6

307 28 52
                                    


Manas et Sidjil retombent bien trop facilement dans leurs jeux d'enfants.

À vrai dire, pour eux, c'est même une évidence. Ni l'un ni l'autre ne pourrait réfuter qu'à l'instant où leur complicité s'embrase, peu importe le sujet du jour, chaque détail est propice à devenir l'accroche d'engouements puérils. C'est un réflexe, presque une seconde nature, que leur duo a acquis au fil des années, leur amitié fusionnelle s'exprimant à grand renfort de blagues, de rires, et de pitreries.

Après presque 24h de panique exclusivement solitaire, Sidjil est plus qu'heureux que ce processus s'applique à son récent coup de foudre.

Manas ne passe qu'un temps à le rassurer, lui insufflant précisément ce qu'il lui faut de bonne humeur et d'énergie pour le remettre d'aplomb, avant de lui demander un rapport un peu plus exhaustif sur tout ce qui lui est arrivé. Évidemment, Sidjil raconte tout. Évidemment, Manas passe autant de temps à le vanner qu'à lui faire remarquer ses faux pas à grand renfort de cris exaspérés.

Sidjil a beau prendre sa dose de reproches mesquins et de commentaires hilares qui le font rougir de ses propres maladresses, il ne peut être que reconnaissant envers le jeune homme avec qui il partage de mauvais pains au chocolat assis sur un tapis hideux. Manas a ce pouvoir incroyable de le ramener sur terre, de lui remettre les idées en place tout en rayonnant d'une excitation qui les galvanise tous les deux.

Ils auraient pu refaire le monde pendant une heure, mais ils la passent à parler de Maxime. Ou plutôt, de la manière dont Sidjil le voit, et la manière dont Maxime pourrait le voire avec un peu de chance et de bonnes actions.

De nombreuses théories hasardeuses sont passées au crible, passant sous le fouet de leurs paroles rapides et de leurs esprits échauffés, les mots à moitié étouffés dans leurs viennoiseries et leurs réflexions écourtées par d'autres aux apparences plus urgentes encore. À vrai dire, ils parlent beaucoup, mais ne disent pas grand-chose. Juste, ils décortiquent, ils extériorisent, ils partagent. Ils font monter une sauce avant de passer à une autre, jonglant entre euphorie et appréhension, mais tout en gardant des sourires sincères des yeux pétillants. Ils partagent ce moment avec la légèreté de deux amis qui s'esclaffent d'une amourette bien trop passionnée, au goût d'impossible, mais potentiellement atteignable. Pourtant, le poids qui s'envole de la cage thoracique de Sidjil n'est pas si anodin.

La dynamique a beau être libératrice et positive, elle ne peut pas durer pour toujours.

Le portable de Manas vibre sur le parquet avec le bruit d'un coup de tonnerre, les faisant plonger tous les deux vers l'écran qui s'éclaire pour afficher quelques caractères sur le fond d'écran abstrait. Les yeux de Sidjil cherchent avant tout ceux qui désignent l'expéditeur, son cœur loupant un battement en lisant « Mathis Paname Coolos ». Manas, lui, s'accroche plutôt au contenu du message qui s'étale juste en dessous.

Alors que Sidjil est occupé à loucher sur le haut de la notification en manquant d'avaler son pain au chocolat de travers sous une montée de pression, Manas se saisit de son téléphone pour le coller à son visage, ses doigts balayant l'écran en de grands gestes précipités. La voix du lycanthe éclate alors, rendue aigüe sous l'émotion, faisant définitivement éclater la bulle réconfortante qui les enveloppait.

— Hein ?! Il dit dans une heure ! À la station des Tui- Mais bordel c'est où ça encore ?! Y nous a pris pour des Parigos ou quoi ce fou ?! Sid ! Sid putain j'crois c'est loin, faut qu'on se bouge frère !

Sidjil a tout juste le temps de remercier l'univers que Maxime n'ait pas demandé à Mathis de les radier de la petite fête, que Manas se relève d'un bon avant de le saisir par le bras, le tirant à sa suite à travers l'appartement en désordre.

Instinct [Maxime&Djilsi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant