Wabi-Sabi

Chapitre 26: Vise bien

Adama et Sebastien se retrouvent dans un lieu au fond du stand de tir, presque vide, malgré ce faux week-end de quatre jours. Après un moment de discussion mondaine, Adama a posé des questions à Sebastien sur son quartier, ses parents,ses activités, sa moyenne générale, son moyen de transport et depuis quand il vit à Silverlake. En en ayant fini avec sa première partie, Adama se décide à enfoncer ses griffes plus profondément dans sa proie.
Après avoir atteint plusieurs fois le deuxième cercle en dehors de la cible, Adama s'arrête. Il demande:
-Alors, mon garçon, maintenant dis-moi pourquoi je devrais laisser ma fille sortir avec un chinois sorti de nulle part?

Légèrement irrité Sebastien corrige:
-Je suis japonais, pas chinois.

Adama lève les épaules et son tir atteint le premier cercle en dehors de la cible. Il continue:
-Oui, peu importe, ça ne change pas ma question. Qu'est-ce que tu lui veux?

Sebastien bredouille:
-Eh bien euh, je...

-Je vais te le dire. Je sais ce que tu veux tout comme toi tu le sais.

Sebastien tire sur la cible pour se calmer et réussit à avoir le quatrième cercle hors du centre. Il inspire et dit:
-C'est pas ce que tu crois.

-Ne me ment pas Sebastien. Je vais l'admettre, avec mes traditions ce serait bien de voir Amina mariée et tout ça pas trop tard. Mais en connaissant ce monde, je sais que le fait qu'elle le soit ne fera rien de bon, si ce n'est pas le bon homme. Si tu n'es pas le bon.

Sebastien enterre sa légère peur, par rapport à la façon dont Adama se projette, pour demander:
-Ok, me tire pas dessus, mais...quand toi t'as rencontré sa mère, t'étais sûr?

-Pas besoin d'être effrayé, ce n'est pas une question énervante. En fait quand je l'ai rencontrée, je ne pouvais pas la supporter.

Sebastien essaie de ne pas rire et Adama continue:
-Mais après, comme dans une espèce d'histoire d'amour idiote, les choses ont changé. Je venais souvent au fast-food où elle travaillait avec mes amis. Ils n'avaient d'yeux que pour elle, comme la plupart des clients et moi je trouvais ça pathétique.

Adama secoue la tête et reprend:
-Un jour je suis venu seul vers la fermeture, parce que j'avais fini le travail plus tard que d'habitude. Je n'avais même pas fini mon hamburger qu'elle allait me faire sortir pour fermer. Mais il a commencé à pleuvoir des cordes. Son collègue voulait me laisser rester, mais pas elle. Je l'ai donc défié de me jeter dehors...et elle l'a fait.

Adama sourit et Sebastien ne peut retenir son rire. Adama continue:
-Je suis revenu malade des jours après pour la rendre coupable. Ça a été le cas, mais elle a commencé à me parler et je me suis un peu détendu, en découvrant que c'était quelqu'un de surprenant. C'est comme ça que tout a commencé.

Adama sourit et poursuit:
-Je dis à Amina qu'elle est née sur un coup de chance, pour l'ennuyer parfois. Pourtant c'est vrai parce que quand j'ai attendu Ondine avec mon nez qui coulait et ma toux, j'ai juste pensé en me réjouissant qu'elle se sentirait mal et que ça serait une bonne revanche. Mais quand je l'ai vue bouger ses lèvres en grimaçant peinée par ma situation, c'est moi qui me suis senti bizarre avant de me dire que c'est elle. C'est ma femme. D'ailleurs, Amina fait la même chose avec ses lèvres.

Sebastien dit en riant:
-Oui, c'est vrai...mais tu savais comme ça? Pas de questions?

-Pas de questions. Peut-être que c'est quelque chose de chez nous. Après je sais que ça n'arrive pas à tout le monde, mais ça arrive aux gens bénis et je suis sûr que mes enfants le sont.