Encore un jour se passa sans qu'il ne fût différent des autres. Les jours venaient et passaient. Les jours venaient et mourraient rapidement. Ils se ressemblaient tous, ces jours. Toujours la même dose de souffrance quotidienne, les mêmes nuits effrayantes, le même froid et le même grondement des mêmes zombies rassemblés par millions. Comme si les zombies étaient encore dotés de conscience et s'étaient décidé de se réunir pour augmenter la puissance de leur hurlement. Puisque les jours se ressemblaient, il était difficile pour ses trois survivants de déterminer la date du jour ou de se souvenir quand était-ce cinq jours avant. Les jours se ressemblaient, ils étaient à l'image du ciel : gris comme les nuages. Une telle qualité de vie qui fracassait le moral humain rendait difficile d'accomplir des activités occupant l'esprit. Sans occupation, comme disait Jonathan, on se condamnait à se confondre avec le temps, à devenir gris, à ne plus éprouver la plus petite saveur de bonheur. On faisait partie, comme les zombies, du décor, à ne plus être qu'un élément constituant cette ville désolante.
Jonathan savait comment vivre avec cette gêne quotidienne. Il savait qu'en demeurant actif, on ne voyait pas le temps passer, ou plutôt le temps passait sans faire de victime, car l'esprit était occupé à faire quelque chose. C'était une manière de s'accrocher à la vie, car c'était cela, après tout, la vie, faire quelque chose. Seuls les morts ne font rien. Parmi les activités prisées par Jonathan, figurait l'exploration des étages en dessous de leur abri sur le toit. Il savait que c'était une valeur sûre, car c'est dans la nature de l'Homme de faire un pas en avant pour découvrir de plus près ce qu'il voit de loin.
Jonathan explora un étage de bureau. La lumière de sa torche mit d'abord au jour des particules de poussières en suspension, donnant l'impression d'une brume dans l'air. Ce qu'il vit à la lueur de sa torche lui donna raison de rester vigilant et de marcher prudemment un lent pas après l'autre. Tout était encombré. Les grosses tours d'ordinateur étaient empilées les unes sur les autres pour former un plus grand obstacle. Les plus gros objets, les meubles, et même les plantes qui avaient curieusement continué de pousser, avaient été entassés contre les issues. Il n'y avait aucune lumière hormis celle de Jonathan, pas même une diode de sécurité. C'était comme si la ville, du moins le gratte-ciel, avait été déconnecté de la civilisation et laissé à l'abandon à l'état sauvage. Le seul bruit que Jonathan percevait venait de lui-même. Ses rangers faisaient un bruit de pulsation très mince même quand il marchait doucement pour étouffer les bruits de ses pas. Et sa respiration était distincte, car il était constamment en état d'alerte. Ce n'était pas une respiration rapide, quoique son cœur fût agité, mais une respiration à grande et longue bouffée d'air. Jonathan avait besoin de respirer la plus grande quantité d'air possible pour maintenir cet état de vigilance et de concentration afin d'avancer prudemment. Sait-on jamais ce qu'il pouvait arriver derrière une porte ou au-dessus d'une armoire.
Jonathan trouva étrange la situation dans laquelle il se trouvait. Il devait gaspiller l'électricité de sa torche en plein jour. Les fenêtres étaient étrangement barricadées. Jonathan se demanda ce qui a pu inquiéter les malheureux qui avaient placé ces barricades aux fenêtres d'une tour de plusieurs centaines de pieds de hauteur. Jonathan sut où regarder.
« JONATHAN !!! ». Le cœur de Jonathan frôla cruellement la crise cardiaque. Tout son corps sursauta et ses doigts s'écartèrent, manquant de lâcher la torche qui aurait pu se briser sur le sol. Une sensation de chaleur enveloppa le corps de Jonathan et un frisson apparut le long de sa colonne vertébrale.
- Oui, cheffe, répondit aussitôt Jonathan à sa radio portable.
La voix hystérique de Miranda retentit depuis la radio à travers tout l'étage, menaçant la sécurité de Jonathan qui se replia rapidement vers un endroit plus sûr. Il retourna en arrière d'où il venait et s'arrêta devant un bureau sur lequel se trouvait un poste radio à antenne vintage qu'il éclaira pour le regarder attentivement.
« Je t'ai vu descendre dans les étages d'en bas. Qu'est-ce que tu fais bordel ? J'espère pour toi que t'as une bonne excuse pour descendre, parce que sinon je te ferai sauter à ton retour, t'as compris ? ».
- J'ai... J'ai terminé toutes les tâches de la journée.
« Et les trois seaux de chiotte ? C'est ton jour de les vider ».
- Je les ai vidés, cheffe.
Jonathan baissa le volume de sa radio. Miranda ne cria que pour lui.
« La bâche de condensation, tu l'as bien placée ? ».
- Je l'ai arrangé même s'il n'y a pas d'eau. Et j'ai replacé les seaux d'eau de pluie poussés par le vent.
« T'as préparé le repas ? ».
- Tout a été fait, cheffe. Je me suis occupé de tout, alors je me suis dégagé un peu de temps devant moi pour explorer les étages inférieurs et trouver des objets utiles.
« Ne souffle pas à travers le téléphone, comme si j'étais un casse-pied. Je t'emmerde si je veux, quand je veux, même si t'es en train de faire ta crotte. Alors ne me manque pas de respect ».
- Pardon, cheffe, je ne vous manquerai plus de respect, dit sincèrement Jonathan en focalisant toute son attention sur sa radio portable et délaissant un instant la radio analogique qu'il avait découverte.
« J'en ai vraiment marre de tes escapades ! On dirait que tu fais exprès d'effectuer rapidement toutes tes tâches pour tes loisirs ».
- Je ne fais pas...
« Tais-toi ! Tu oses m'interrompre alors que je te sermonne ? Tu vas voir que demain les étages inférieurs seront définitivement condamnés. Richard et toi vous êtes irresponsables de gaspiller votre temps à des futilités ».
Le cœur de Jonathan rebattit plus vite. Il s'agita et parla à sa radio comme si Miranda se trouvait devant lui. Il parla précipitamment, comme une voiture dépassant une autre et maintenant sa vitesse pour ne pas se faire doubler. Comme s'il voulait parler plus vite que Miranda pour neutraliser déjà son opposition prévisible.
- Oui, mais je suis descendu pour trouver des objets utiles. D'ailleurs j'ai découvert une radio...
Mais la voix de Miranda était beaucoup plus violente que ce que Jonathan était capable.
« Pose-moi cette putain de radio tout de suite ! On n'en a pas besoin, ça gaspillera le peu d'énergie qu'on a. Monte immédiatement sans rien dans tes mains. Tu vas être fouillé et gare à toi si tu ramènes un objet avec toi. Miranda, terminé ».
Le bras de Jonathan tomba, comme si son talkie était devenu subitement trop lourd. Le désespoir défigura son visage, caché dans la pénombre de sa torche qui éclairait toujours cette radio portable pleine d'espoir
Mais en fixant cet appareil, Jonathan fronça les sourcils et une figure d'hostilité se dessina sur les traits de son visage. Il fit « non » de la tête, refusant quelque chose qui venait injustement de s'abattre sur lui. Il regarda longtemps cette radio, plus grosse que la radio portable qui n'avait pour seuls destinataires Richard et Miranda. Mais cette radio, cette vieille radio à antenne, cette radio captivante et fortement désirable, pouvait-elle permettre de décupler le nombre de personnes avec qui Jonathan pouvait communiquer ?
Jonathan saisit la radio dans un mouvement vif et la mit en sécurité dans un sac troué. Il garda l'ensemble en sécurité sous le bras puis partit aussitôt, lampe en avant en direction du chemin qui ne fut pas celui d'où il venait. Il marcha plus rapidement, bravant le danger que le bruit qu'il générait pouvait attirer sur lui, si jamais un zombie ou quelqu'un d'autre l'attaquait.
Parmi les ordinateurs de bureau, les distributeurs de nourritures vides et les meubles, il découvrit une lunette astronomique. Il fit un énorme vacarme en retirant l'instrument du tas d'objets. Tout s'écroula pour seulement une simple petite lunette astronomique. Jonathan s'attendit à ce que cela attira les zombies, mais le silence profond persista. Il considéra sa lunette astronomique avant de la déposer à l'écart avec son sac contenant sa radio à antenne. L'abandon de ces affaires ne désola pas Jonathan. Au contraire, cela lui procura une grande joie et un large sourire découvrant ses dents jaunes domina son visage aussi lumineux que sa torche.
« Je vous mets de côté et reviendrai vous chercher quand Miranda sera endormie. À tout à l'heure ».
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Manhattan Zero
Science FictionDans un New York envahi par les zombies, Jonathan Miles, un jeune soldat de 15 ans, se bat pour sa survie avec son compagnon d'armes Richard et leur cheffe, Miranda. Abandonnés par l'armée et encerclés par les morts-vivants, leur seul espoir réside...