Chapitre 13

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L'obscurité, plus sombre qu'une nuit sans lune, cette sempiternelle compagne qui infecte les âmes brisées, était plus que jamais au périgée de ses souffrances. Toujours ces mêmes cauchemars, ces incommensurables cauchemars, plus réels que jamais. Mais cette fois-ci, l'antidote s'en était allé, fait prisonnier des griffes de son passé qui revenait la hanter. Et la frayeur qui découlait de cette absence, telle une mauvaise herbe qui repoussait sans cesse sous ses pieds, représentait bien malgré elle le point culminant de ses récentes bassesses...

"Faites que tout ça n'eut été qu'un affreux songe..."

Lorsque Danaé s'éveilla, elle ne daigna pas ouvrir ses yeux... Elle ne voulait pas savoir où elle était, pas plus qu'elle ne désirait connaitre la vérité quant à sa hantise de la nuit dernière. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était être libérée du mal-être qui l'affligeait.

L'enlèvement d'Astarion, son incontrôlable crise, ses pulsions sanguinaires... Tout cela faisait beaucoup pour elle. Et bien qu'elle prévoyait démolir la sale garce qui lui avait arraché son amant, elle était malgré tout pour lors incapable de se résoudre à affronter Halsin. Parce que même si elle ne se souvenait pas vraiment de ce qui s'était réellement passé, elle savait que tout cela n'avait pas été qu'un simple cauchemar : le sang, les cris... il était évident qu'elle l'avait vraiment blessé. Et elle appréhendait beaucoup sa réaction.

"Je me dois de me ressaisir, sans quoi je ne reverrais plus jamais Astarion."

Astarion... l'amour de sa vie, le seul capable de la préserver de ses démons.

D'où puiserait-elle sa force à présent ? Le fait de songer à son absence lui faisait mal, tellement mal...

Connaissant Orin, à ce point obnubilée par son désir de la voir souffrir, il était évident qu'elle s'était mise en tête de s'amuser avec lui. Et l'idée ne faisait pas que la bouleverser, elle la rendait malade. Parce que les supplices que lui insufflait cette certitude, l'image d'Astarion devant à nouveau endurer diverses atrocités, telle la maîtresse adorée des déchirements amers, lui faisaient vivre un calvaire bien plus diabolique que la simple perte de l'homme : considérant la fragilité émotionnelle que l'elfe pâle avait héritée de son passé face à la captivité et à la torture, elle craignait que cela ne le brise encore plus...

Et de cette douleur insoutenable qui lui tourmentait la poitrine accoucha un mépris viscéral : le même qu'elle était sûre d'avoir jadis déjà éprouvé contre cette femme. Parce qu'elle avait le sentiment que sous ses airs sadiques et suffisants, Orin était à ce point pathétique qu'elle n'avait pu faire autrement que de la jalouser depuis le premier jour. Et maintenant qu'elle savait que Danaé avait perdu sa mémoire, elle en profitait pour l'attaquer d'une façon dont elle n'aurait certainement pas pu se permettre avant.

Cette pensée suffit à elle seule à éveiller une furie sanguinaire en elle, le genre de rage qui fait bouillir le sang qui circule dans nos veines. Tellement abstruse, mais en même temps, limpide comme une eau pure. Une autre ébréchure de son affreux passé... toutefois, cette fois-ci, le ressenti n'était pas catatonique, non. Un peu comme si l'un des débris cosmiques qui orbitaient en permanence autour de son crâne venait d'être aspiré par son âme. Et c'est là que subvint la clairvoyance, douce comme un incomparable nectar.

Quelle insolence. Comment osait-elle ?

En réalité, ce qu'il fallait, c'était démontrer à cette connasse que malgré son amnésie, elle n'avait rien perdu de sa cruelle et impitoyable fougue. C'est le dos droit et l'air intransigeant qu'elle allait franchir les portes du temple de Bhaal. Non seulement elle ne ferait pas le plaisir à Orin de lui amener la pierre de Gortash, mais, de plus, elle se présenterait devant elle sans détours ni surprise. Et si elle avait osé toucher à Astarion...

UN LONG ET DIFFICILE CHEMIN POUR SORTIR DE L'ENFER.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant