Chapitre 27

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Derek faisait la vaisselle. Il n'aimait pas ça et pourtant, l'activité le détendait plus que de raison. Il avait bien un lave-vaisselle à disposition, presque neuf en plus... Mais il préférait utiliser ses mains, occuper son corps pour mieux distraire son esprit. S'il devait faire un compte-rendu honnête de la situation à Deaton – ou quelqu'un d'autre –, il dirait que rien n'allait, ou pas grand-chose. Stiles agissait en robot et le reste de la meute... Faisait moins de bruit qu'avant. On voyait parfois les loups aller et venir, sortir pour se dépenser un peu. Ils revenaient toujours très vite et ne s'annonçaient pas vraiment. Certains ne jappaient que lorsque c'était nécessaire – en d'autres termes, lorsqu'ils avaient faim ou soif.

Et Derek n'avait aucune idée de la manière dont il pourrait arranger les choses. Il y réfléchissait sérieusement depuis un bon moment, si bien qu'il n'avait pas beaucoup avancé dans sa tâche. Seule la moitié de la vaisselle était faite alors qu'il devrait déjà avoir fini. Du côté de la meute, difficile pour lui de faire quoi que ce soit de concret à part leur apporter un peu d'affection de temps en temps et les nourrir. Jouer avec ses amis, les divertir, il avait du mal tant il réfléchissait. Il avait l'esprit tourné presque en permanence vers Stiles et s'affairait à tenter de trouver un moyen de rallumer la lumière dans ses yeux. A ce stade-là, il commençait même à moins se soucier du fait qu'il lui apparaissait toujours comme une hallucination. Cette idée perdait de son importance tant elle lui paraissait dérisoire par rapport à son état psychique général – du moins de ce qu'il en percevait. Parce que même s'il possédait un odorat hors du commun – lui permettant notamment de déceler les émotions –, avec Stiles, il trouvait ses limites. Disons que le jeune homme était si mal en point que la douleur semblait s'enfermer en lui et... Imploser plutôt que de s'exprimer au moins dans la fragrance si particulière qu'il dégageait.

Derek, concentré sur ses réflexions qui ne menaient pas à grand-chose, continuait de frotter la même assiette. Elle était plus propre que jamais. Que faire ? Il n'arrivait pas à trouver d'idée qui puisse miraculeusement débloquer la situation, si bien qu'il en vint à la conclusion qu'il allait devoir se faire violence pour ne pas agir davantage et faire confiance au temps. Il prenait soin de Stiles, aussi bien le jour que la nuit... Et peut-être que c'était ça, le problème. Peut-être qu'il lui fallait s'éloigner un peu, lui laisser de l'espace. A ce niveau-là, Derek était près à tout tenter. Quelque chose finirait bien par marcher... Mais quoi ?

C'est à ce moment précis qu'il entendit des pas. Des pas humains. Comme sortis de nulle part, ils semblaient d'un coup de plus en plus proches – et l'odeur lui sauta au nez. Derek se retourna presque d'un coup et fut malgré tout surpris de constater la présence de Stiles, sur le seuil de la cuisine. Avait-il l'air d'aller mieux que la veille ? Non. Mais plus ouvert, oui.

- J'ai honte, lâcha-t-il de but en blanc

Derek nota instantanément le fait que l'humain parlait et ce, de son plein gré, sans qu'il ne lui ait posé la moindre question. Elles se lisaient dans son regard mais depuis qu'Isaac était blessé, Stiles ne prenait plus la peine d'essayer d'y répondre. Il s'en servait pour astiquer son silence.

Alors le fait qu'il vienne de lui-même et qu'il lui adresse la parole avait de quoi surprendre l'ancien alpha – lequel suspendit complètement sa tâche. Le loup-garou fit au mieux pour reprendre contenance, histoire de ne pas casser cet effort sans doute inconscient de Stiles. Parce que sortir d'un silence tel que le sien pour avouer quelque chose qui le minait n'était pas chose à négliger.

- Honte de quoi ? Lui demanda simplement Derek, en se séchant les mains.

