— Sid, t'abuses ! J'croyais qu'tu voulais même pas sortir à la base borde- hah- Mais putain où est-ce que tu- Mais frère, ralenti !
Sourd aux plaintes récurrentes de son meilleur ami, Sidjil avance à grandes foulées à travers les rues sales et humides de la capitale. Sa démarche est hâtée, hésitante par moment, alors qu'il garde les yeux fixés sur les directions listées sur son application Maps qui le dirigent vers le point mis en valeur sur la carte.
Ses oreilles et ses doigts ont eu le temps de s'engourdir, mordus par l'air froid et pollué, alors qu'une tension impose une rigidité désagréable à son corps. Son aisance physique habituelle, naturellement acquise de par sa vie en extérieur, s'est presque entièrement résorbée. Ses muscles lui paraissent noués, tendus à l'extrême, le comprimant sur lui-même comme pour illustrer les tumultes qui l'oppressent. Sa démarche en est saccadée, presque raide, alors qu'il se précipite d'avenue en boulevards pour rejoindre celui qui occupe toutes ses pensées.
En jetant un coup d'œil au temps de trajet restant, son cœur se met à battre tellement fort qu'il lui remonte dans la gorge. Sidjil relève le menton et s'impose une respiration profonde, serrant encore davantage ses dents alors que son ventre se tord.
Après plus d'une demi-heure de marche précipitée, sa destination approche enfin.
Une pensée frustrée éclate dans son crâne, s'écriant qu'il serait arrivé plus rapidement si Manas ne l'avait pas empêché d'enfourcher le premier Vélib' qu'ils avaient croisé. D'un brusque mouvement de tête, Sidjil se force à chasser le reproche puéril de son esprit, conscient de ne pas avoir les idées claires.
Une part de lui est lucide que la situation devrait l'inquiéter. Vraiment, il ne devrait pas être là à faire ce qu'il fait. Il ne devrait pas avoir paniqué si intensément, il n'aurait pas dû récupérer l'adresse où travaille Maxime, il ne devrait pas être en train de courir le rejoindre. Il aurait dû laisser Manas l'arrêter. Mais cette part de lui, logique et ancrée dans la réalité, n'est pas celle aux contrôles de son être à ce moment précis.
Ce n'est peut-être pas une mauvaise chose. C'est peut-être le pire qui pouvait lui arriver. Il le découvrira bien vite. De toute façon, il n'a pas eu le choix.
La part de lui qui le dirige est d'une intensité écrasante. Nourrie par la force de ses émotions et son cœur palpitant, elle le malmène autant qu'elle le tire en avant. Dans sa tête, tout est devenu trop complexe. Tout est devenu trop flou, trop précis, trop vif. Trop vrai.
Sidjil espérait trouver des réponses auprès de Mathis. Il ne s'attendait pas à celles-là.
Toutes ses découvertes le plongent dans un profond désarroi. Maxime qui l'a repoussé, mais qui a tout de même parlé à Mathis de leur rencontre. Mathis qui semble l'encourager à tenter sa chance malgré Léo qui... Léo. La supposée aversion de Maxime pour sa part lycanthe. Ses intentions envers l'« antidote ».
Le sentiment d'urgence qui le régit ne s'estompe pas. Né de ce cocktail abrasif, il mélange et accroît les doutes et les peines ressenties le matin même. Sans plus savoir où donner de la tête, confus au possible, Sidjil suit ses pulsions en espérant atténuer la peur qui brûle au creux de son ventre. À côté, la jalousie qu'il ressent rougeoie d'une chaleur plus discrète, pourtant il sait déjà que sa braise sera la plus difficile à éteindre. Malgré tout, la chaleur de l'une nourrit l'autre. Même s'il les distingue encore, Sidjil sait que le combo fait monter en lui la pression qui l'oppresse.
Il n'est pas certain de parvenir à redescendre en température avant de rejoindre Maxime. Il n'est pas certain d'en avoir envie.
Sa mâchoire se serre. Ses pas s'accélèrent. Ses crocs et ses griffes le démangent. Son instinct vibre.

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Instinct [Maxime&Djilsi]
FanfictionMaxime et Sidjil sont des loups-garous. Sidjil trouve que c'est une bonne chose. Maxime, beaucoup moins. -- Les lycanthropes n'ont rien à voir avec les monstres des légendes. Cachés, esseulés et rarissimes, les spécimens vivant en France ne se comp...