Chapitre 1

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Furina se remettait de sa phase à vide, c'est ainsi qu'elle préférait appeler cette période de sa vie. Tous les jours n'étaient pas agréables et encore moins faciles mais elle reprenait goût à la vie et les sourires naissants sur les visages familiers qui l'entouraient de nouveau en était la preuve. Elle n'avait pas encore eu le courage de retourner voir tout le monde pour être honnête mais elle savait qu'ils avaient de ses nouvelles et qu'ils comprenaient son besoin de se couper de la vie qui avait été la sienne jusque-là. Ils attendaient simplement le jour où elle se sentirait prête. Elle aussi l'attendait sans vraiment l'accepter. Elle se surprenait quelques fois à s'imaginer faire une entrée surprise flamboyante... mais à chaque fois elle revenait à la réalité, trahie par ses organes qui se serraient douloureusement dans son ventre. « Ce n'est pas encore pour aujourd'hui » se disait-elle alors. Quelques fois, cette pensée l'attristait et la déprimait, d'autres fois elle lui donnait envie de redoubler d'effort. Ses prémices de paix interne étaient encore vacillants et en se couchant chaque soir, elle ignorait encore dans quel état elle se lèverait le lendemain.

Ce jour-là, en s'éveillant elle sut qu'elle retournerait au théâtre. Elle n'aurait su dire d'où lui venait cette certitude et franchement elle n'était pas certaine de pouvoir en franchir la porte mais elle irait sur place. Elle se prépara tranquillement, elle avait l'impression qu'il s'agissait d'un moment solennel qu'il ne fallait surtout pas gâcher en se précipitant. Elle brossa ses cheveux, satisfaite du temps que cela lui prenait maintenant qu'ils étaient plus courts, puis enfila sa tenue. Il n'avait jamais été dans ses habitudes d'être discrète mais depuis ce jour... Elle préférait éviter d'attirer les regards des Fontainois. Elle ignorait encore si elle serait capable de les supporter. C'est pourquoi elle choisit de camoufler son visage sous une élégante capuche cousue de fleurs romaritimes. Passer le pas de sa porte fut difficile, elle ne put réfréner un frisson comme c'était presque toujours le cas maintenant. Une fois dans la rue, elle put se détendre très légèrement. La brise qui parcourait Fontaine lui caressait le visage et les bruits familiers la mettait à l'aise, suffisamment pour qu'elle trouve agréable le fait de déambuler dans les rues. Malgré tout, elle avait un objectif en tête et si elle était prête à l'oublier, ses jambes la portaient irrémédiablement vers le lieu qu'elles désiraient.

Arrivée devant l'édifice, elle prit le temps d'en admirer la structure. En y réfléchissant, Furina se rendit compte qu'elle ne l'avait jamais fait. Elle se rendit compte de la taille imposante du bâtiment et de sa grande beauté. Tout à Fontaine était beau, elle le savait mais elle n'avait jamais vraiment pensé à tout ça. « C'est une des choses qui me font aimer cet endroit... », c'est en formulant cette phrase qu'elle se rendit compte de sa véracité. Elle aimait la beauté de Fontaine et plus encore, elle aimait Fontaine. C'était peut-être en partie pour cela qu'elle se sentait aussi mal.

Enfin devant la porte, elle hésita. Pourquoi entrer ? Elle ne comptait pas observer de représentation et encore moins participer à l'une d'entre elles. Pourtant, sa main se posa sur la poignée et elle se sentit pousser le battant. Très vite, les odeurs propres au théâtre vinrent à sa rencontre. Le cuir des sièges et le cirage pour la scène, les machines à fumée et les rideaux, tous se succédaient devant ses paupières closes et elle franchit l'entrée.

Le bruit fut la seconde chose qui la frappa en entrant. Les voix des acteurs qui répètent et leurs chaussures sur scène, tout cela lui était connu. En ouvrant les yeux, elle eut la sensation de n'avoir jamais vraiment quitté cet endroit, comme si ce retour qui lui avait été si difficile était un moment qui devait arriver, comme si elle retournait chez elle après une longue journée de travail. C'était cela. Elle se sentait chez elle ici, dans l'entrée de ce théâtre qu'elle connaissait comme le dos de sa main, elle était chez elle.

Sa capuche glissa de sa chevelure alors qu'elle s'avançait, finissant par atteindre les sièges. Elle reconnut bien vite la pièce répétée sur scène. « La petite Océanide... » une histoire indubitablement triste pourtant emprunte d'amour, d'un amour si sincère qu'il pousse Clio à se sacrifier dans ce qui restera l'une des plus touchantes scènes jamais écrites. Si l'on y ajoutait les chansons à couper le souffle, ce ne pouvait être qu'un succès, à condition de jouer correctement. Immédiatement, son esprit se mit à chauffer réfléchissait à la façon de prononcer telle ou telle réplique, à l'emplacement de la scène sur lequel se positionner... elle se stoppa tout aussi vite. Non ! Non, elle ne devait pas penser à tout cela, pas à jouer. Ses poumons se vidèrent et elle ne parvint pas à reprendre son souffle avant d'avoir atteint la sortie. C'était trop. Elle ne voulait pas remonter sur scène ! Surtout pas !

Arlecchino x Furina (et Lyney x Lumine)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant