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— Ruslan avait l'air préoccupé ce soir, tu as une idée de ce qui lui est arrivé ? demanda Boris.

— Non, pourquoi ? Il t'a dit quelque chose ? rétorqua Nora.

— Rien, je me suis dit que peut-être lors de l'un de vos échanges, il t'a parlé d'un truc.

— Non, rien, il ne m'a rien dit. Pourquoi tu ne lui demandes pas ?

Le regard de Boris prit une expression indéchiffrable, il était totalement fermé et avait les yeux perdus sur la route qui s'étendait devant eux, une bande de blanc immaculé bordée de sapins sombres, dont les silhouettes se découpaient nettement dans la nuit. Les phares de l'auto éclairaient la voie, créant un tunnel de lumière qui fendait l'obscurité, révélant les détails du paysage gelé, tandis que les ténèbres régressaient de chaque côté, comme repoussées par la lumière.

— On ne se parle pas beaucoup, lui et moi, si tu ne l'avais pas constaté, ajouta-t-il.

Nora avait remarqué que Ruslan était toujours tendu en présence de Boris et préférait rester dans son coin. Le boxeur participait rarement aux conversations débutées par ce dernier, mais elle n'avait jamais voulu creuser plus pour en connaître la raison et l'avait mis sur le dos de la jalousie.

— Si. Tu devrais peut-être en parler avec lui...

— Cela fait plus de dix ans que ça dure, je ne crois pas que c'est aujourd'hui que ça va changer.

Nora faillit tomber sur son siège, secouée par cette révélation renversante. Qui pouvait détester quelqu'un pendant plus de dix ans ? Plus de dix longues années ? Nora n'avait jamais cru Ruslan si rancunier et ce n'était pas pour le défendre, mais elle était sûre que la raison était très sensible pour qu'il en arrive à de telles extrémités.

Mais demander à Boris cette raison ne lui ferait-il pas penser qu'elle lui rejetait les torts ? Même si elle était rongée par l'avidité, affamée d'avoir plus d'informations, Nora se contenta de garder le silence pour ne pas créer de malentendu, tout en implorant le ciel qu'il reprenne le sujet et donne les réponses de lui-même aux questions qu'elle se posait.

Boris se gara et ils sortirent de l'auto. Dans la malle arrière, il prit un sac à dos et deux bâtons de randonnée, et lui en passa un.

Côte à côte, ils se mirent à monter la colline dans l'obscurité, avec la seule lumière de leurs lampes torches pour les éclairer, dans un silence de tombeau sous un froid méchant qui ne leur faisait aucun cadeau. Heureusement qu'ils étaient bien au chaud dans leurs nombreuses couches de vêtements.

— Nous avons grandi ensemble, lâcha Boris.

Concentrée sur son ascension, Nora avait totalement oublié ce sujet. Tout ce qui la préoccupait était ses pieds qui la faisaient souffrir, sa poitrine compressée, son dos en compote. Elle était sûre que le poignée du bâton était collée dans sa paume de main, elle ne l'avait plus lâché depuis que Boris le lui avait donné.

Mais ça serait pure mensonge de dire que sa phrase n'avait pas titillé sa curiosité quant à la suite du récit.

— Et que s'est-il passé ? l'encouragea-t-elle à se livrer, en maintenant un ton calme pour ne pas trahir sa joie d'en savoir plus sur Ruslan.

— On était très proches, même meilleurs amis, répondit Boris.

Nora stoppa sa montée, ahurie par cette déclaration, et regarda Boris avec étonnement, alors que lui continuait son ascension, perdu dans ses pensées. Elle courut pour rattraper les mètres qui les séparaient, au risque de s'éclater un poumon, mais l'enjeu en valait la chandelle.

fuck!ng loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant