Chapitre 4

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Castle - Halsey

Je pénètre dans une immense salle, ses murs ne sont pas recouverts de torchis et le violet de l'améthyste semble encore plus éclatant ici. Je lance un regard circulaire à la pièce en essayant d'enregistrer un maximum d'informations sans avoir l'air trop impressionnée. Il y a six cristaux placés en cercle autour du trône, derrière chacun de ces cristaux se trouvent des fauteuils de granite. Un seul ne possède pas de cristal devant lui. Mes yeux se posent instinctivement sur le trône au centre sur lequel se trouve une femme avec les yeux bridés du même jaune que ceux de Hélori et de longs cheveux gris qui tombe sur ses épaules. Elle porte une robe qui lui arrive si bas qu'on voit à peine ses chaussures, elle est rouge avec des motifs brodés au fil doré. Je constate que son regard s'est immédiatement posé sur moi. J'ai du mal à déterminer s'il est glacial ou bienveillant mais ce qui est sûr, c'est que je suis mal à l'aise. J'ai l'impression qu'elle me sonde et c'est très désagréable. Sans même savoir pourquoi, je m'accroche au bras de Hélori, ce dernier m'accorde un regard affectueux, l'étrange chaleur m'envahit de nouveau et mon stress s'apaise, je me sens plus courageuse. Mes deux compagnons s'inclinent devant la femme, je suis donc le mouvement, ne voulant pas me ridiculiser. Ce geste me confirme que j'ai bel et bien la reine en face de moi.

— Reine Shéhérazade, pardonnez notre entrée précipitée mais... commence Hélori.

— Une humaine a atterri dans notre chambre il y a une heure environ, elle a pris une colonne d'énergie non répertoriée, sûrement une clandestine. Nous l'avons donc emmenée pour que vous puissiez entendre sa version des faits, termine Zohar.

Il arbore un air totalement détaché de la situation. Si Hélori se montre vraiment concerné par mon sort, le brun, lui, semble complètement insensible à ce qu'il peut être dit à mon propos. Son ami aux cheveux argentés détache ma main de son bras et vient poser la sienne dans mon dos pour m'inciter à avancer, je m'exécute, nerveuse. J'entends Hélori reculer. Un étrange sentiment de solitude m'envahit quand son contact me quitte. Le regard de la reine n'a pas bougé d'un millimètre, il me fixe toujours. Je préfère l'éviter et m'intéresser au reste de la salle. Tous les sièges qui entourent le trône sont occupés sauf celui qui se trouve derrière l'améthyste. Les autres cristaux sont un saphir, un rubis, une émeraude, une pierre jaune que je connais pas ainsi qu'une orange qui ne me dit rien non plus. Un silence gênant passe suffisamment longtemps pour que mon angoisse s'installe de nouveau au creux de mon ventre. J'entends quelqu'un se déplacer dans mon dos, puis sens un souffle sur ma peau.

— Il faut que tu parles, me chuchote Zohar.

Son geste me surprend, c'est la première fois qu'il montre de la patience envers moi. Je ne sais pas si il a quelque chose derrière la tête mais pour l'instant, c'est le cadet de mes soucis. Je vais devoir prendre la parole devant la dirigeante de tout un royaume et sûrement des personnes hautes placées, puisqu'elles disposent d'un siège dans la salle du trône. Sans trop réfléchir, j'attrape la première chose que je trouve pour tenter de calmer ma peur, j'ai besoin d'avoir du soutien, peu importe comment. La main de Zohar est la première chose qui me vient à l'esprit rapidement, je l'agrippe comme à une bouée. Une décharge me remonte le long du bras lorsque nos deux peaux entrent en contact. Je frissonne, perturbée. Le brun laisse immédiatement mes doigts glisser contre les siens qui viennent les entrelacer ensemble avec fermeté. Je suis quelque peu déstabilisée mais sans savoir vraiment pourquoi ce geste m'apaise autant qu'il m'électrise. J'avoue que j'aurais préféré que ce soit celle de Hélori car je sais que Zohar ne risque pas d'arrêter de se moquer de moi après cet évènement et je n'ai pas besoin de ça pour me sentir ridicule.

— Bon... bonjour, je m'appelle Mona, enfin Anémone, techniquement, mais tout le monde m'appelle Mona.

J'ai envie de me gifler, qu'est-ce que ça peut bien faire à une reine si on m'appelle par mon surnom ou par mon nom... C'est juste que, devant une souveraine, je ne sais pas si c'est impoli de me présenter en tant que Mona. Enfin bref. Zohar effectue une pression avec sa paume pour m'inciter à continuer.

— J'étais en train de rentrer chez moi après qu'un orage ait éclaté, je m'étais retrouvée en plein milieu d'une pluie d'éclairs qui s'abattait sur moi. Dans la panique, j'ai couru sans m'arrêter et surtout sans faire attention à où j'étais. Une voiture était sur le point de me renverser quand j'ai senti une forte pression et me suis retrouvée dans la chambre des garçons. Et... j'aimerais bien rentrer chez moi, dis-je alors ma voix se casse sur la dernière phrase.

J'arrive tant bien que mal à retenir mes larmes et attend que quelqu'un me réponde. Un silence plane dans la salle. Shéhérazade me fixe toujours, bien qu'il se soit arrêté un instant sur ma main et celle de Zohar entrelacée. Pourquoi ne me répond-t-elle pas ? Je commence à perdre le contrôle de ma respiration que j'empêchais de partir en vrille depuis que je suis rentrée dans cette pièce. Je sens la main de Zohar exercer une pression un peu plus douce que la précédente contre la mienne. Ça a beau être un abruti fini, je lui suis reconnaissante de me soutenir. Je suis étonnée de son comportement sans pour autant espérer une amélioration dans son comportement. Il a juste été traversé par un élan de compassion qui partira aussi vite qu'il est venu, je ne compte pas l'apprécier pour si peu. Je sens le rouge me monter aux joues. Comment se fait-il que personne n'ait encore pris la parole ? J'aimerais lâcher la main du brun car cette position commence à être un peu trop confortable à mon goût. Si la tactilité avec Hélori me semblait naturelle et spontanée, avec Zohar, elle est étrange. Je préfère endormir les sensations qui tourbillonnent dans mon corps et assimile ça à de la méfiance.

Au bout de quelques minutes qui me semblent une éternité, la reine se décide enfin à prendre la parole. Sauf qu'elle ne s'adresse pas du tout à moi.

— Étrange... Une colonne d'énergie non répertoriée... Ça serait possible tu penses, Psytolodon ?

— Ça m'étonnerait, nous les avons toutes fermées il y a quelques années, elles sont très difficiles à construire et sans les améthystes, ça me semble presque impossible, répond un petit homme aux cheveux clairsemés d'un air dubitatif.

— Mettons des enchanteurs sur le coup. Il faut que nous le vérifions, hors de question que les humains puissent y avoir accès, ordonne la reine.

Je réprimande un frisson en entendant parler ainsi des humains. On dirait qu'elle ne veut pas d'eux, et par conséquent, de moi, dans son royaume. Que vont-ils me faire ? Me jeter en prison ? Me condamner à mort ? Me torturer pour avoir des informations que je n'ai pas ?

— Et pour Mona... commence Hélori.

— Mona va devoir rester dans notre cité, Velora, en attendant que nous retrouvions la colonne jumelle et que nous trouvions comment elle est arrivée ici, répond-t-elle en me regardant tout en ne m'adressant pas une fois la parole. Par contre, si ton comportement est suspect ou si on découvre un quelconque élément susceptible de t'incriminer, tu seras gardée prisonnière pour des raisons de sécurité. Tu comprends, mieux vaut être trop prudent, sourit-t-elle comme pourrait le faire une hyène face à sa proie.

Sa phrase sonne plus comme une menace que comme un conseil en toute bienveillance, surtout que c'est la seule fois où elle m'a adressé la parole directement. Mon cerveau doit me jouer des tours car les gens autour semblent satisfaits et trouver cela totalement logique comme réaction. Je hoche donc la tête doucement.

— D'accord, merci... merci beaucoup, je chuchote dans l'incapacité de le dire plus fort.

— Afin de l'intégrer le mieux possible, je vais demander à mon conseiller de lui faire visiter la cité, continue-t-elle comme si elle ne m'avait pas entendu lui répondre. Ne t'en fais pas, c'est un humain, il saura ce qu'il faut dire ou non pour intéresser votre race. Zohar, Hélori, allez chercher les enchanteurs et conduisez les dans votre chambre.

C'est tout ? Je n'ai pas plus d'explications, rien ? Je vois mes deux compagnons acquiescer. Tout leur semble normal. Bon, je pense que je peux m'assoir sur les conseils et les recommandations auxquelles je m'attendais. Zohar me lâche la main et quitte la pièce avec Hélori sans jeter le moindre regard dans ma direction. Ce mec est définitivement lunatique et rangé dans la liste des gens que je préfère éviter pour l'éternité, ou du moins mon court passage (je l'espère) dans cet univers. Hélori a tout juste le temps de me dire qu'il viendra me voir après, que Zohar lui empoigne le bras pour l'entraîner avec lui. Je me retrouve là, seule, sans savoir où aller. Il faut croire que partout où je suis, même dans une autre dimension, la solitude reste ma plus fidèle amie. 

L'éveil de l'améthysteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant