Chapitre 14 : 6 + 1 offerte (les étapes du deuil)

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NdA : Alternatives à ce titre selon mes notes perso : La colère des Dieux , ou "Amnésie" c'est pas une attaque (ça vaut toujours ce que ça vaut). La petite musique du jour nous vient de la bande-son d'une de mes animations préférés Nos mots comme des bulles. Attention la fin approche mes bons amis...

Etrange chose que celle de recouvrir la mémoire.

D'aucuns pourraient penser que cela se passait de la même façon que lorsque l'on frôlait la mort : la vie qui défile devant soi, par flashs saccadés, à la manière des anciens films muets projetés dans le noir. Ou bien avec un choc si terrible que cela assommait le sujet de la réminiscence pour le plonger dans une inconscience salutaire. Or la réalité était bien moins spectaculaire, à l'instar de ce que venait de vivre Stephen Vincent Strange, doctor és neurochirurgie, recordman du pire voisinage depuis vingt ans... Car, en ce qui le concernait, ses souvenirs lui étaient revenus comme une évidence. Il savait, sentait, plus qu'il ne voyait le visage de Donna, le lit de Victor, la glace, la glace, la glace... Ses yeux bleus rencontrèrent ceux foncés de Morgane, puis se posèrent sur Peter, puis enfin Prokof, qui s'était finalement tu, observant avec une étrange fascination le neurochirurgien.

C'était que Prokof avait compris.

Les yeux du Dr. Strange n'étaient déjà plus les mêmes qu'avant. Il regardait le monde avec une tristesse qu'il ne s'était jamais autorisée... Inutile d'être Einstein vraiment. Morgane et Peter observèrent le docteur, qui s'était à présent tourné vers le parc. Pour une fois, la première fois peut-être depuis des années, il regardait les enfants sans animosité, sans amertume, et il ne fit rien de cette situation qui aurait valu au moins un petit commentaire aigri sur ce monde qui courait à sa perte. Or rien de tout cela.

Au contraire, comme un automate, il se dirigea vers sa maison, fit un bref signe de tête à Peter et rentra chez lui. Rien d'autre n'aurait pu trahir l'intensité de ce qu'il venait de vivre si ce n'était ce changement dans ses yeux, et pour l'œil aguerri de Prokof, sa main tremblante sur la poignée de sa porte d'entrée. D'ailleurs, Peter ne releva même pas le comportement étrange du docteur (qui l'avait tout de même salué) et partit rejoindre Harley dans la petite demeure Stark pour s'empresser d'aller lui rapporter ce que lui avait appris son expédition en milieu médical.

Quant à Morgane, qui avait croisé le regard bleu du neurochirurgien, elle pouvait simplement dire que ce monsieur-là semblait avoir urgemment besoin d'un câlin de Rondoudou...

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« Alors ça c'est du point faible, mais ce serait carrément trop bâtard de l'exploiter.

-Parce que tu veux continuer le plan ? On sait au moins quand est-ce qu'ils sont morts ? Parce que imagine la fête tombe pile poil le jour de l'anniversaire de décès d'un des deux ! On va pas sauver Strange là, on va provoquer un vortex intergalactique destructeur d'univers !

-Et on l'appellera Thanos !

-NON Morgane, on va pas l'appeler Thanos. Je préfère encore garder le Strange actuel.

-On devrait peut-être ne pas se mêler de ça et abandonner le projet. Tout le monde fait son deuil différemment...

-Oui enfin un deuil de vingt ans, c'est plus un deuil là. Ta vie c'est la mort. Carrément, Strange c'est un mort-vivant en fait.

-Techniquement il a pas vraiment fait son deuil, puisqu'il est jamais passé à autre chose...

-Mouais. Oh putain on va se bouffer les sept étapes du deuil dans la tronche, comme si c'était pas déjà suffisant comme ça ! Colère supplément colère, avec encore un tout petit peu plus de colère avec ça, qui dit mieux ?

-Six. Il lui reste six étapes du deuil. En fait là, il a fait un déni de vingt ans.

-La colère des Dieux va s'abattre sur nous !

-C'est Ragnarok !

