Chapitre 44

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Kingdom fall - Claire Wyndham, AG

Ça fait maintenant quatre jours que nous marchons à travers la montagne, guidés par Alev qui semble avoir conservé ses souvenirs du lieux. Il fait très froid en haut et nous tremblons tous de la tête au pied malgré la chaleur que peut nous apporter l'effort. Pour l'instant, je n'ai perçu aucune trace de la puissante magie qui nous a guidé jusqu'ici. Hormis la carte que j'ai réussi à décrypter, aucun indice ne nous a été donné. J'ai l'étrange sensation que nous tournons en rond. Hélori enlace mes épaules afin de me rassurer, il sait que je me mets énormément de pression, ce peuple pense que je suis leur seul espoir, on ne peut pas revenir les mains vides. Les autres n'ont pas l'air d'avoir remarqué mon malaise, sauf Clemencia mais cette femme voit tout.

— On va la trouver j'en suis sûr, chuchote-t-il pour ne pas éveiller les soupçons. Je sens ta tension à des kilomètres, il faut que tu te calmes sinon on risque de se faire repérer. Les lunes sombres ne sont peut-être pas des mentalistes mais elles ressentent la peur.

— Vous bloquez le passage, grogne Zohar.

— Excusez-nous d'avoir dérangé Monsieur.

Il me coule un regard noir. Nous n'avons pas vraiment discuté, depuis quelques jours, il est distant, je ne sais pas ce qu'il lui arrive.

— Zohar aussi est tendu, je le sens presque autant que toi, il a peur et il est en colère.

***

Nous continuons notre ascension encore deux jours de plus. Nous n'avons plus de vivre et l'eau est difficilement trouvable en montagne même si, heureusement pour nous, nous sommes arrivés à une telle altitude que de la neige commence à se former. Alev en fait fondre un peu dans nos outres afin que nous restions hydratés. Cette méthode me donne mal au ventre mais je préfère ça que de mourir de soif. Le sommet se rapproche et rien ne nous semble être un bon endroit où dissimuler une pierre surpuissante. Nous sommes à bout de force, nous marchons depuis des jours et n'avons pris quasiment aucune pause décente surtout pour moi qui ne suis pas habituée à ce genre d'excursion. Les nerfs sont à vif chez les membres de notre escouade, plus personne ne s'adresse vraiment la parole au risque de déclencher une dispute. Les lunes sombres, cependant, nous ont laissé en paix, ce qui est plutôt rassurant, nous avons peut-être finalement réussi à semer leur informateur. Je me tourne vers Clemencia qui fait grise mine, elle si calme de base a craqué hier et a hurlé sur Dolos car il n'arrêtait pas de lui marcher sur les talons.

***

Trois jours de marche plus tard, nous arrivons enfin au sommet. Chacun de mes amis finit par s'écrouler au sol, heureux d'avoir parcouru tout ce chemin. Alev se relève aussitôt, à la recherche de sa fameuse stèle.

— Je... Je ne comprends pas, elle, elle devrait être là.

— C'est vrai, c'est étrange, on nous a toujours dit qu'elle avait été érigée au sommet de cette montagne, constate Clemencia.

— C'est impossible, elle est forcément là.

Mon amie se met aussitôt à fouiller les environs dans l'espoir de trouver ce symbole qui lui importe tant.

Au bout d'une heure, il faut se rendre à l'évidence, jamais aucune stèle n'a été construite pour son peuple, ils sont morts et condamnés à l'oubli. La jeune femme aux longues tresses poussent un hurlement de rage et frappe du pied dans une pierre de taille moyenne, qui, personnellement, aurait achevé mon talon.

— On ne trouve rien depuis des jours ! On se fout de nous ! On nous a envoyé ici histoire de calmer le peuple, de les rassurer. Jamais les lunes sombres n'avaient osé attaquer Vélora, tout va mal. Ils essayent de sauver les pots cassés en cultivant l'espoir du peuple. Au même titre qu'ils nous font croire se souvenir de ceux qui sont morts pour leur guerre alors qu'ils s'en foutent ! Ils n'en ont rien à foutre !

