache encore. Perdu dans l'observation des grilles de fer forgé qui s'alignent face à eux, Maxime appréhende avec scepticisme la pénombre qui s'étend loin derrière elles.