Chapitre 19

1 1 0
                                    

La terreur pénétra dans les yeux de Richard. Des sanglots sortirent régulièrement de sa bouche et ses mouvements s'agitèrent comme des spasmes. Il abandonna le flanc gauche et se mit à courir en direction du char. Richard sua tellement qu'il eut la sensation de se transformer en sa propre douche. Il courut sur les cadavres, trébucha et tira par réflexe avec maladresse pour ralentir la horde de zombies qui le poursuivit.

Jonathan sentit ses doigts se tendre à l'extrême contre sa volonté quand il vit Richard ralenti par les corps à terre. Un nouveau cri sorti de la bouche de Jonathan, cette fois volontairement. Le jeune soldat appuya sur un bouton à côté de l'écoutille et une immense tourelle armée d'une longue mitrailleuse apparut comme une plante sortie de terre. Et un bruit de tonnerre, plus grand que les bruits de la terre, surgit des canons de cette arme. Un mur de balles invisibles immobilisa efficacement la horde de zombies du flanc gauche. C'était comme si tous les zombies qui franchissaient cette limite se faisaient tailler instantanément en pièces. Jonathan arrosa le côté gauche de leur position, passant et revenant en long et en large pour freiner avec autorité l'invasion ennemie. Une rage débridée saisit Jonathan qui hurla au point que la voix douce des nuits passées devint la voix de la violence.

Richard atteignit l'arrière du char. Il s'appuya le dos contre le bolide pour reprendre son souffle. Mais la chaleur encore persistante du métal le fit aussitôt reprendre le combat.

- Couvre-nous pendant que je ramène la cheffe ! ordonna-t-il à Jonathan.

Il s'élança de nouveau au front en direction de Miranda qui faisait un carnage. Le flanc droit était à ses yeux un autre monde. C'était comme une partie de l'Enfer. Le sol de New-York lui parut fait de cadavres. L'air lui parut devenir visible et teinté de noir. Avec une lourdeur perceptible entre ses doigts, comme si les hurlements de Miranda et des innombrables zombies faisaient vibrer l'air respirable. Tout était brûlé sur le flanc droit de ce champ de bataille. Certaines parties de ce monde étaient un sol de bouillie charnue. Le carnage était un peu plus extrême que les cadavres du flanc gauche. Richard avança dans cette horreur stressante. Il lui était un peu plus facile de marcher sur ces cadavres, car ils avaient été réduits ici en plus petite pièce par Miranda. Mais les ossements pointus des côtes et la rondeur des crânes l'empêchaient de courir vite. C'était comme si les zombies, même « morts » continuaient de nuire à Richard.

Il avança vite en divaguant et levant les bras pour ne surtout pas tomber. Pour ne pas entrer en contact avec cette chair humaine putréfiée. Et pour ne pas perdre de temps avec Miranda. Il aperçut Miranda au loin entourée de lumière devant une ligne de zombies qui tombaient les uns après les autres. De là venaient les bruits de la guerre de ce flanc droit. Alors que loin derrière Miranda, là où se trouvait Richard, tout était calme. Richard eut l'impression de marcher vite dans un monde qui ne devrait pas exister, car ce monde de la guerre devait être assourdissant. Très vite, Richard se rappela que la Mort était une entité silencieuse et calme, alors que la Vie était bruyante. Il serra ses poings et accéléra, de peur de se faire prendre par la Mort. Il eut ici la sensation de circuler au milieu de la Mort elle-même. Comme si la Mort était un être invisible, mais bel et bien là agenouillée au milieu d'un cadavre pour s'emparer de son âme. C'était comme avoir la sensation de circuler dans un cimetière de jour comme de nuit.

En voyant Miranda se battre vigoureusement seule face à une armée, Richard eut l'impression que Miranda menait un combat personnel contre la Vie. Il voyait comme un duel, un règlement de compte. C'était comme s'il voyait Miranda affronter en face-à-face la Vie, cette salope qui lui avait mené la vie dure depuis deux ans. Richard avança avec une fermeté dans son regard. Il serra sa main droite contre son fusil, son doigt engagé juste devant la détente. Il décida de courir. Bravant le risque de tomber au milieu des cadavres. Sa respiration, bouche fermement fermée, s'accéléra. Et il grogna comme Miranda en regardant cette fois les zombies.

Manhattan ZeroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant