« Une partie de ce qui nous attire chez les artistes est leur qualité, leur refus du conformisme, leur majeur brandi au visage de la société. »
Jess KellermanCela faisait des mois qu'Emma avait sa place pour La Maroquinerie. Elle trépignait d'impatience pour sa deuxième date. Elle savait que beaucoup de ses acolytes d'anciennes tournées seraient présents et avait hâte de les retrouver. Ce matin-là, elle s'était levée tôt, avait pris son train et était arrivée à Paris sur les coups de 11 heures. Elle ne connaissait pas vraiment Paris. Bien sûr, elle y était déjà allée plus d'une fois, mais elle avait toujours du mal à s'orienter. Foutus provinciaux. Heureusement, elle était dotée d'un sens de l'orientation exceptionnel. Ajoutez à cela un chouette bidule nommé Google Maps et vous êtes en mesure de conquérir n'importe quel continent.
Quelques arrêts de métros et quelques longues minutes de marche plus tard, la voilà arrivée devant la salle. Première arrivée, sinon ce n'est pas drôle. Elle se demandait toujours pourquoi elle arrivait aussi tôt. Elle savait pourtant pertinemment qu'il n'y avait jamais personne, que les gens n'étaient pas assez fous pour attendre une journée entière devant une salle. Malgré tout, l'attente faisait pour elle partie intégrante de l'expérience d'un concert. Elle s'assit contre le bâtiment et attendit sagement ses amis. Ils ne devaient plus tarder. Eux, au moins, étaient aussi fous qu'elle. Ils parlèrent, chantèrent et firent des scoubidous pendant des heures. Ambiance de colonie de vacances, on fait ce qu'on peut pour combler l'ennui. Gringe arriva devant la salle dans l'après-midi et, faisant mine de taper le carreau de sa montre imaginaire, dit d'un ton amusé :« Encore 3 heures ! Si vous avez besoin de bouffe, je peux vous en jeter par la fenêtre. »
Emma et ses amies rièrent et, quand leur estomac commençait à crier famine, ils allèrent épier les commerces aux alentours, en quête de nourriture. Ils optèrent pour un vieux kebab qui ressemblait étrangement à un tacos et furent aussitôt déçus de leur achat. Les frites manquaient de sel. Une seule solution à cela, demander du sel à Gringe. Après tout, n'avait-il pas dit qu'ils pouvaient lui demander de la bouffe, qu'il balancerait par la fenêtre ? Ils n'eurent jamais de réponse. Gringe, tu leur dois du sel.
En rentrant dans la salle, la première chose qui attira l'attention d'Emma fut un stand de t-shirt, non loin de la scène.« Le merch ! »
Elle se rappela alors des quelques mots échangés avec Gringe, à Sannois, deux semaines auparavant :
« Gringe ? Il est où le merch ?
— Y a pas de merch. Je vais pas vous faire raquer pour des t-shirts dégueulasses.
— Mais on est des pigeons, tu sais très bien qu'un simple t-shirt avec marqué "Gringe" dessus on l'achètera. »Ce dernier avait eu l'audace de la remercier pour cette phrase. Bref, comme quoi, forcer ça sert toujours à quelque chose. Elle prit place au premier rang, sa place habituelle. Elle irait chercher son t-shirt plus tard. Il n'y a rien de plus sacré qu'une barrière. Barrière ou pas d'ailleurs, la scène lui arrivait au milieu des tibias.
« C'est pas un peu casse-gueule leur affaire ? »
Le concert se déroula parfaitement, à quelques chutes près. La Caennaise avait vu juste : complètement casse-gueule comme affaire. Lorsque les premières notes d'On danse pas se lancèrent, elle savait que ça allait être compliqué. Ça pousse derrière, tu perds l'équilibre, tu manges le genou de Gringe dans la gueule. Emma était donc à présent à moitié allongée sur la scène, encore sonnée du coup de genou. En se relevant, la jeune femme croisa le regard de l'artiste. La mine inquiète, ce dernier leva son pouce comme pour lui demander si tout allait bien. La Caennaise répondit à son geste et elle ne tarda pas à rentrer de nouveau dans l'ambiance du show.