-NON Morgane, c'est pas Ragnarok. Tu veux pas arrêter de lire des trucs et jouer à la Switch comme tout le monde ?

-Mais je joue déjà. Dans Pokémon, mon Rondoudou il a appris l'attaque Amnésie !

-... Ok laisse tomber... Et techniquement Amnésie c'est pas une attaque. Bref, faisons un vote. Qui est pour le maintien du projet « Fête de fin d'été », slash « rendre meilleur Strange », slash « le rabibocher avec notre patriarche » ?

-T'as dit « rabibocher » là ?

-T'as dit « patriarche » ?

-Notre Père qui êtes aux cieux !

-NON Morgane ! Je préférais encore la version Ragnarok... Bon, le vote, et tout le monde vote, même les mioches, qui pour ?

Morgane, Tom, Sam, Peter et Harley levèrent tous la main (ce qui constituait une magnifique unanimité).

-Eh ben, plus efficace que les élections russes notre affaire...

-Tu crois qu'il faudrait qu'on le dise à papa ?

-Naaan, on gère.

-La fougère.

-Oui Morgane, on gère la fougère. Les fous gèrent même. Ok alors maintenant mission cartons d'invitations (hors de question qu'on annonce ça directement à l'autre dragon neurotruc là... »

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-Dans la demeure du très amical Dr. Strange-

Stephen était tout de même dans un drôle d'état. Comme sur un nuage, mais un nuage dont on aurait bien aimé se passer, un nuage gris, d'orage, chargé d'électricité. Comme si tout son corps et toute sa tête (il lui semblait qu'il avait encore toute sa tête mais il n'en était pas encore sûr à 100%) s'étaient mis d'accords pour entrer dans un état de suspension très inconfortable. Et que faire pour se sortir de là ? Il côtoyait largement assez de personnel soignant pour savoir que son cerveau cherchait tous les moyens possibles pour éviter de gérer le raz-de-marée de tristesse qui menaçait à tout moment de le submerger, merci bien.

Pourtant toutes les informations étaient là. Donna était morte. Victor aussi. Il ne parlait plus à ses parents depuis vingt ans. Il n'avait rien expliqué à Tony Stark, son actuel voisin qu'il avait oublié, trop concentré à devenir le meilleur médecin du monde. Ah ! Il avait une des mémoires les plus performantes de la planète ! Cela incluait aussi sa capacité à en effacer des pans entiers !

Son regard se posa sur la table de la salle à manger, où il avait jeté à la hâte un peu plus tôt dans la journée le fameux exemplaire du Misanthrope de Molière. Aussitôt, il explosa de rire. C'était un rire fou, d'une tristesse déchirante, et bientôt, des larmes s'y mêlèrent, incontrôlables, comme tout le reste de son corps agité entre gloussements et sanglots. Le tout dura bien vingt minutes.

Sans réfléchir, il se posta devant la fenêtre de sa cuisine qui donnait sur le parc des enfants. Pour une raison qui lui échappait, mais qui à l'évidence devait être particulièrement incongrue, cette vue l'apaisa un peu, et son esprit retomba aussitôt dans son état de suspension cotonneuse.

Du moins jusqu'à ce qu'il aperçoive Harley-La-Terreur poster une enveloppe des plus louches dans sa boîte aux lettres.

La vérité, si Molière était encore impliqué dans l'histoire, il allait péter une durite. Il attendit que l'adolescent s'en aille (et voyez comme les vieilles habitudes ont la vie dure, rien que le terme « adolescent » suffisait à lui faire encore grincer des dents), puis il rassembla le peu d'énergie et de dignité qui lui restaient pour aller récupérer l'enveloppe et l'ouvrir aussitôt.

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Cher concitoyen.ne,

L'association des enfants du quartier a le plaisir de vous convier à la 13ème édition de la Fête de fin d'été, qui se tiendra sur la place du parc d'ici une semaine.

Merci de confirmer votre présence au plus vite auprès de nos présidents : Harley Keener-Stark, et Sammy Bagman.

Bien à vous.

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Mais qu'est-ce que c'était encore que cette histoire ?

Et depuis quand « l'association des enfants du quartier » c'était un vrai truc d'abord ?

Le Misanthrope [Ironstrange]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant