Chapitre 10: La gare

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Pendant qu'on prend le chemin, avec les quelques arbres qui s'éloignent des rues, Sebastien me demande en souriant:
-Ok on va où là? Aller dis-le moi.

-Attends, tu vas voir.

On arrive enfin devant la gare abandonnée depuis tant de décennies, que la plupart des jeunes ne la connaissent pas. C'est à ma plus grande joie. Je regarde Sebastien, dont l'expression méfiante me donne envie de rire. Il me demande:
-Ok, c'est quoi, ça? On est censés entrer?

En avançant, je dis:
-Oui.

Au lieu des entrées condamnées, on passe par une ouverture dans le mur. Elle nous mène au hall, avec le plafond troué. Il nous éclaire au milieu du chaos alentours, dans le bâtiment mourant. Justement, Sebastien demande:
-Cet endroit va pas nous tomber dessus?

-Normalement non.

Je traverse le passage construit dans le mur, pour se rendre aux quais. Sebastien me suit toujours, rendu silencieux par l'endroit qu'il observe de partout. Devant le quai, il y a un train arrêté pour toujours. Il est aussi étouffé par des plantes, similaires à celles qui ont investi le quai. Maintenant, je vois aussi des ordures, qui n'étaient pas là avant. Ça m'énerve. Sebastien pense tout haut:
-Ok c'est endroit est assez beau, d'une certaine façon. Mais aussi inquiétant.

-T'as raison, il est inquiétant.

-Hein?!

-C'était mon ancien sanctuaire, avant que les autres le trouvent.

-Euh définis "les autres".

-Genre les SDF et les drogués. Ceux sur lesquels j'étais tombée n'étaient pas méchants, mais on sait jamais.

Le choc fronce les longs sourcils légèrement arqués de Sebastien. Avec ses iris couleur obsidienne fixement sur moi, il me demande:
-Quoi?! T'es venue seule?! Avec eux?!

-Hey, calmos. Je savais pas qu'ils étaient là...ils ont volé mon putain d'endroit.

Il essaie brièvement de retenir un sourire, mais reprend son sérieux pour me demander:
-Euh...ils sont où là?

-Sûrement quelque part dans les passages souterrains des quais, pour les pires d'entre eux. J'en ai vu y aller quand je suis partie pour de bon. Je suis jamais allée dans les galeries. C'est trop effrayant. La dernière fois, il y avait un homme qui dormait sur les quais. Il m'avait pas remarqué, mais j'en ai rencontré deux autres. Il y en avait un qui divaguait sur le ciel. Mais l'autre s'en foutais et comptais je sais pas quoi. C'était comme deux personnages de jeux vidéo sans rapport. Ils m'ont fait courir encore plus vite.

Sebastien dit contrarié:
-Ok non. T'aurais pu mourir.

-À l'époque, je m'en foutais un peu.

Il me regarde avec une expression de choc. Elle est suivie d'un air de réalisation triste. Putain pourquoi j'ai dis ça? Je lève les épaules et marche sur le quai, mais il attrape mon sac à dos en disant:
-Non, attends.

Mauvaise habitude. Je m'arrête et il lâche mon sac, me permettant de me retourner contrariée. Il dit:
-Désolé m...

-Quoi?! Il n'y a rien de bien que tu puisses dire. Crois-moi.

Il garde le silence et je dis:
-On a qu'à y aller, ok?

-Ok...

Soudain, il regarde ailleurs avant de me tirer derrière lui en disant:
-Putain.

Je suis son regard, et plus loin il y a deux gars. Ils sont sûrement sortis de je ne sais quel passage, de cet endroit foutu comme un fromage suisse, ou même le cauchemar d'un trouphob...trypophobe. Putain, mais qu'est-e que je raconte? On est dans la merde et je cherche des comparaisons. Ok, calme t...merde. Je chuchote assez fort:
-Merde! Merde! Ils nous ont vus!

Wabi-SabiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant