Le soir même de ce jour historique était devenu le dernier soir dans cette ville infernale. Cette nuit était en train de devenir la dernière torture nocturne. Les trois survivants étaient en train de compter leurs heures, ou plutôt de deviner l'heure, puisqu'ils n'avaient plus aucun appareil indiquant l'heure précise. Ce soir, il y eut un phénomène étrange que ni Jonathan, ni Richard ni Miranda ne pouvaient expliquer. C'était un soir silencieux. Même si les rugissements étaient encore présents, comme pour rappeler la réalité implacable, les trois soldats avaient l'impression d'être tranquilles. Comme si tout s'était soudainement réduit au silence et que la terrible migraine bruyante avait disparue. Pourtant, cette dernière nuit était comme les précédentes : froide, bruyante, humide et angoissante. Jonathan préparait tranquillement le repas, cuisinant comme s'il était dans une cuisine équipée avec plein d'épices et de bons ingrédients à portée de main, le plaisir de cuisiner. Richard, pendant ce temps, s'était accordé un moment d'oisiveté où il ne faisait rien. Il restait allongé sur le dos et la tête face à face avec la voûte céleste. Il était en train de regarder les étoiles entre les espaces que laissaient les nuages à la dérive. Son regard s'était pendant un très long moment illuminé par une lueur d'espoir longtemps oublié. Les étoiles, scintillant au-dessus d'eux, semblaient briller plus intensément ce soir, comme si elles partageaient leur joie retrouvée. Miranda regardait l'horizon depuis un rebord, mais restant cette fois un pas en dessous les deux pieds hors du danger du vide. L'horizon était une ligne confondue avec l'obscurité de la nuit où l'on ne pouvait rien voir sous un ciel nuageux. Un léger sourire étirant ses lèvres, comme si elle pouvait déjà sentir la promesse de demain dans l'air nocturne. Son regard, autrefois empreint de désespoir, reflétait désormais une confiance renouvelée. La hideuse Miranda Carter était, ce soir, plus belle que la Vie qui avait échoué à la tuer. La promesse d'un nouveau départ lui procura un frisson d'excitation. La nuit qui s'étendait devant les sinistrés était emplie de promesses, de rêves renaissants, et d'une tranquillité bienvenue. Enfin, après deux ans de souffrance, ils pouvaient envisager l'aube avec une foi renouvelée en un avenir meilleur.
- Ça y est c'est prêt, dit Jonathan en déposant la cuillère sur la table rudimentaire qu'il avait improvisée en utilisant deux seaux à côté du feu. Le repas est servi.
Les regards de Richard et de Miranda se tournèrent vers le feu d'où provenait une odeur de viande cuite et un parfum terreux.
- C'est pas trop tôt, dit Richard en salivant à la vue du repas. C'est quoi ?
- Saucisse et haricots, répondit Jonathan en lui donnant une cuillère.
- La cheffe arrive.
- Mangez, leur dit Miranda calmement et rassurante. Ne m'attendez pas.
Jonathan et Richard la remercièrent avec des mots et des regards qui témoignaient sincèrement du haut respect qu'ils avaient désormais envers elle. Le lien qui unissait un leader et ses suiveurs était restauré. Ils avaient retrouvé leur confiance en elle. Un sentiment d'invincibilité apparut dans leur équipe et le désir d'affronter demain naquit en eux.
Miranda s'installa à côté de ses soldats qui mangèrent leur gamelle le plus lentement possible. Elle remarqua que Richard mangeait haricot par haricot et toujours sa cuillère alla dans sa bouche et revenait aussitôt sur la gamelle puis alla de nouveau dans la bouche avec un haricot. Il laissa son morceau de saucisse en dernier. Jonathan, lui, mangeait par cuillère pleine et mâchait tout le contenu jusqu'à réduire le tout en bouillie. Tous les deux étaient en train de manger lentement non pas pour savourer, mais parce qu'ils étaient préoccupés par demain, ce jour décisif du cours de leur misérable existence.
- J'espère que ce repas sera le dernier à New-York, dit gravement Richard en regardant le feu.
- J'ai bien entendu que tu... espères ? dit Jonathan étonné tandis que Miranda sourit.
- Oui !
- Et moi aussi j'espère ! s'exclama tranquillement Miranda. J'espère qu'on quittera cette ville qui nous tient comme des prisonniers.
- J'ai toujours voulu visiter New-York et me faire des films. Mais là franchement l'expérience est un cauchemar ! C'est devenu la ville où l'on ne dort jamais !
- Je refuse que cette ville soit mon tombeau.
On sentit dans la voix de Miranda de la crainte et une appréhension de l'avenir inconnu et incertain. Cet aveu toucha Jonathan et Richard.
- Jonathan a ravivé la flamme de l'espoir dans votre cœur, cheffe, dit Richard doucement. Pas question que cette flamme disparaisse. On peut faire quelque chose pour vous ?
C'était déjà fait, car sa voix brisa la mélancolie de Miranda qui le regarda avec un sourire fragile.
- Bon. Demain sera une occasion pour nous de quitter la ville et d'achever la mission, dit Miranda. Ration alimentaire complète pour nous tous !
- Oh ho ho !! Dément ! s'écria Richard en délire.
- Quand vous aurez terminé ce repas, par respect pour Jonathan, je veux que vous avaliez toute notre réserve de nourriture. Je veux qu'il n'en reste rien, car nous n'allons pas transporter de nourriture avec nous.
- T'entends ça ?!
- Oui j'ai entendu, dit Jonathan pas du tout excité par cet ordre. Cheffe, vous êtes sûr que c'est raisonnable de tout manger ?
- Affirmatif, répondit Miranda sur un ton strict, presque injonctif. Mangez tout ce que vous trouverez dans no réserves et sans vous battre.
- On va tout partager équitablement, assura Richard en déposant sa gamelle encore pleine.
- Je veux que vous vous fassiez un repas complet pour être en forme demain. J'espère vraiment partir dès demain de cet enfer. Ça te gêne, Jonathan ?
- Eh bien, dit Jonathan avec douceur et un peu peiné. Doit-on vous en laisser ?
- Faites tous les deux ce que vous voulez.
On entendit Richard s'exciter encore et très vite il demanda à Miranda la permission de dévaliser leur maigre réserve de nourriture.
- Pas avant d'avoir écouté ce que j'ai à dire, dit Miranda avec fermeté et sérieux. Je veux que vous soyez forts pour demain. Je veux que la mission soit remplie à la perfection. Ce qui veut dire que je ne tolérerai absolument rien qui puisse menacer la poursuite de notre mission jusqu'à son terme. Si l'un de vous deux a envie de chier ou de pisser qu'il le fasse dans son froc sans les mains, car rien ne doit arrêter notre char jusqu'au point M-0 dès que les deux scientifiques seront en notre possession. Pas de chialeuse. Pas de fiotte. Quand je dis « tirez », vous tirez. Quand je dis « en position » je ne veux voir personne reculer d'un pas face à un zombie. Pas de pitié pour quoi que ce soit, c'est clair ?
- Ok c'est quoi le plan ? demanda Richard emballé par le discours de Miranda tandis que Jonathan acquiesça.
- C'est quoi le plan SERGENT-CHEFFE !! Aurais-tu oublié le respect que tu dois à ton supérieur ?!
- Pardon, sergent-cheffe.
- Pour l'instant il n'y a pas de plan. Mais je vais en préparer un cette nuit. Dès que vous aurez terminé votre vrai repas complet je souhaite que vous ne tardiez pas à vous reposer, même si les zombies sont une vraie calamité. Maintenant, Richard, tu peux aller te goinfrer et j'espère pour toi que ta crotte tombera avant notre départ.
- Oui, cheffe ! Tu viens, Jo ?
- On devrait peut-être terminer ce qu'on a commencé à manger, dit Jonathan soucieux en observant leur gamelle pas encore à moitié vide.
- C'est pas grave, on finira après.
- Va, Richard, demanda Miranda calmement et s'approchant de Jonathan. J'ai à parler avec Jonathan. Et t'a pas intérêt à réduire sa part, si demain je m'aperçois que t'es plus en forme que lui...
- Oui, oui, cheffe ! J'ai compris, vous en faites pas. À tout à l'heure, Jo.
Richard alla joyeusement dans la tente en abandonnant sa gamelle avec négligence. Il ne l'avait même pas regardé, comme s'il venait de gaspiller cette précieuse nourriture.
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Manhattan Zero
Sci-fiDans un New York envahi par les zombies, Jonathan Miles, un jeune soldat de 15 ans, se bat pour sa survie avec son compagnon d'armes Richard et leur cheffe, Miranda. Abandonnés par l'armée et encerclés par les morts-vivants, leur seul espoir réside...