Le Croc de Sobek (MxM)

16. Bas les masques

"Le Bal des Vampires... Il faudra que je regarde à nouveau ce film un jour. A la lumière de tout ce que j'ai appris depuis ma rencontre avec Daniel... il y aura de quoi rire."

𝕵𝖔𝖚𝖗𝖓𝖆𝖑 𝖉𝖊 𝕵𝖆𝖈𝖊 𝕳𝖆𝖙𝖔𝖗𝖞𝖘

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La grande porte d'entrée du château avait grincé. Si cliché.

C'était la seule chose sur laquelle tentait de se concentrer Charly pour ne pas tourner de l'œil depuis qu'il avait pénétré dans ce lieu maudit, la chevelure noire de Dan pour seul repère dans la foule dense qui se pressait à leurs côtés.

Dès que leur taxi s'était garé à proximité du château de Warwick, lieu des festivités, son cœur s'était serré plus que de raison. Paranoïaque, il avait l'impression de marcher droit dans la gueule du loup - enfin, du vampire.

« Quoi que tu voies, quoi que tu entendes, dis toi que tu entres dans un monde où l'humanité n'a plus voix au chapitre »

C'était ce que Dan lui avait glissé avant qu'ils ne quittent l'habitacle rassurant de la berline noire qui s'était évanouie dans la brume quelques secondes plus tard. Et à présent que s'ouvrait à ses yeux tous les excès du monde vampirique, il comprenait mieux ses mots.

Ils avaient d'abord franchi un premier grand hall au style gothique, tout en dentelles de pierre et dalles de marbre, avant de plonger plus en profondeur dans la vieille bâtisse, en direction de la salle de bal - Dan semblait connaître les lieux par cœur. Bondée malgré sa dimension titanesque, cette seconde pièce était éclairée par de gros chandeliers d'or ornés de pampilles aux reflets cristallins, donnant l'impression de se trouver au beau milieu d'un songe.

Surélevées grâce à une petite estrade, un orchestre de deux musiciennes aux canines acérées s'accordaient à pincer les cordes d'un guembri au battement régulier d'une percussion, tapissant l'atmosphère de notes éparses ressemblant étrangement aux battements d'un coeur.

Mais ce qui était pourtant réellement inquiétant, plus que cette fête aux accents cauchemardesques, c'était ses invités.

Êtres à la peau diaphane, tous vêtus élégamment, leurs masques à la couleur sombre ne laissaient entrevoir que des prunelles rougies par la soif. Loin de l'extravagance des bals vénitiens attribués aux vampires des contes pour enfants, il se dégageait de ces invités une sobriété concupiscente, les vêtements à la coupe moderne prenant l'ascendant sur les perles, plumes et autres breloques.

Dansant au rythme de la musique ou tout simplement installés à l'une des nombreuses tables rondes disposées autour de la scène, aucune voix ne perçait au-dessus de cette foule vampirique, comme s'ils se trouvaient dans un lieu de culte.

Balayant la salle du regard, Charly s'arrêta un instant sur un petit groupe de vampires d'à peu près leur âge, tous très élégants dans leurs costumes sombres faits de matériaux bruts. Au centre de leur table, une femme à la peau sombre était allongée, entourée de plats contenant fruits, fleurs et condiments.

— Fixe pas les gens. Gronda Dan contre son oreille, glissant une main agréablement tiède dans la sienne pour l'éloigner.

Pourtant, notre vampire juvénile ne pouvait détacher son regard de la jeune femme ; installée sur le dos, on ne pouvait ignorer les larges coupures et traces de crocs qui zébraient sa peau ébène, maculant de sang rouge sa robe de coton si fine qu'elle aurait aussi bien pu être nue.

C'était l'une des esclaves qu'avait évoqué Dan.

— Elle va se vider de son sang... Il murmura à l'attention de ce dernier.