Chapitre 7

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Cette veillée qu'il avait passé auprès de Danaé avait remis beaucoup de choses en perspective pour Astarion. Une simple et anodine petite faille dans un barrage peut, à la longue, causer une inondation. S'il n'était pas tombé sur elle à l'instant précis où il l'avait trouvé la nuit dernière, sans doute la femme se serait-elle noyée dans le plus grand des désespoirs. Combien de temps s'écoulerait avant que les eaux ne l'engloutissent encore ? Il ne fallait qu'une simple autre petite faille... Les émotions que l'homme ressentait lorsqu'il repensait à la scène étaient puissantes et indescriptibles. Mais, cette fois, ce n'est pas la peur de se retrouver seul qui le torturait réellement tandis qu'il songeait que de nouveau, il avait risqué de la perdre à tout jamais, mais plutôt le fait d'être sans elle.

Parce que, même si cela lui paraissait effrayant, la femme était devenue pour lui le point d'ancrage de sa vie. Elle lui avait offert l'espoir du renouveau et avait brisé ses chaînes pour lui conférer un tout nouveau statut. Une personne à part entière, et non un esclave.

Danaé avait quelque chose d'assez inspirant. La force avec laquelle elle se débattait jour après jour afin de se racheter pour ses fautes sanguinaires, celle qui faisait appui à ses desseins de justice, elle l'utilisait pour s'affranchir de la noirceur de son passé qui l'accablait toujours. C'était là sa manière à elle de ne pas retomber dans ses vieilles habitudes, de ne plus être captive de ses pulsions... en d'autres mots, la mage avait eu le génie de se créer une identité alternative étant à même de remplir ce vide qui l'envahissait face au néant dans lequel elle se trouvait.

Mais, la nuit dernière, Astarion avait réalisé que cette force n'était pas encore assez importante pour empêcher les flots d'engloutir la femme. Il suffisait qu'une autre faille morcelle les barrages qu'elle s'était construits. En ce sens, elle avait besoin de lui pour être en mesure de préserver sa nouvelle identité, tout comme lui avait besoin d'elle pour être à même de devenir le créateur de sa propre vie.

Du côté d'Astarion, cependant, une entrave persistait sans cesse entre lui et ses sentiments pour Danaé : Cazador. Comment pouvait-il assumer pleinement leur relation le sachant toujours vivant, et prêt à venir le cueillir à tout instant ? S'il voulait être complètement libre, il lui fallait mettre un terme à l'existence de son ancien maître. Et, étrangement, il lui semblait que les marques inscrites dans son dos pourraient constituer une solution à ses problèmes.

Qui plus est, si elle parvenait vraiment à maîtriser ses pouvoirs, Astarion avait espoir que Danaé pourrait réellement lui offrir l'aide dont il avait besoin pour détruire définitivement Cazador. Ses capacités, bien qu'elle ne les contrôlait toujours pas, étaient d'une puissance sans pareille, tel que l'elfe n'avait que rarement vu en deux cents ans.

Pour l'heure donc, deux éléments lui semblaient indispensables à analyser afin de planifier la mort de son ancien maître : la force de Danaé et les cicatrices qu'il avait dans le dos.

Sur ces pensées, il ferma les yeux afin d'imprégner son corps des rayons du soleil avant de se diriger vers le camp.

À son retour, les autres finissaient de rassembler leurs choses et se préparaient pour leur départ. Du coin de l'œil, il remarqua qu'Halsin se trouvait auprès de Danaé et l'aidait à défaire sa tente. Tous deux semblaient absorbés par le sérieux de leur discussion.

À un moment, la femme détourna son attention dans sa direction et lui adressa un sourire. La douceur de ses yeux sur lui était si agréable qu'un immense frisson lui parcourut le corps tout entier. Dieu que cette femme était sublime, et ce, dans tout les sens du terme.

Que Cazador soit maudit ! Bien malgré tout le bonheur qui l'envahissait, Astarion n'arrivait toujours pas à réprimer l'angoisse que lui inspiraient ses sentiments. Son affection était aux prises d'une terrible discordance qui opposait le bien-être que lui avait procuré ces moments charnels passés avec Danaé au dégoût que lui avaient infligé les souvenirs qui lui étaient revenus en tête en s'adonnant à ces mêmes plaisirs... tout cela était beaucoup plus facile pour lui lorsqu'il était encore capable de se mentir à lui-même au sujet de la mage. À cet instant, il ne se contentait que de jouer le jeu, et ce, sans trop se poser de questions. Mais, à présent qu'il ne pouvait plus nier ses sentiments, il voulait dépasser tout cela pour être aux yeux de Danaé plus que la simple somme des atouts physiques qui l'avaient caractérisé toutes ces années. Le problème, c'est que toutes les parties de son être brûlaient d'une envie malsaine de posséder la femme et cela, pour Astarion, ne lui semblait possible à réaliser que via le sexe. Quel genre de monstre le maître-vampire avait-il fait de lui ?

UN LONG ET DIFFICILE CHEMIN POUR SORTIR DE L'ENFER.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant