Chapitre 2: Tricheuse

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Après le contrôle de maths où j'ai fraudé honteusement, j'ai failli aller me réfugier dans ma seconde maison. Mais à la place je suis rentrée directement. Me sentant toujours coupable pour mon crime, c'est dans un livre que je me réfugie. Il m'apprend comment les Tainos ont migré aux Caraïbes depuis l'Amérique du Sud, il y a des millénaires. Au milieu de ma lecture, mon téléphone sonne. Trop prise par les informations, je m'accroche nerveusement aux phrases, mais revient à la réalité en fronçant les sourcils.

Personne ne m'appelle sauf ma famille et je suis à la maison. Quoique, peut-être que l'un d'eux a la flemme de m'appeler avec sa voix ou de venir. Ça faisait trop longtemps que la flemme ne les avait pas saisis aussi. Fallait s'y attendre. J'attrape mon téléphone sonnant toujours vaillamment. Je ne connais pas ce numéro, c'est sûrement du démarchage ou quelqu'un qui s'est trompé. Je rejette l'appel, mais j'ai à peine reposé le téléphone qu'il gazouille indiquant un message. Je le lis:

Réponds Tricheuse

Sébastien. Je souffle ennuyée par mon nouveau titre puis inspire pour calmer ma nervosité. Si j'écris n'importe quoi, il pourrait le montrer pour se foutre de moi. Il règle le problème en appelant à nouveau. J'inspire et réponds:
-Allo?

La voix grave et narquoise de Sebastien répond:
-Allo Tricheuse?

-J'ai un prénom.

-Putain tu sais répondre maintenant Amina? T'étais pas comme ça avant. C'est de l'évolution.

Je fronce les sourcils et demande:
-Pourquoi tu m'appelles?

-Tu m'es redevable.

Mes sourcils se rapprochent à nouveau, mais je prononce:
-Ok...

-Donc j'appelle pour réclamer mon dû.

Mes sourcils recommencent et je demande:
-Ton dû, c'est quoi?

Putain il peut pas demander du fric, je pensais m'acheter un ordi plus rapide et garder le reste. Sebastien répond:
-Tu dois sortir avec moi ce week-end.

Plus choquée que je devrais sûrement l'être, je laisse échapper un:
-Quoi?

-Tu m'as entendue, on va sortir.

-Et si je dis non?

-Je dirais ce que t'as fait à Davis.

-Tu vas pas balancer.

-Tu veux risquer de le découvrir?

Ok ça pourrait être pire. J'ai triché et je dois juste sortir je sais pas où en échange. En espérant qu'il n'y ait pas d'autres gens. J'aime pas sortir comme ça putain. Je suis plus habituée moi.
Je soupire mais abdique:
-Ok...

-Super, on va à la piscine samedi. Je t'enverrais l'heure et un billet.

-Quoi?! Non!

-Tu me dois ça.

Avant que je ne puisse bredouiller quelque chose, il raccroche. Qu'est-ce que je vais faire? Je déteste sortir depuis des années et maintenant je dois me mettre à moitié nue, avec des étrangers? J'ai arrêté d'aimer la piscine il y a un moment aussi. Ok, ok, de toutes les façons les gens ne sont pas vraiment fans de la piscine locale, de ce dont je me souviens. Si j'ai toujours raison, on ne verra personne du lycée. Oui, ils ont toujours préféré se retrouver dans leurs piscines ou celles de leurs amis. Alors pourquoi il veut m'emmener là-bas? Oh là là...

Soudain, des souvenirs trop lointains sur lui me reviennent. Sebastien est d'origine japonaise. Mais en maternelle et primaire, avec sa personnalité de dictateur, il nous terrorisait tous pour que l'on prononce son prénom français correctement. Ça, pour lui c'était censé se faire malgré l'accent de notre anglais natif que l'on commençait à peine à maîtriser, en tant que petits enfants. Par contre d'un autre côté on pouvait même prononcer son nom "Takara" au lieu de "Takahara" il s'en fichait, contrairement à Emmie. C'est sa grande sœur. Parfois, elle, elle mordait à l'hameçon quand c'était utilisé pour l'énerver.

***

C'est le jour J où je vais devoir payer pour mon crime, en passant un moment malaisant ici. Je termine de mettre mon une pièce noir nerveuse. J'aurais mis une combinaison de plongée, si ça n'allait pas attirer encore plus d'attention que mon corps, qui a trop de courbes. Beaucoup de gens le trouvent sexy et me l'ont dit. Justement, beaucoup s'arrangeaient pour me faire comprendre qu'ils voulaient bien baiser aussi du coup. C'est tout ce qui les attirait, donc...

