Instinct [Maxime&Djilsi]

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Les lycanthropes ne peuvent pas avoir la gueule de bois.

En réalité, il est même très difficile pour leur espèce de décemment ressentir les effets de l'alcool, leur système immunitaire régulant les effets supposément indésirables bien trop efficacement. Depuis toujours, cela leur évite de se ruiner dans des boissons hors de prix, de tomber addict, de se comporter comme des idiots ou de commettre des erreurs qui pourraient les exposer. Objectivement, passé la déception adolescente de ne pouvoir se mettre une misère entre amis, cette particularité est un avantage évident.

Ce matin, Sidjil maudit la génétique.

Roulé en boule par-dessus les couvertures du lit double, toujours sous sa forme canine dans un espoir de prolonger sa nuit, il rumine douloureusement les événements de la veille. Il aurait nettement préféré un vilain mal de crâne et une bouche pâteuse à la clarté des murmures frustrés que son instinct lui martèle en boucle...

Peut-être même qu'avec suffisamment d'alcool il aurait pu noyer l'attirance et l'envie, ou les dissoudre jusqu'à ce qu'elles ne laissent qu'un arrière-goût amer sur sa langue plutôt qu'une litanie dans sa tête.

Ce n'est pas envisageable. Sidjil doit se résoudre à jouer les adultes et à faire avec. La belle affaire.

Quelques verres d'alcool lui auraient peut-être laissé estomper sa déception. Tout comme ils auraient peut-être encouragé Manas à ne pas le tirer du lit avec autant d'entrain.

Le matelas sur lequel Sidjil repose s'enfonce brusquement, gondole sous des pressions précipitées, puis reprend son orientation initiale alors qu'un crash tonitruant se fait entendre dans la pièce. Sidjil enfonce son museau contre la fourrure de sa queue, ramenant ses pattes contre son corps en fermant fermement les yeux dans l'espoir de paraitre endormi. Un craquement d'os se fait entendre alors ses oreilles s'aplatissent, se protégeant de la voix enjouée qu'il sait sur le point d'arriver.

— Aller Sid ! Ça va être trop cool, s't'euh plait ! Je sais que t'es réveillé en plus !

Seul le silence répond à Manas, alors le craquement d'os retentit à nouveau, suivi de bruits de griffes martelant le parquet à impacts réguliers. Bientôt, d'autres sons s'ajoutent au vacarme : le bruit d'une chaise tombant à la renverse, celui d'une porte qui vibre après un impact, un tapis qui se plie en glissant sur le sol... Le tout est bien sûr accompagné de la respiration haletante de son meilleur ami ainsi que de petits grognements entre l'agacement et l'excitation.

Rien dans cette scène sonore n'aide Sidjil à se rendormir ou à oublier la frustration qui lui tord le ventre depuis la veille. À la place, il commence à s'inquiéter des voisins qui pourraient se plaindre au locataire. Cet airbnb n'est pas censé accepter les animaux et Manas est loin d'être discret dans leur pseudo-intimité. Pas que le propriétaire trouverait quoi que ce soit en venant faire une inspection, mais quand même...

Les bruits de pattes qui s'étaient éloignés reviennent au galop. En les entendant patiner assez proche de lui, Sidjil ne peut s'empêcher d'ouvrir un œil d'anticipation, bravant sa déprime pour observer les bêtises qui ont lieu autour de lui. Il est témoin du parcours acrobatique de son meilleur ami pendant quelques instants, après quoi Manas tourne la tête dans sa direction, une expression enjouée se dessinant sur ses babines en le voyant irrévocablement réveillé.

La masse de fourrure bondit en direction du lit. À nouveau, Sidjil plisse les yeux en baissant ses oreilles le temps que Manas se déchaine sur le matelas, ses larges pattes faisant grincer la surface alors qu'elles s'y enfoncent avec force. La danse endiablée qui fait office d'appel au jeu dure bien trop longtemps pour ses nerfs fatigués, mais Sidjil s'accroche à l'espoir de le faire abandonner... Peine perdue, évidemment.