Sa fille l'avait appelée pour lui annoncer qu'elle allait passer à la maison.
Elle était tellement heureuse ! Cela faisait six mois qu'elle ne l'avait pas vue ... sa petite Sarah. Même si elle avait maintenant 25 ans, elle la considérait et la considérerait toujours comme son bébé. Au moment où la sage-femme lui avait posé son nouveau-né sur la poitrine, plus rien d'autre n'exista. Elle était seule avec son bébé dans une bulle ouatée où elle avait pu prendre conscience de cet Amour inconditionnel dont on lui avait rabâché les oreilles et qu'elle n'avait jamais réussi à saisir. Et elle comprenait maintenant pourquoi ce sentiment était si difficile à appréhender. On ne pouvait pas le verbaliser ; on ne pouvait pas décrire une sensation pareille. La langue humaine ne pouvait en aucun cas retranscrire cette volupté, cette chaleur divine dans tout le corps, cette impression de tenir l'infini et la quintessence de la joie, du bonheur et de la tendresse dans ses bras.
Pour un court instant, qui pourtant semblait durer toute une vie, le temps s'arrêtait. Elle ne faisait qu'un avec ce petit bout de chou mais en même temps elle était consciente que c'était une autre personne. Elle avait l'impression que cette autre personne était une extension d'elle-même et qu'elle l'aimait de toutes ces forces. Instantanément !
Elle oublia alors les neuf mois de doute, de souffrance, d'inquiétude et c'est comme si les heures douloureuses qui avaient précédées la délivrance n'avaient jamais existé.
Elle avait beaucoup souffert pendant l'accouchement car la péridurale n'avait pas tenu mais, à cet instant, rien ne lui importait. Ni le médecin en train de la recoudre, ni les quatre observateurs en train de scruter ses parties intimes, ni les odeurs de sang et de transpiration. Ni même son mari, pâle comme la mort, au bord de l'évanouissement.
Il avait d'abord refusé d'assister à l'accouchement, considérant que ce n'était pas sa place. Mais, voyant la réprobation dans les regards de ses amis et collègues, il avait finalement décidé qu'il serait aux premières loges.
Quand la sage-femme lui avait proposé de couper le cordon ombilical, il avait balbutié un « non, merci, ça ira ».
Il n'osait pas s'approcher probablement écoeuré par les différents fluides et le vernix qui recouvrait le bébé. Il se balançait d'un pied sur l'autre en se tordant les mains ne sachant que dire ou que faire.
Elle sortit de sa parenthèse enchantée lorsqu'on lui prit le bébé pour lui faire les premiers soins. Elle reprit tout d'un coup conscience du temps et de l'espace, des personnes qui l'entouraient et qui vaquaient à leurs occupations. Mais comment pouvaient-ils être aussi indifférents alors qu'un miracle venait de produire ?
Elle regarda son mari et lui sourit pour le rassurer. Il osa alors enfin s'approcher et lui prit la main.
Sa fille devait passer la voir. Elle l'avait appelée pour le lui annoncer il y a de cela ... deux semaines.
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Des racines et des Elles
General FictionDes pans de vies et d'histoires qui se croisent. Des femmes à la fois semblables et différentes. Des rêves, des joies des espoirs. La vie est un éternel mouvement...