Chapitre 11 : Elle a fait un bébé toute seule

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Purée, il fallait vraiment qu'elle se motive pour faire du sport ! Elle était devenue molle comme de la pâte à modeler. Et encore avec la pâte à modeler, il était possible de modeler quelque chose. Son corps ressemblait plus à du slime. Bon, ce n'est pas comme si elle avait un jour été super musclée ou fine mais là, à 46 ans, elle voyait la peau pendre sous ses bras et entre ses jambes, c'était horrible.

Mais pourquoi s'imposer une telle souffrance ? Les pseudo hormones du plaisir qui se déclenchent après le sport n'ont jamais fait effet sur elle. Après chaque séance, elle ressemblait à un phoque en rut. Et elle mettait une semaine à s'en remettre. Et puis, ce n'est pas comme si elle était à la recherche de l'âme soeur qui regarderait son corps avant de sonder son esprit. Non, elle était très bien toute seule. Mon Dieu, quel bonheur de ne plus ramasser les chaussettes sales (en dehors de celles de son fils), de ne plus avoir besoin de réfléchir à ce qu'elle allait faire à manger, de tout gérer toute seule et en plus d'écarter les jambes de temps en temps. Plus de compte à rendre à personne sauf à elle-même.

Cela faisait trois ans qu'elle était divorcée et elle ne le regrettait absolument pas. En fait, en y réfléchissant, elle n'aurait jamais du se marier.

Quand elle eut 30 ans, elle commença à s'inquiéter. Les mentalités et la société ont fait en sorte que la réussite dans la vie consistait à se marier, avoir 1,83 enfant, acheter une maison, une voiture, un chien, partir en vacances 1 ou deux fois par an, travailler plus pour gagner plus, prendre sa retraite et clamser quelques années après. En résumé, les éléments de la normalité.

Elle y avait cru et voulut s'y conformer. Mais quelque chose en elle lui disait que ce n'était pas sa voie. Le problème c'est qu'elle ne savait pas quelle était sa voie. Alors elle avait essayé la voie des autres. A quelques détails près, elle y était presque arrivé. Elle louait un trois pièces en banlieue parisienne, elle avait un enfant (ressenti quatre), elle avait un boulot qu'elle aimait bien et elle partait en vacances au moins une fois par an.

Mais elle n'avait pas de mari (l'essai avait été infructueux), elle n'avait pas de maison à elle, pas de voiture (même pas le permis), et pas d'animaux de compagnie.

Elle avait voulu essayer. Elle rêvait d'avoir un enfant alors il fallait qu'elle trouve THE géniteur. De nos jours,  le géniteur peut être anonyme mais l'anonymat dans ce cas bien précis n'est pas accepté dans la société musulmane et encore moins dans sa famille. Le tube « Elle a fait un bébé toute seule » de J.J Goldman n'a certainement pas été écrit pour elle.

A l'époque, elle n'était pas assez courageuse (ou suicidaire) pour le faire. Et elle était en admiration devant sa collègue, également de confession musulmane, qui avait osé procréer de cette manière. Quelle audace, quel courage, quelle abnégation ! Il est vrai qu'aujourd'hui, elle était brouillée avec sa famille. Sa propre mère l'avait reniée et n'avait montré aucun signe d'attendrissement devant les photos du magnifique petit garçon que sa collègue continuait d'envoyer régulièrement.

Ses pensées se concentrèrent sur son propre fils, Sofiane. Son amour, son soleil, le sel de sa vie. Son merveilleux garçon qui commençait à se transformer en un horrible adolescent boutonneux qui ne lui adressait la parole que pour lui demander ce qu'ils allaient manger. Son adorable tête brune qui évitait de lui faire des bisous ou des câlins en public. Son incroyable grand dadais qui passait son temps dans sa chambre sur ses jeux vidéos.

A quel moment le petit garçon souriant et joyeux s'était-il transformé en un ourson renfrogné et silencieux ? 

Pourquoi ce miracle qu'elle avait tant attendu lui annonçait maintenant qu'il préfèrerait aller vivre chez son père ? 

Des racines et des EllesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant