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J'étais frigorifiée.
Comme si le soleil qui était en moi s'était éteint.
Comme s'il avait disparu à tout jamais.

J'étais pétrifiée.
Comme si mon âme avait quitté mon corps.
Comme si elle m'avait abandonné pour toujours.

*

Par mon plus grand regret, j'avais écouté le conseil de Jacob. J'étais rentrée chez moi...
Mouillée de la tête aux pieds et couverte de boue. Mes vêtements n'avaient jamais été aussi sales qu'aujourd'hui. La terre avait caillé sur mes mains ce qui les avaient rendues complètement sèches. La matière avait pénétré sous mes ongles. Je ne les quittais pas des yeux alors même que je conduisais.
Je n'arrivais pas à savoir ce que je ressentais à ce moment là. Tout me semblait étrange et impossible. On aurait dit que j'étais totalement déconnectée du temps, que plus rien ne se passait dans mon monde. Que la Terre s'était peut-être arrêtée de tourner.
Je tenais durement le volant sans être concentrée sur la route. Mes larmes glissaient le long de mon visage sans que je m'en rende compte. Je mordillais mes lèvres en essayant de contenir en moi ce flot d'émotions. Mais je ne pouvais m'empêcher de pleurer. Rien ne pouvais m'arrêter. Tellement que je manquais d'air et que mon nez se mettait à me brûler. A cause du froid, à cause des pleurs. Pour une fois, le paysage ne me semblait pas extraordinaire. Pour une fois, les arbres me semblaient fades et sans vie et pour une fois, l'automne ne me semblait pas magnifique. Il me paraissait sans intérêt, frivole, futile et inintéressant. Cela n'aurait pas plu à la petite fille que j'étais, celle qui attendait cette saison avec impatience, tout au long de l'année. Pourtant, c'est ce que je ressentais. C'était comme si ma vision du monde avait changé, qu'on m'avait soudainement coupé les ailes et éteint la lumière. Me laissant plonger dans l'obscurité.

J'étais partie à contre cœur de la réserve mais maintenant que je me trouvais près de la ville, je me sentais soulagée. Certes, j'étais soulagée mais le poids qui pesait sur ma poitrine n'était toujours pas parti. Au contraire, il était davantage lourd. Mais le sentiment de savoir que je serai bientôt dans ma chambre me réconforta. Le fait de savoir que je pourrai pleurer librement au milieu de mes guirlandes lumineuses me consola. Je pensai également à la douche brûlante que je pourrai prendre. Celle qui laisserait des taches rouges sur mes cuisses et qui m'empêcherait de porter un pantalon tout de suite. Celle qui me ferait oublier le froid que ressentait mon corps et mon âme. Celle qui me ferait oublier l'espace d'un instant les dernières phrases de Jacob.

*

J'ai ouvert la porte de la maison tout doucement, espérant ne croiser personne dans cette état. Si sale et si vulnérable. Je connaissais ma sœur et mon père. Ils me regarderaient sûrement avec inquiétude et peut-être avec un brin de colère. Ils me demanderaient de leur raconter ce qu'il s'était passé et pourquoi mon visage était-il si rouge. Mais je savais que je n'arriverai pas à leur répondre. Qu'aucun mot n'arriverait à sortir de ma bouche, parce que cette réalité était bien trop dure à accepter. Je savais que cette fois, je n'aurais pas la force de me battre de nouveau, que je n'aurais pas la force d'aller mieux. C'est pour cela qu'il fallait que j'atteigne le plus rapidement possible la salle de bain. Il fallait que je me nettoie, que je retire toute trace de ce moment. Peut-être qu'après cela une partie de ce qu'il s'était passé aurait disparu.
Lorsque j'entrai dans la maison, je n'entendis aucun bruit. Comme si elle était totalement vide. Bella était sûrement chez les Cullen ou juste avec Edward et Charlie était peut-être allé pêcher. Si c'était le cas, je me sentirai davantage en confiance. J'ai refermé la porte d'entrée derrière moi et je jetai un rapide regard vers la cuisine - là où il n'y avait personne - avant de m'avancer lentement dans le salon. L'endroit était désertique, du moins en bas. Je me suis donc par la suite dirigée en direction des escaliers. Une fois à l'étage, je constatai que toutes les portes étaient fermés. Cela confirmait mes doutes, personne n'était ici. Mais afin d'en être sûre une bonne fois pour toute, je les appelai. Du voix tremblante, le prénom résonna au milieu du couloir.
- Bella ?
Aucune réponse.
- Papa ! Tu es là ?
Toujours rien. J'étais seule pour mon plus grand plaisir. Je me précipitai donc vers la salle de bain et refermai la porte tout doucement. En la verrouillant, j'entendis un léger bruit retentir. Je retirai immédiatement mes vêtements et les lançai au sol. Une fois sous la douche, je sentais l'eau couler le long de mon corps pour finir par glisser sur mes pieds. Je regardais l'eau disparaître petit à petit. De la vapeur envahissait l'espace. J'aimais la sensation d'étouffement qu'elle me procurait. Ce qui fut extrêmement étrange sur le moment mais qui me détendît tout de même. Je sentais mes cheveux le long de mon dos ainsi que les gouttelettes d'eau qui en ruisselaient sur mon bassin. Mes muscles semblaient de plus en plus léger. Tellement que je sentais mes jambes se dérober sous mon poids. Je me sentais lourde et j'avais l'impression que seule la chaleur pourrait arracher ce sentiment. Pourtant, je n'avais pas l'impression de me réchauffer. Il me fallait toujours augmenter davantage la température. Elle n'était jamais assez brûlante. Du moins pas assez pour me satisfaire. Je voulais à nouveau me sentir en sécurité et pour moi, seule la chaleur pouvait avoir cette effet là. Mais il faut croire qu'aucune chaleur ne pourrait être semblable à la sienne...

Une fois dans ma chambre, mon corps tomba instantanément sur mon lit. Le regard fixé au plafond cherchant à faire passer le temps. Les guirlandes étaient allumées mais cela me semblait finalement sans importance. Rien ne semblait avoir d'intérêt, pas même ma respiration. Je le faisais sans même m'en rendre compte. Je sentais mes quatre sens sans même les ressentir. Des centaines de pensées me traversaient l'esprit avant même que je n'en prenne conscience.
Je ne pleurais pas. Moi qui n'espérais qu'une chose, pouvoir pleurer au milieu de cette pièce, je ne pleurais pas. Aucune larme ne se pressentait. Aucune émotion semblait vouloir sortir. Rien ne se laissait paraître sur mon visage. Rien que le vide lamentable de mon âme. J'avais mal à la poitrine. Quelques choses me serrait de plus en plus, ne me laissant qu'une respiration étouffée. J'avais mal mais je n'arrivais pas à y mettre un mot. Peut-être à cause du surplus de pensées, de la fatigue ou peut-être de rien. Rien de plus que le vide au fond de ma poitrine. Mes paupières devenait de plus en plus lourdes mes mon regard devenait trouble. Jusqu'à ce que la lumière ne disparaisse complètement.

*

" Il faisait sombre, je n'y voyais rien. J'étais allongée inconfortable par terre, au milieu de gigantesques sapins. Je sentais des feuilles mortes et  humides sous la paume de mes mains. Ma tête me brûlait et j'entendais un sifflement dans mes oreilles. J'avais terriblement froid et mes poiles s'irisaient. Je me relevai avec difficulté, encore assise, ne sachant pas quoi faire. Mon regard se posa sur la pleine lune dans le ciel. Elle était si grosse qu'elle donnait l'impression de vouloir envahir tout l'espace. Cela me mit mal à l'aise, laissant la peur au fond de ma poitrine prendre davantage de place. Je ne me sentais pas en sécurité et je n'espérais qu'une chose c'était de disparaître. Derrière mon dos, des brindilles craquèrent sous le poids de quelqu'un chose. Je me retournai brusquement à la recherche de ce qui avait causé ce bruit. Mon regard s'arrêta sur des points brillants au milieu des arbres. C'était des yeux, sombres et luisants. Me fixant sans bouger d'un centimètre. Cela me glaça le sang et ma respiration s'accéléra. Prise de panique, je poussai un cri sanglant."

Je me réveillai en sursaut, criant de toute mes forces. Je transpirais et ma respiration était haletante. Ce n'était qu'une rêve et pourtant cela n'avait jamais semblé aussi réel. Je regardai à travers ma fenêtre, perturbée par la présence de la pleine lune au milieu des étoiles scintillants dans la pénombre.

Moonlight - Jacob Black Où les histoires vivent. Découvrez maintenant