Chapitre 38

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Mona

Hurts Like Hell - Tommee Profitt, Fleurie

J'ai mal à la tête. Je suis allongée sur quelque chose de particulièrement dur. Je tâte avec mes mains et découvre que je suis sur un sol en pierre très poussiéreux. J'entrouvre légèrement les yeux de peur d'être aveuglée par la lumière mais tout ce que je vois, c'est de la pénombre.

Une fois que je me suis habituée à l'obscurité, j'arrive à distinguer des barreaux en face de moi. Mais où suis-je ? Je tente de me remémorer ce qu'il s'est passé, ma conversation avec Hélori, le mot de Zohar, je suis sortie de la tente et... Trou noir. Je recule un peu dans le fond de ma cellule et inspecte du regard le peu d'espace qu'on m'offre. Lorsque je tourne la tête sur mon côté gauche, je tombe nez à nez avec les restes d'un ancien prisonnier. Je fixe son crâne et le peu d'os qu'il lui reste avec horreur. Mon cœur loupe un battement et une sensation de froid se fait ressentir dans mes poumons. Si je ne me sentais déjà pas en sécurité, c'est encore pire maintenant. Il me faut un peu de temps pour digérer ce qui est en train de m'arriver. Je prends une grande respiration, ramène mes genoux sous mon menton et fond en larmes. J'avais déjà vécu trop d'émotions la nuit précédente ou cette nuit, je ne sais pas combien de temps je suis restée étalée sur ce satané sol, mais là s'en est trop. J'avais l'impression que la chance soufflait enfin de notre côté, j'allais rendre visite à Zohar, tout c'était arrangé avec Hélori, nous avions un toit et un lit pour dormir...

Je ne saurais dire si j'ai passé une heure, dix minutes ou toute la nuit à pleurer mais j'avais besoin de relâcher la pression. Maintenant que j'ai laissé mes émotions me submerger, j'ai l'esprit un peu plus clair. L'obscurité, elle, a décidé de rester. Je fouille ma cellule sans pour autant trouver quelque chose qui m'indique où je suis, ni comment sortir. Du bruit retentit dans le couloir, ce sont des pas lourds, on dirait que la personne qui marche porte une armure. Une lumière bleutée éclaire peu à peu l'endroit où je me trouve, la personne se rapproche. C'est avec désespoir que je découvre que l'individu qui s'avançait vers moi est Ciarán. Il porte effectivement une armure en métal fin, son œil blessé est caché par un morceau de cuir retenu par une lanière. Mon ennemi tient à la main une torche qui laisse briller au bout une flamme bleue. C'est un feu étrange, on dirait qu'on lui a retiré toute sa chaleur.

— Alors petite chose, on fait moins la maline ! s'esclaffe-t-il en observant les sillons laissés par mes larmes.

Sans retenue, je lui crache dessus avec rage. Chose stupide car je ne suis effectivement pas en position de repliquer. Sa main passe à travers les barreaux qui me retiennent prisonnière et attrape mon cou. Il me plaque violemment contre la grille et rapproche son visage. Je peux voir la haine et le dégoût qui brillent dans son iris.

— Tu te crois courageuse ? Tu penses qu'une vulgaire humaine comme toi peut se permettre un tel affront ? tonne la lune sombre.

Je ne peux rien faire, les barreaux m'entaillent la chair et j'ai l'impression que ma nuque va céder sous la pression de sa main. Je ne peux retenir des gémissements de douleur. Il lâche un rire glacial, sans réelle joie.

— Tu veux savoir à quel point tu ne vaux rien ?

Il force encore plus sur ma nuque pour que ma peau se fonde dans la ferraille. Ciarán approche son visage du mien et entrouvre la bouche. Son haleine putride me parvient, c'est insupportable, j'ai envie de vomir de dégoût mais aussi de douleur. Il s'avance vers moi et vient lécher ma joue blessée plaquée contre les barreaux. Au passage de sa langue, j'ai l'impression que ma peau fond, littéralement. Je pousse un hurlement de douleur. C'est comme si on venait de verser de l'acide dessus. La panique me gagne et si ce poison atteignait mon cerveau ou mon coeur... Je mourrais en quelques minutes.

— Ah ! Le voilà, le regard du petit animal apeuré ! Supplie-moi.

J'ai les larmes aux yeux, la souffrance est insupportable mais je ne le supplierais pas. Je suis enfermée dans un endroit hostile dans tous les cas j'ai peu de chances de survivre, alors autant mourir digne. J'entends la voix de Zohar me dire d'arrêter d'être spectatrice et de me battre mais il est trop tard pour ça. Le bras droit de Gundark me relâche et m'envoie comme une poupée de chiffon au fond de la cellule. Ma joue blessée frotte contre le sol et la douleur se fait plus intense encore. Je pousse un hurlement et remonte mes mains vers mon visage. Un liquide visqueux s'écoule de la plaie, du moins je crois que s'en est une, ça doit être de la lymphe. Des cloques se sont formées en réaction à la brûlure chimique et le contact avec la pierre les a endommagées.

— Petite chose aux oreilles rondes... Tu m'as pris mon œil.

À ces mots, il retire son cache-oeil et me laisse voir un amas de muqueuses et de chair. C'est répugnant.

— Oui, ce n'est pas beau à voir hein... Sache que ce que je viens de te faire, ce n'est que le quart de ce que je vais te faire vivre une fois que tu seras à moi.

Je frissonne face à ce regard mutilé. Je sais qu'il ne me laissera pas mourir sans m'avoir fait profondément souffrir.

— Je vais t'amener à Gundark dans quelques heures mais une fois que tu ne lui seras plus utile, c'est dans mon palais que tu iras.

Il explose de rire, comme à l'accoutumé aucune chaleur, ni aucune joie ne l'accompagne. Il s'en va, me laissant à nouveau seule dans la pénombre. Je tente de respirer mais la douleur et le poison qu'il m'a injecté m'en empêchent. Je suffoque, je tente de cracher le peu de salive qu'il me reste, j'ai l'impression qu'elle m'étouffe, sauf que ça ne change rien. Un unique filet d'air passe dans ma gorge et c'est à peine s'il arrive à atteindre mes poumons. Mon nez semble anesthésié, je ne sens plus rien. Ma vue se trouble à cause du manque d'oxygène, je ne peux plus rien faire, j'essaye de respirer une dernière fois mais tout se brouille et je m'évanouie.

L'éveil de l'améthysteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant