Chapitre 22 : La réalité

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Elle n'en pouvait plus. Elle n'avait pas de nouvelles de sa fille depuis Novembre. On était en avril.

Malgré les recherches de Sonia, les différents allers-retours au commissariat, les posts Facebook. Rien, c'était comme si Sarah avait disparu de la surface de la Terre. Personne ne l'avait vue, personne ne l'avait retrouvée.

Sonia s'occupait de tout. Elle lui en était tellement reconnaissante. Elle l'accompagnait même au commissariat et, alors que Marie sortait toujours la première, Sonia restait pour insister auprès de l'officier qui s'occupait de leur demande.

Sonia passait tous les soirs , après avoir fini son travail, pour la soutenir, préparer à manger, ranger un peu.

L'appartement était dans un sale état. Marie était dans un sale état. Rien n'allait plus. Elle était en arrêt maladie pour dépression.

Son mari n'allait pas bien non plus : il était nerveux, à fleur de peau. Ils ne se parlaient pas.

Elle ouvrit la fenêtre du balcon pour fumer et guetter Sonia qui ne devait pas tarder à arriver.

Les médicaments que Marie prenait lui brouillaient l'esprit, la rendaient groggy et l'empêchaient de réfléchir. Elle ne se souvenait plus de ce qu'elle avait fait la veille ou des personnes qu'elle croisait.

Sofiane était passé déposer le linge que sa mère avait eu la gentillesse de laver. En ouvrant la porte, il lui avait dit bonjour mais pendant quelques minutes, elle ne l'avait pas reconnu. Puis, elle l'avait identifié comme étant le fils de Sonia mais elle fut incapable de se souvenir de son prénom.

Elle allait mal, elle le savait et c'est pour cela qu'elle avait décidé d'arrêter son traitement. Depuis, maintenant quatre jours, elle ne prenait plus rien. Elle se disait qu'ainsi, elle allait pouvoir faire les démarches elle-même pour retrouver sa fille. C'est vrai, après tout, Sonia avait sa vie, son fils, son travail. Elle ne pouvait pas la solliciter à tout bout de champ.

Elle avait prévu de retourner au commissariat pour voir s'ils avaient des nouvelles. Puis, de faire le tour des hôpitaux. Elle avait un plan : retrouver sa fille, l'aider à se désintoxiquer, la soutenir et l'entourer de tout son amour. Elle allait y arriver cette fois-ci !

Aujourd'hui, elle avait eu d'étranges flash-backs. Des images de situations qu'elle avait l'impression d'avoir vécues mais qui n'avaient pas de sens. Elle n'avait aucun souvenir réel de son mari, pleurant sur le canapé ou de Sonia parlant avec un officier de police dans leur salon.

Elle avait beau creuser sa mémoire, elle n'arrivait pas à se rappeler quoique ce soit.

Tout d'un coup, un éclair de lucidité envahit très violemment son cerveau. Elle vacilla et se retint à la fenêtre. Elle ne comprenait pas ce qu'elle voyait dans sa tête, elle ne comprenait pas ce que cette voix intérieure lui disait. Elle ferma les yeux pour essayer de repousser ce flot d'informations décousu mais soudain, elle ouvrit les yeux et elle eut l'impression qu'elle expirait son dernier souffle.

Sa fille était morte.

Et alors, tout lui revint. Oui sa fille était morte... il y a de cela trois ans... Elle avait été retrouvée dans un squat du 18ème arrondissement de Paris. Morte d'une overdose. Elle reconnecta alors l'image de l'officier de police dans son salon et de son mari pleurant à chaudes larmes.

Elle se revit alors hagarde, immobile, ressentant une telle avalanche d'émotions qu'elle en était restée paralysée.

On l'avait hospitalisée. Elle passait ses journées à hurler et à pleurer. Elle ne mangeait pas. Elle ne parlait pas. Puis, petit à petit, les médicaments avaient fait leur travail. Elle avait touché le fond, puis était remontée à la surface. Et elle avait trouvé le moyen de survivre : se créer un monde où Sarah était encore vivante.

Elle se souvint de son retour à la maison. Son mari qui faisait comme si de rien n'était. Et Sonia qui l'écoutait quand elle lui disait que Sarah était passée récupérer quelques affaires. Qu'elle l'avait appelée.

Son inconscient lui renvoya quelques bribes d'information. Le médecin en train de parler à son mari :

« Il ne faudra surtout pas essayer de la sortir de son déni. Si vous voyez quoique ce soit d'anormal, il faudra l'hospitaliser à nouveau. Je suis désolé de vous dire cela Monsieur, mais faites en sorte de la suivre dans ses illusions. Pour l'instant, c'est la meilleure chose à faire ».

En trois ans, elle était sortie de sa réalité à deux occasions. Elle avait donc été hospitalisée à nouveau. Mais rien n'y faisait. A un moment donné, elle s'échappait de la réalité pour rejoindre celle où sa fille vivait encore.

Sa petite fille... sa petite Sarah qu'elle aimait tant...

Alors, très calmement, elle enjamba la balustrade et se jeta du sixième étage. 

Des racines et des EllesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant