Elle attendait à l'arrêt de bus. Elle était assise, le dos légèrement courbé, ses mains croisées sur ses genoux. Quand le bus arriva, elle se leva et s'approcha timidement, hésitant à monter comme si elle avait peur de déranger. Elle était toujours comme ça, jamais à sa place, faisant tout pour passer inaperçue.
Vêtue de son éternel imperméable, elle se fraya un chemin jusqu'au fond du bus et s'assit, se faisant la plus petite possible.
Elle devait aller chercher son mari à l'hôpital. Il était hospitalisé depuis quatre jours suite à des vertiges et des malaises. Son coeur n'allait pas très bien ...
Elle était fatiguée. Elle aussi avait des problèmes de santé. Elle avait toujours eu des problèmes de santé. Des problèmes gynécologiques, urinaires, des problèmes d'hypertension. Elle prenait des traitements contre l'hypertension depuis l'âge de 26 ans. Et elle en avait maintenant 65.
Et cerise sur le gâteau, elle était en dépression depuis 20 ans ...
Elle avait beaucoup de colère en elle, de regrets, de ressentiment. Petite, elle avait rêvé de devenir infirmière ou écrivain mais au lieu de cela, elle s'était mariée et avait eu des enfants. C'était son destin, c'était ce qu'Allah avait décidé pour elle. Elle s'était résignée mais n'avait pas acceptée son destin, d'où ses regrets.
Elle s'était mariée sans amour, sur un coup de tête, suite à une conversation qu'elle avait entendue entre ses parents. Son père, que Dieu ait son âme, poussait sa mère à la convaincre de se marier car pour lui, ce serait une bouche de moins à nourrir.
Alors, elle avait accepté. Elle s'était dit que le prochain qui viendrait lui demander sa main, elle la lui accorderait. De toute façon, cela ne pouvait pas être pire que ce qu'elle vivait. Cadette d'une famille de sept enfants, elle n'avait pas de talent particulier, elle n'allait plus à l'école et servait de bonne à tout faire.
Donc faire le larbin pour sa famille ou sa belle-famille, où était la différence ?
Dans son malheur, l'homme qui devait devenir son époux était un immigré donc potentiellement « riche ».
Dans le Maghreb des années 70/80, on pensait qu'en France, l'argent pavait les trottoirs. C'était l'Eldorado !
Une fois mariée, elle se retrouva à vivre avec sa belle-soeur et son beau-frère qui était lui-même marié. Une famille de vieux pratiquants religieux, à l'esprit étriqué, qui considéraient la femme comme leur étant inférieure et uniquement destinée à remplir leurs estomacs, les maintenir propres, assouvir leur désirs charnels, faire des enfants et ne pas discuter leurs décisions.
Son mari avait déjà était marié deux fois mais n'avait pas d'enfant.
Elle descendit doucement du bus en se tenant à la barre car elle avait toujours des vertiges. Elle ne savait pas si c'était à cause des médicaments, de sa vue ou d'autre chose mais elle vivait avec depuis des années.
Elle entra par la porte principale et se dirigea directement vers le service cardiologie pour récupérer son vieux mari de 87 ans.
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Des racines et des Elles
Aktuelle LiteraturDes pans de vies et d'histoires qui se croisent. Des femmes à la fois semblables et différentes. Des rêves, des joies des espoirs. La vie est un éternel mouvement...