Le concert se termina. Emma resta aux barrières quelques instants avec ses acolytes. Il leur fallait attendre que la foule derrière eux sorte pour pouvoir avancer. Dès la sortie de scène, la meute de fans enragés avait pris pour cible le pauvre Guigui la girafe. Il était à présent pris au piège dans ce qui formait une véritable muraille vivante. Emma partit donc au merch acheter son t-shirt avant de sortir dehors, attendant que cela se calme.
Sur le chemin, elle croisa Ablaye. Elle sortit une baleine en peluche de son sac. Cette baleine avait une histoire. La Caennaise l'avait emmenée sur toutes les dates d'Orelsan l'an passé et l'artiste l'avait même prise avec lui sur scène. Et devinez quoi ? Ce soir, la baleine en peluche avait été embarquée ce coup-ci par Gringe en personne. Le rappeur avait dit dans le micro que c'était mignon d'emmener son doudou en concert. Emma demanda à Ablaye :« Ça te dit quelque chose, cette peluche ?
— Bien sûr ! Orel l'a prise sur scène, je me rappelle.
— Et Gringe l'a fait aussi ce soir !
— Ouais j'ai vu ! C'est ouf, je me demande comment tu fais pour la récupérer à chaque fois. »La discussion terminée, Emma alla chercher un verre au bar de la salle puis s'assit sur le trottoir, entourée de ses acolytes. Emma retraça le déroulé du concert. Encore une fois, cela avait été magique. Elle voulait revivre ça, encore et encore. Elle réfléchissait à haute voix :
« Je vais me rajouter des dates, je crois...
Un ami lui répondit :
— Mais tu le revois à Caen non ?
— Ouais, dans 3 jours.
— Bah voilà, pourquoi tu te rajouterais des dates ? »Pas le temps de répondre que d'autres de ses amis vinrent la voir.
« Emma, je crois que Gringe va partir, on ferait mieux d'aller le voir maintenant. »
La jeune femme se leva et rejoignit la petite bande au bar de la salle. Elle rendit son verre et s'avança vers Gringe. La Caennaise avait fait imprimer une photo qu'elle avait prise à Sannois. C'était une photo de l'artiste sur scène, qu'elle trouvait plutôt jolie. C'était son tour lorsque l'artiste la regarda.
« Je te connais, toi. »
Emma ne releva pas vraiment sa phrase. Pour elle, c'était impossible qu'il se souvienne d'elle. Il avait dû l'apercevoir au premier rang, ou quelque chose comme ça. Elle lui tendit la photo et un marqueur.
« Chanmé la photo, c'est toi qui l'a prise ?
— Ouais, je l'ai prise à Sannois.
— Tu t'appelles comment ?
— Emma.
— Merci Emma. »Gringe lui rendit son marqueur, mais sans le bouchon. C'est ainsi que la jeune femme tâcha à tout jamais la poche de son manteau en remettant le feutre sans capuchon dans celle-ci. Sortie de la salle, elle s'empressa de commander un Uber. Ce dernier allait la déposer tout droit chez sa tante, Valérie, qui avait accepté que sa nièce dorme chez elle. Valérie lui avait précisé qu'elle l'attendrait, quelle que soit l'heure à laquelle la Caennaise rentrerait, et qu'elle n'aurait qu'à lui envoyer un SMS avant de venir. Si sa tante venait à s'assoupir, elle se réveillerait quand Emma arrivera, pour l'accueillir. S'entourer de bonnes personnes est la clef pour accomplir n'importe quel rêve. La jeune femme rentra donc dans le Uber et envoya le message à Valérie. Cette dernière lui répondit aussitôt :
💬 « Je suis au RDC, c'est la loge où il y a écrit "Gardien". Je laisse une petite lumière. »
Quand Emma arriva, sa tante était en train de travailler, dans le hall de l'immeuble. Elle lui dit de rentrer dans l'appartement et qu'elle lui avait préparé un lit d'appoint. La jeune femme s'exécuta après l'avoir remerciée chaleureusement. Elle s'allongea et ne tarda pas à trouver le sommeil, épuisée par cette journée.
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ENFANT NUL
Non-FictionEn 2019, Anaëlle, Noëmie et Emma ont parcouru la France pour la tournée Enfant Lune de Gringe. Leur rencontre inopinée, un jour de festival, va marquer un tournant dans leur histoire. Leur passion commune les amènera à traverser toutes sortes d'émot...