Noé
Je ne sais plus.
J'étais venu la voir pour gagner un point et je me retrouve à l'avoir dans mes bras, brisée par la vie. J'aurais pu partir, j'aurais pu la laisser seule sur le sol et subir sa crise de panique. J'aurais pu faire comme si je ne me voyais pas en elle, comme si je ne voyais pas en elle une partie d'âme brisée qui perd pied. Je ne sais pas ce qui m'a pris. La voir comme ça, j'ai... j'ai couru vers elle. Mon corps a été attiré vers le sien comme un aimant. Je l'ai prise dans mes bras et je l'ai mise dans son lit. Je ne pouvais pas la laisser. Pas comme ça. Pas maintenant.
Je comprends mieux certaines choses : le regard froid, sa peur viscérale d'être découverte, ses tremblements que j'avais fait passer au départ pour des tremblements de rage mais qui ne sont que des représentations de son appel à l'aide car elle se noie. Oui elle se noie. C'est le comble pour une fille qui vit la majorité de l'année sous des milliers de mètre cube d'eau. Elle est dans mes bras et n'arrête pas de pleurer. Je me rends compte que l'on a tellement plus en commun qu'une bonne partie de jambe en l'air : on a une histoire, des blessures. Celles d'une personne qui a été brisé par le temps, les regrets, les erreurs...
J'ai ma tête posée sur la sienne et ma main caresse doucement son dos. Je fais de longs cercles de ses omoplates jusqu'au milieu de son dos. Je la garde contre moi. Je sais que dans ces moments, le mieux à faire c'est de ne rien dire. Enfin j'aurai voulu qu'on fasse ça pour moi. Être là, ne rien dire mais juste être là. La personne n'est en aucun cas forcée et elle parle quand elle veut. Elle sait que l'autre l'attendra quoiqu'elle dise ou face. Je l'attendrai. Qu'importe le temps que ça prendra, je l'attendrai.
La voir comme ça, en mille morceaux dans mes bras ne me fait pas peur. Je n'ai pas non plus de la peine, ni de la pitié. Je comprends. Je n'ai jamais compris par contre ceux qui lorsqu'on leur racontait une chose qui nous est douloureuse, les gens s'imaginent qu'on veut qu'ils pleurent, qu'ils vivent notre douleur. Personne, je ne dis bien personne, ne peut vivre la douleur de quelqu'un d'autre que la sienne. On pourra peut-être ressentir un sentiment proche mais on ne pourra jamais brûler intérieurement de la même chose que l'autre. C'est comme ça, personne n'est dans la tête du voisin. Alors merde quand on arrive à vous, juste comprenez notre besoin de sombrer, même si ce n'est qu'une minute dans vos bras pour trouver du soutien et de la compréhension.
C'est ce que je fais pour elle. Sentir ses larmes sur mon t-shirt, ses tremblements contre ma peau, ses gémissements dans mon oreille m'anime d'un sentiment que je connais que trop bien. La colère. Cette sensation viscérale de vouloir déchaîner les éclairs et briser chaque personne qui se mettrait sur votre chemin. Je l'ai souvent ressenti. Dans les familles d'accueil c'était l'émotion qui était au premier plan. Mais là c'est différent, je... Je la ressens pour des gens que je ne connais même pas. Je ressens de la colère envers ceux qui l'ont blessé, elle. C'est nouveau pour moi. C'est perturbant de se dire que si quelqu'un lui fait du mal, il finira à l'hôpital. Je me rends compte qu'en quelques semaines, il y a plus de l'attirance physique. Il y a un sentiment de... je ne sais pas... d'affection ? Je suis un peu paumé sur ce coup-là.
Au fil des minutes ses pleurs se font de plus en plus rares. Son souffle se calme et est de nouveau normal. Lorsqu'elle lève les yeux vers moi je tombe. Ses yeux rouges et gonflés me frappent de plein fouet. Ils sont gris translucides et brillent d'une manière qui m'était encore inconnu. Mon cœur tape tellement fort dans ma poitrine que j'ai l'impression qu'il va s'arrêter. Mon corps est tendu vers le sien.
Nos regards disent tellement plus que ce que l'on pourrait se dire par les mots. Une de mes mains part vers sa nuque et l'autre vient se poser sur sa joue. Sa tête se penche vers la mienne et nos fronts se touchent. C'est tout et c'est suffisant. Ma langue se délie avec difficulté avant que je ne m'entende articuler :
VOUS LISEZ
L'amour sous le radar
RomanceL'amour ? Je n'y crois pas. C'est une pure blague. Moi Lana Denvers, j'ai peut-être eu un petit ami mais lorsque celui ci m'a quitté le jour de mon départ en mission sous-marine, j'ai totalement abandonné l'idée. En tant que Vice-Amirale dans la Mar...