Arlecchino x Furina (et Lyney x Lumine)

Chapitre 15

Après un moment, Furina parvint à se calmer, non sans tenter de se moucher discrètement dans son carré de soie. Pendant ce temps, Arlecchino fit preuve d'une patiente étonnante et ne dit mot. Seulement, l'ancienne archonte avait du mal à supporter le silence aussi elle reprit la parole.

« -C'est donc pour cette raison que vous vous faites appeler Père ?

-Est-ce là une des questions que vous vouliez me poser ?

-C'est une information qui intrigue beaucoup de monde vous savez.

-Si vous le dite. En réalité, quand j'ai vaincu Crucabena, le sobriquet de « Mère » est mort avec elle. J'ai choisi d'oublier non seulement le nom par lequel elle se faisait appeler mais aussi mon propre nom. J'ai reconstruit le Foyer de l'Âtre sous une nouvelle identité. Pas uniquement en temps qu'Arlecchino mais aussi en tant que Père. C'est ici que l'histoire se termine. Vous connaissez approximativement la suite. Avez-vous d'autres questions ?

-La Clervie qu'ils ont rencontrée, est-elle véritablement un fantôme ?

-Je suppose que nous pouvons la considérer comme une illusion née des flammes... Son existence est comme celle des cendres après un feu : un reste laissé par la flamber et les ruines. Vous voyez, un certain pouvoir, elle accentua ce mot, coule dans mes veines. Il n'est pas sans ressemblance avec une malédiction. Mes flammes laissent derrière elles les ombres de ce qu'elles consument. Évidemment, les chances pour ces ombres de devenir des entités sensibles sont très minces. Clervie est un cas très spécial. Quand elle est décédée, elle avait seize ans mais quand son ombre a émergé des flammes, elle avait l'apparence de Clervie à ses six ans. D'ailleurs, son apparence n'est pas la seule chose à avoir été affectée. La plupart de ses souvenirs se sont perdus dans les flammes.

La fatui prit un instant pour y penser.

-La mémoire est une chose bien étrange. Perdre une partie de vos souvenirs altèrera votre personnalité. Cependant, perdre dix ans de souvenir revient à retourner vivre dans le passé, devenir une version de soi-même qui n'a jamais vieilli. Peut-être devrais-je le formuler de cette façon : Clervie est prise dans les méandres du temps, prisonnière de celui-ci. On pourrait croire qu'elle existe dans le présent avec nous mais en réalité, elle vit dans les confins de son passé.

Quelque chose dans tout cela faisait tiquer Furina. Son interlocutrice ne pouvait pas en avoir appris autant en si peu de temps.

-Vous étiez au courant de son existence depuis longtemps.

Ce n'était pas une question. Toutes deux l'avaient bien compris.

-En effet. Il s'agit d'une entité volatile et instable. Elle surveille souvent les enfants. Elle en a même sauvé quelques-uns. D'autres fois, elle m'évite et fini obsédée par l'idée de révéler la vérité sur le Foyer de l'Âtre à quiconque voudra bien l'écouter. Les ombres n'ont pas la capacité d'apprendre et de grandir. Chaque information apprise est vite oubliée. Les enfants n'ont pas réussi à m'amener au soleil n'est-ce pas ?

Furina se contenta d'acquiescer car de nouveaux sanglots lui étreignaient la gorge.

-La raison en est toute simple. Clervie est persuadée qu'il est impossible d'échapper au foyer et c'est cette simple certitude qui l'enferme. Mais peu importe. Je n'ai qu'à la tuer une seconde fois et toute cette histoire sera résolue. Je ne compte pas laisser une seule cendre derrière moi cette fois.

-Non ! Vous ne pouvez pas faire une chose pareille ! Elle n'est peut-être qu'une ombre mais elle a des sentiments ! Elle a protégé les enfants ! Il doit y avoir une autre solution !

-Il est trop tard pour cela. Elle a désobéi aux règles, elle doit être punie pour cela. C'est la même chose pour Filliol et Nanteuil sur qui elle a eu beaucoup d'influence... J'espère que vous comprenez que la différence entre Crucabena et moi réside dans formulation des règles, pas dans notre façon de les appliquer. Maintenir les règles sans nous poser de question est un trait que nous partageons car c'est ainsi que doit être dirigé le foyer.