— Ils nous ont sauvé la vie Alev, intervient Zohar.

— Ils nous ont sauvé la vie ? Nous parquer dans des hangars désaffectés seuls, sans aucun soutien, c'est ça que t'appelles nous sauver la vie !

— On serait mort s'ils n'avaient pas fait ça !

— Ils nous ont récupéré pour augmenter leur rang, pas par bonté d'âme ! On était de la chaire à canon pour protéger les enfants de la cité, leurs enfants, ceux qui étaient vraiment importants.

— C'est faux ! Les enfants de la cité aussi sont morts à la guerre, je ne reverrai plus jamais ma sœur, renchérit froidement Clemencia.

— On a tous dû combattre beaucoup trop jeune, je préfère penser qu'ils n'avaient pas d'autres choix, tente Hélori pour calmer le jeu.

Le ton monte, tout le monde s'éloigne du sujet de départ. Au bout d'un moment, l'ensemble du groupe se met à hurler et personne ne s'écoute. Je reste les bras ballants. Comment tout à pu partir aussi loin ? Sans savoir pourquoi, je sens la colère monter en moi également, mon coeur se teinte de noir et j'ai la sensation de tous les détester, j'ai envie de les voir mourir.

— Fermez-la ! Tous ! Taisez-vous !

Je plaque mes mains sur mes oreilles. Il faut que ça s'arrête. Lorsque je relève la tête vers eux quelques minutes plus tard, toujours aussi furieuse mais plus en mesure de me contenir, ils me fixent, le regard mauvais ou inquiet. Hélori s'avance vers moi.

— Mona ? Ça va ?

— Mona ! Mona ! Tu n'as que ce nom à la bouche ! Tu ne veux pas la fermer ? s'écrie Zohar. Et toi ? tonne-t-il en se tournant vers moi. Tu comptes m'ignorer longtemps ? Je n'en peux plus de me retourner le cerveau pour savoir ce que j'ai bien pu faire de mal, parle-moi putain ! Je ne suis pas un jouet !

— Tu te fous de ma gueule ? je hurle. Depuis qu'on est sorti de cette forêt tout ce qui sort de ta bouche n'est qu'acidité et amertume ! Tu n'as cherché à communiquer avec aucun d'entre nous, tu n'as fait que râler, grogner et être désagréable. Tu crois que j'ai envie de parler à un homme qui n'est pas capable de prendre sur lui ? On supporte ta mauvaise humeur depuis des jours ! Tu ne crois pas que nous aussi on est fatigué, que nous aussi on a faim, qu'on a envie de prendre une douche et de se coucher dans un lit douillet ? Bien sûr que si ! Mais tout tourne autour de ta petite personne ! Tes sentiments, tes envies, toi, toujours toi ! Je n'ai pas envie de parler à cet homme-là. Je veux parler à Zohar.

— Et bien c'est lui le vrai Zohar ! Celui qui grogne, qui est désagréable et qui ne supporte pas de te voir avec ce petit merdeux coller à tes basques ! J'ai bien compris que j'avais été remplacé !

— Non mais ça ne va pas ! s'étonne Hélori. Tu crois vraiment que j'essaye de séduire Mona ?

— C'est ça, essaye de me faire passer pour un fou, j'ai vu, j'ai tout vu. J'en ai plus qu'assez de ce groupe, plus qu'assez de cette expédition, des lunes sombres et des combats ! Il n'y a rien dans cette foutue montage. On est venu pour rien. Je rentre.

— Tu ne vas pas faire ça.

Ce n'est ni une supplique, ni une interrogation dans ma voix, c'est un ordre.

— Si, je vais le faire. De toute façon tu n'as plus besoin de moi.

Sur ces mots, il nous tourne le dos et se met à redescendre le flanc de la montagne. Personne ne le retient. Tout le monde se jette des regards noirs. Que se passe-t-il ? Chacun se tourne alors le dos et part s'asseoir dans une direction différente sans dire un mot, moi y compris. J'espère me réveiller demain et qu'ils aient tous disparu, leur sort ne m'importe plus. Je les déteste. 

L'éveil de l'améthysteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant