Chapitre 21

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- Fais-nous sortir d'ici, ordonna Miranda à Richard derrière son siège.

- Charge le canon ! lança Richard à Jonathan qui répondit « ok » en manipulant son clavier.

- À quoi tu joues, le temps presse ! J'ai déjà perdu du temps à cause de moi...

- Désolé de vous interrompre, cheffe, mais c'est uniquement de la faute des zombies.

- Canon chargé ! cria Jonathan.

- Tu crois que j'ai besoin d'entendre ça ? s'écria Miranda en tapant la tête de Richard. Sortons d'ici, c'est ordre !

- On partira plus facilement une fois un chemin tout tracé devant nous, lui répondit Richard en appuyant brusquement sur une touche rouge sur le tableau de bord.

On entendit un grand « boum » suivi d'une vibration qui fit légèrement trembler l'intérieur du char. Un obus défonça tout sur son passage et ouvrit une voie sanglante au milieu des zombies, comme une Mer Rouge séparée en deux aux temps bibliques. Le char s'avança dans cette voie cadavérique et quitta les lieux en écrasant tout sur son passage aussi facilement qu'une chips écrasée par la roue d'un camion lourd.

Mais très vite, la masse de zombie se reforma au loin, remplaçant les cadavres écrasés et devenant eux-mêmes des cadavres. La masse parvint à ralentir le char, en formant de nouveaux monticules de chair. L'équipe de rescapé sentit par gravité que le char se penchait sur un côté. Ils prirent conscience de la quantité irréaliste de zombie et pour la première fois au cours de cette bataille ils doutèrent de pouvoir sortir vivant de cet enfer. Malgré la sécurité qu'offrait le char, les zombies demeuraient des adversaires redoutables et puissants.

Miranda aperçut la digue continue de cadavre qu'ils avaient précédemment formé en pulvérisant les zombies. Elle grogna et serra ses dents et ses poings ce qui fit sursauter Richard assit devant elle.

- Jonathan, dis-moi qu'on peut utiliser les armes automatiques ? s'écria-t-elle irritée.

- Négatif ! répondit Jonathan tandis que Miranda cria une injure à proximité des oreilles de Richard qui en fut dérangé. J'ai dépensé de l'énergie pour animer l'escalator et mettre plus rapidement le dernier sac.

- Je vous avais dit, cheffe, que c'était trop tôt ! lança précipitamment Richard en s'efforçant de tenir son guidon le plus horizontal possible. On devait attendre au moins 45 % de batterie !

- Mets plutôt le cap sur les deux scientifiques au lieu de te plaindre comme une gamine !

Le char accéléra et aspira sous ses roues d'autres cadavres. Les os des zombies éclatèrent sous la pression du gros bolide et formèrent une surface adhérente empêchant les roues sanglantes de s'engluer sur une surface glissante faite de boyaux, de muscles et de sang. La quantité d'ossements écrasés créa un bruit suffisamment audible à l'intérieur du char et mit mal à l'aise les trois survivants. C'était comme entendre le bruit de grains de maïs devenir du pop-corn. Le char avança et se balançant plus ou moins horizontalement à la manière d'un navire oscillant sur une mer déchaînée, car les corps des zombies écrasés formaient des tas plus ou moins importants.

- Charge un obus ! cria Miranda à Jonathan. Tire à volonté sur ce mur de zombie !

Jonathan toucha sur son écran le canon du char et ajouta un obus en appuyant sur le symbole « + ». Son interface ressemblait à une boutique en ligne où il pouvait choisir la quantité de son panier en appuyant sur « + » ou sur « - ». Puis il valide et son écran lui désigna une cible au centre de l'image provenant de la caméra avant du char. En ligne de mire se trouvait la masse de zombie du front avant gravir la chaîne de monticule de cadavres. Il valida et un nouveau grondement suivi d'une secousse retentit. L'obus pulvérisa le mur de cadavre et projeta des morceaux de zombies dans les airs. Une ouverture fut transpercée comme une plaie béante.

Richard poussa en avant une manivelle numérique sur son tableau de bord et on ressentit l'accélération les projeter en arrière au fond de leur siège. Miranda s'agrippa à deux mains sur les barres de maintien au-dessus de Richard. Il n'y eut plus aucune excitation. Seulement l'espoir de partir le plus vite possible de ce champ de bataille éprouvant et d'espérer laisser derrière leur le pire moment de leur évasion.

L'ouverture demeura encore béante pendant un long moment. Richard accéléra. Miranda et Jonathan retinrent leur souffle, cessant de respirer tant qu'ils n'avaient pas eu la certitude de s'être délivrée de cette épreuve. Le char s'agita au-dessus des masses de zombies. Personne ne regardait derrière le char qui parvenait à distancer les zombies sur un champ de ruines de béton, de métal et de sang. Tous n'avaient d'yeux que pour cette ouverture encore large sur leur passage. Miranda ouvrit grand les yeux, elle craignait que les zombies qui venaient encore se faire écraser sous le char ne comblent cette sortie. Jonathan serra très fort ses deux mains, faillant s'entailler les paumes avec les ongles. Le char s'agita encore, comme une attraction à sensation. Richard accéléra jusqu'à la vitesse maximum. Un cri de détresse sortit de sa bouche et augmenta en même temps que le moteur grondait de plus en plus fort.

- Accrochez-vous ! lança Miranda qui s'attacha la taille avec des ceintures venant de tous les côtés.

Richard s'enfonça dans son siège. Jonathan encercla son corps avec sa ceinture et s'agrippa aux poignées au-dessus de lui.

L'ouverture dans le mur de chair était encore étendue lorsque le char s'y engouffra et tomba juste après dans le vide. La chute était vertigineuse et fit prendre conscience à Miranda, Jonathan et Richard de la réalité de l'horreur. Le sol sur lequel se trouvait leur char devant leur gratte-ciel était caché sous plus de cinq mètres de cadavres ! Et ce qu'ils pensaient être un mur de zombie était en réalité la concentration des corps zombifiés qu'ils avaient repoussés durant leur contre-attaque et qui s'était accumulé à cet endroit. Le char bascula en avant et l'atterrissage secoua brutalement les trois passagers. Leurs ceintures les empêchèrent de se fracasser le visage. Le blindage à l'avant du char éroda le sol de la ville, effaçant la peinture des signalisations. Les roues énormes rebondirent et absorbèrent la violence du choc, empêchant le char de se renverser en avant.

Richard braqua son guidon vers la droite de toutes ses forces, penchant même son corps comme pour donner de l'élan. Le char tourna vers la droite le long de la rue et évita la collision avec le bâtiment d'en face fumant de ses entrailles. Les zombies dévalèrent de la pente formée par leur propre cadavre et engagèrent une vaine poursuite du char. L'engin de puissance fila à toute allure vers son nouvel objectif en laissant derrière lui une trace de chair et de sang si large qu'on aurait dit la nouvelle peinture de signalisation des routes de la ville.

À l'intérieur du char on éclata de joie en même temps que l'on pleura. C'était le début de la délivrance. Le char s'avança avec autorité, défonçant voitures et zombies esseulés et petites meutes. Il devint une puissance dominante que rien ne pouvait plus stopper. Et qui permis à Jonathan, Richard et Miranda de respirer pour la première fois de leur vie en toute quiétude.

Jonathan soupira entre ses deux mains. Il sentit son estomac s'agiter, comme s'il allait vomir. Ses bras tremblèrent. Des sanglots sortirent de sa bouche agitée. Miranda et Richard l'entendirent pleurer un court instant. Richard ne dit rien, son regard devint subitement froid et ferme à la fois, comme s'il s'imposait la loi de ne pas pleurer. Il se concentra sur sa mission et avança. La situation lui parut redevenir normale, c'était lui le nouveau maître des rues et non les zombies, c'était lui qui contrôlait la puissance de son char. Quant à Miranda, elle tapa doucement sur l'épaule de Richard, le massant presque volontiers et écouta Jonathan pleurer quelques instants. Elle se permit d'accorder au plus jeune d'entre eux un court répit bien mérité. C'était grâce à Jonathan qu'ils venaient de s'évader de leur prison. C'était grâce à lui que Miranda retrouva la force. Grâce à Jonathan que Richard retrouva une raison de vivre.


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