Manhattan Zero

Chapitre 25

Richard observa la scène discrètement sur son rétroviseur intérieur comme un espion. Jonathan pivota la tête vers les deux scientifiques comme un indiscret. Et Miranda attendit sa réponse avec détermination sans bouger comme si sa vie était suspendue à la révélation d'un grand secret.

Un silence tortura les deux scientifiques. Leurs regards se croisèrent brièvement, échangeant une connivence pleine de non-dits. Un sourire maladroit se forma sur leurs visages, un sourire partagé entre complicité et gêne, alors qu'ils étaient tous deux incapables de révéler le secret qui pesait sur leurs épaules. Miranda, ignorant tout de ce qui se cachait derrière ces regards énigmatiques, pressa davantage pour obtenir la vérité, mais la gêne palpable rendit les réponses encore plus difficiles à articuler.

- Nous... nous... nous sommes sous le secret d'État..., répondit Terry à mi-voix.

Richard souffla très fort et sans gêne.

- Vous vous foutez de ma gueule ?! s'écria Miranda en colère avec des gestes agités. Je peux pas croire ça !! Ce pays nous a abandonnés !! L'armée n'a pas tenu sa promesse de sauver ma famille parce qu'elle a préféré sauver d'autres personnes qu'elle a jugée plus important que ma seule famille !! Alors écoutez-moi bien, il n'y a plus d'État !! Il n'y a pas de secret d'État qui tienne !! Ne soyez pas étonné de ma colère, c'est à cause de l'armée que vous êtes resté piégé dans New-York pendant tout ce temps !!

- Très bien, nous allons tout vous dire ! À croire que c'est de notre faute. Stanislas, dis-leur ce qu'ils t'ont dit.

- On nous a expliqué que nous allons être escortés en un lieu sécurisé et protégé de l'épidémie, dit Stanislas calmement. Un lieu blindé comme ce char pour éviter toute contamination. Un lieu destiné à reconstruire le monde en tenant compte de nos erreurs passées. Un reboot de notre civilisation. C'est le point M-0. Il s'agit d'une ville souterraine de la taille de Manhattan où vivent le gouvernement des États-Unis et les survivants de l'Amérique du Nord. Ils vivent tous là-bas à huit-clos en quarantaine et sous la loi martiale. On nous a expliqué que nous devions obéir sans discuter et faire ce qu'on allait nous demander.

- Je leur ai demandé si la loi martiale était totale. Ils nous ont expliqué que les libertés individuelles ont été privées.

- Privées vous dites ? dit Miranda stupéfaite. Pourquoi ?

- Pour précipiter le salut de l'Humanité, répondit Stanislas avec révulsion. C'est comme une automobile. On retire toutes les pièces qui l'empêchent d'atteindre sa vitesse maximale au détriment de la sécurité. Au détriment des droits et des libertés, dans notre cas.

- C'est là-bas que vous y allez... Et pourtant vous ne semblez pas d'accord avec ces pratiques.

- Pas d'accord, mais pas le choix, soupira Terry d'une voix grave.

- Nous ne sommes que deux scientifiques, argumenta Stanislas avec plainte. Nous travaillons pour donner une réponse à l'épidémie. Nous avons un but. Et comme la voiture qui veut aller vite, nous sommes obligés de perdre certaines de nos libertés pour que notre remède puisse sauver le plus grand monde.

- D'où vient cette épidémie ? demanda Miranda curieuse et d'une voix presque intimidante comme si elle sommait les deux savants de lui révéler pourquoi sa famille avait disparu.

- Nous n'avons pas encore de conclusion précise, répondit Terry provoquant un soupir de Miranda. Ce que nous savons pour le moment est que les premiers malades se sont manifestés en deux endroits à la fois : d'abord au nord-est de la Chine puis au sud-ouest des États-Unis.

- Nous pourrions en débattre des heures, soupira Stanislas de lassitude. C'est le plus grand mystère de cette épidémie : comment elle est apparue en deux endroits à la fois ? Que s'est-il vraiment passé ? Tout ce que nous savons pour le moment est que l'infection produit un changement du comportement humain.