- De moi, répondit Stiles sans hésiter. De ce que j'ai fait.

Son odeur et les battements de son cœur ne le contredirent pas. Derek l'observa consciencieusement. Si l'humain restait faible, il arrivait à se tenir sur ses deux jambes sans problème et semblait avoir gagné en équilibre.

- Raconte-moi, fit l'ancien alpha d'un ton pas vraiment assuré.

Il avait l'impression de marcher sur un fil, de ne savoir ni que dire ni que faire, avec l'impression que la moindre maladresse pousserait Stiles à se renfermer sur lui-même. Pour une fois, celui-ci lui semblait ouvert, ou du moins suffisamment pour considérer l'idée de lui faire un aveu de son plein gré – autant dire que Derek n'avait pas l'intention de gaspiller la chance qui se présentait miraculeusement à lui.

Stiles détourna le regard et sembla presque chuchoter :

- On peut monter ?

Derek resta interdit une seconde, interloqué non pas par la demande en elle-même, mais bien par le ton quelque peu faiblard de Stiles. L'on aurait dit qu'il avait... Peur de parler, ou que quelque chose le gênait. Ainsi, il s'avança vers lui et tendit sa main. L'humain la prit sans vraiment hésiter. Et à la façon dont il la serra, Derek comprit qu'il n'était pas si solide que cela sur ses appuis. Son équilibre n'était rien de moins que précaire son énergie, toujours aussi limitée.

Stiles se reposait... Mais jamais complètement. Tant qu'il n'arriverait pas à dompter son propre esprit, les choses continueraient ainsi et vu comment les choses se présentaient, Derek ne pouvait s'empêcher de craindre la suite. Ses soupçons quant à l'état physique de Stiles se confirmèrent lorsqu'ils arrivèrent au niveau des escaliers. Il sentit l'humain se crisper et serrer davantage sa main avant de finalement prendre un appui clair sur lui. D'une certaine manière, il lâchait prise. Et Stiles se rendait bien compte de la portée de ce geste, ce qu'il pouvait signifier par rapport à ce qu'il croyait. Il choisit cependant de le taire. Ce n'était pas de cela dont il avait besoin de parler maintenant.

Stiles lâcha un discret soupir de soulagement lorsqu'il finit par poser ses fesses sur le lit. Là au moins, s'il tombait, il apprécierait la chose.

- Ferme la porte, demanda-t-il timidement à cet homme dont la présence lui était nécessaire.

Presque essentielle.

Derek s'exécuta sans pouvoir minimiser l'ampleur de la moue perplexe qui tendait les traits de son visage.

- Je n'ai pas envie qu'ils entendent. Je ne veux pas qu'ils aient pitié de moi, consentit-il à lui expliquer, ou qu'ils pensent que je parle pour essayer de me dédouaner auprès de... De toi.

Il avait failli dire autre chose, employer le mot « hallucination ». Mais il ne l'avait pas fait. Derek réfréna l'espoir naissant en lui – mieux valait ne pas crier victoire trop vite. Il n'avait aucune idée de ce qui se jouait actuellement dans la tête de Stiles ni d'où lui venait cette impulsion à vouloir se mettre à lui parler de façon si soudaine. Récemment, c'était plutôt le contraire qui se passait : Derek qui le poussait à s'ouvrir et insistait jusqu'à obtenir un résultat. Il y allait toujours en douceur, de sorte à ne pas le brusquer. Autant dire que cette fois-ci lui faisait étrange et faisait naître en lui un certain malaise. Qu'était-il censé faire ? Devait-il surenchérir ou attendre que Stiles continue de lui-même.

- Merci, souffla l'hyperactif en regardant la porte close.

Derek voulut lui dire que cette précaution ne servirait à rien tant les loups avaient l'ouïe fine, mais il se retint. Il était hors de question pour lui de freiner l'hyperactif avec un détail aussi futile que celui-ci. L'important était qu'il lui parle, qu'il cesse de se renfermer sur lui-même. Pour ce qui était de ce que les loups entendraient, il en ferait son affaire.

Just a little restOù les histoires vivent. Découvrez maintenant