Je veux pas ce genre d'attention. C'est pour ça que j'ai commencé à m'habiller avec un style oversized, dans lequel je peux me cacher en ayant l'air d'une meuf streetwear ou parfois années 90. Je le trouve pas mal franchement. Bon, let's go. Sebastien m'a envoyé qu'il était dans le bassin près du secoureur. Parfait si je me noie à cause d'une crise d'angoisse revenue me hanter.

Je sors du couloir et repère la chaise haute vers laquelle je me rends en faisant de mon mieux pour éviter de croiser un seul regard. Ma spécialité. Je sors de mon Mode Esquive pour chercher "mon sauveur de note" du regard, et cette fois mes yeux bloquent. Il attend debout près du bassin, le regard sur un groupe de filles en train de s'éclabousser.
J'observe les jeux naturels de presque ombres et lumières sur la peau pâle de Sebastien. Ils sont assez nombreux à cause de la définition de beaucoup de ses muscles. Comme souvent pour je ne sais quelle raison quand je regarde des gars musclés, mes yeux glissent pour trouver les lignes en V en bas de ses abdos. Bien-sûr, il ne porte pas son maillot comme les mannequins de maillot de bain, donc je n'en vois que le commencement.
Quand on le regarde, on peut souvent penser qu'il est juste maigre et grand, avec le mètre 82 qu'il aime tant rappeler. Mais pas du tout. J'avais oublié ça, alors que pourtant la dernière fois en sport il s'était amusé à enlever son t-shirt, pour le bonheur des dames et Ethan. Il a fait ça alors que l'année commençait à peine.

Certains lycées l'auraient incendié, mais pas ici. Sûrement un délire du genre "les garçons sont comme ça". Toutes les médailles qu'il a gagnées et qui lui ont donné un petit statut, qu'il garde même après avoir arrêté la gymnastique, doivent jouer aussi. Ok je devrais m'arrêter de le mater et avancer plus...ou je pourrais faire demi-tour et courir. Après tout, le prof serait déçu mais je ne mourrais pas. Je vais bien souffrir avec Papa par contre. De toutes les façons, je suis trop loin. Ok go. Quand j'arrive près de lui, Sebastien me regarde de haut en bas surpris et ses lèvres dessinées par Cupidon s'étirent. C'est reparti pour ces conneries. Je soupire. Il est toujours souriant tandis que j'essaie de regarder ailleurs, un peu mal à l'aise face à la proximité de son corps découvert. Il me dit moqueur:
-Tu galères toujours avec tes yeux hein?

Je le regarde ennuyée et avec son sourire débile, en indiquant l'eau, il demande:
-On y va?

Mon irritation me donne le courage de dire:
-Tu m'as emmenée ici pour me regarder nager? Je comprends pas. Il y avait pas d'autre endroit?

Pas d'autres endroits où voir la marchandise ouais. Il rit comme s'il avait lu ma pensée puis répond:
-Ah, là, là. Aller souris, c'est la piscine, tu vas nager. C'est cool.

Mes sourcils font un mouvement pas convaincu qui le fait rire puis il s'éloigne et plonge comme un poisson. Foutu frimeur. Je prends l'échelle, et je dois admettre que ça fait du bien d'être dans autant d'eau à nouveau. Je crie presque quand Sebastien sort de l'eau devant moi. Après nous avoir refait une pub de maillot de bain, il ouvre les yeux sous mon air confus puis se met à rire. Ça fait encore plus briller ses pommettes aiguisées couvertes d'eau. Qu'est-ce que je fous ici? Je secoue la tête et il rit encore plus. Est-ce que c'est une putain de hyène pour rigoler comme ça? Il nage plus près et me dit avec un léger sourire:
-T'as vraiment l'air d'avoir de beaux gènes. Tu serais pas une mauvaise partenaire pour les partager.

Quand mon cerveau reconstitue le puzzle, j'écarquille les yeux pendant qu'il rigole. Il est cinglé, à enfermer. J'arrive juste à bredouiller:
-Prison.

Il éclate de rire et pour je ne sais quelle raison je suis sur le point de sourire un peu quand le sien disparaît brusquement pour laisser une expression hostile sur son visage.

Wabi-SabiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant