19 Novembre (jeudi)

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Je traverse les couloirs de l'école et j'ai la bizarre impression que toutes les discussions sont à propos de moi. Sûrement juste dans ma tête. Mais plus je marche, plus l'impression devient persistante, comme une chaleur qui s'installe dans mon ventre. Les regards semblent se poser sur moi, les rires deviennent plus forts à mesure que je m'approche. J'essaie de les ignorer, de me concentrer sur mes pas, mais mes pensées s'embrouillent. Et puis, j'entends un mot, chuchoté derrière ma tête, qui me fait presque trébucher.

"Crépuscule... lesbienne."

Je ferme les yeux un instant, mais c'est inutile. Le mal est fait. Quelqu'un a décidé de qui je suis. Je n'ai rien demandé, rien dit. Mais apparemment, ma simple existence est suffisante pour qu'on me mette une étiquette. Les bruits de pas autour de moi deviennent des échos dans ma tête, les murmures me suivent à chaque détour de couloir. Est-ce que les gens croient vraiment ce qu'ils disent ? Est-ce que tout le monde me regarde maintenant de la même manière, comme si j'étais un autre genre de personne ?

Je sens mes mains devenir moites, mes doigts se crisper sur mes livres. PPourquoi moi ? D'où ça sort cette rumeur ? Je me sens piégée, seule. Puis, je les vois. Miriame et ses amies, riant, des étincelles de satisfaction dans leurs yeux.

"Félix va le savoir aussi", pense-je avec amertume. Parce que maintenant, c'est lui qui est le plus important dans tout ça. J'espère qu'il n'y croira pas...

Je retrouve Astrid à une des tables de la cafeteria. Elle est coquette aujourd'hui avec des boucles d'oreilles capteur de rêve et toujours cette odeur fraîche de lavande. Elle sait délicatement maquiller.

- Allô beauté! lui dis-je d'une voix un peu enjouée, essayant d'oublier ce qui vient de se passer et l'angoisse dans mon ventre.

Astrid me répond par un petit rire, ses yeux scintillant de malice. Elle me lance un regard amical, ses lèvres étirées en un sourire qui me rassure.

— Tu comprends quelque chose au cours de math ?

- Je hoche la tête, mais je sais que ma concentration est ailleurs.

- Ouais, tu as besoin d'aide ?

- Un peu oui... dit-elle avec un sourire en coin.

- Tu peux venir chez moi après l'école si tu veux.

- Cool! Merci. Ta mamie est encore là ? Avec ses DÉLICIEUX biscuits, dit-elle en levant les yeux vers le haut en rêvant à ceux-ci.

- Oui, elle part demain, je dis d'un sourire chaleureux, mais déconcentré.

Astrid me fixe un instant, comme si elle avait capté quelque chose dans ma voix. Elle fronce les sourcils, mais elle ne dit rien. Elle reste silencieuse, attentive, et ça me réconforte. Elle sait quand ne pas poser de questions.

— T'inquiète pas, elle murmure doucement. On va gérer ça. T'es pas toute seule, me dit-elle comme si elle avait deviné ma préoccupation.

- J'ai peur que Félix y croit... dis-je à voix basse.

Astrid me regarde intensément, comme si elle savait exactement ce qui me tourmente. Elle ne dit rien tout de suite, mais ses yeux expriment une compréhension profonde. Puis, elle dépose doucement sa main sur la mienne, un geste léger mais réconfortant.

— Il n'y croit pas, me dit-elle avec assurance.

Je serre sa main, presque reconnaissante, mais aussi un peu en colère contre moi-même. Pourquoi ça doit toujours être aussi compliqué ? Pourquoi les autres, ceux qui n'ont rien à voir avec moi, se croient en droit de dicter qui je suis ? C'est juste une rumeur, après tout. Une rumeur. Mais c'est plus difficile à ignorer quand elle prend racine si rapidement.

À ce geste, les murmures deviennent des paroles et des rires élevés, les regards s'intensifient. Nous sommes l'attraction du moment.

Quand nous nous levons pour retourner à notre casier, Miriame nous donne un coup de coude en riant en passant dans l'autre sens.

- Qu'est-ce que tu veux encore ? lui dis-je en colère.

- Hein, de quoi tu parles ? dit-elle avec un rire espiègle.

Je bout de l'intérieur.

- Viens Crépuscule, c'est pas grave, dit Astrid.

- C'est vrai Crépuscule, tu devrais écouter ta chérie!

C'est à ce moment que c'est elle qui a répandu cette rumeur. Je m'approche, les poings fermés. Miriame a un mouvement de recul face à mon geste brusque.

Je sens la colère bouillir en moi alors que je fais face à Miriame, ses yeux pleins de malice et de satisfaction. Mais quelque chose dans ma poitrine, un sentiment étrange, me pousse à lui répondre.

— Tu n'as pas fini de t'acharner sur moi. Ma voix tremble de rage. Ton problème, c'est que tu n'es pas bien dans ta peau et tu ne t'assumes pas. Ce n'est pas moi la lesbienne ici, c'est toi. Et tu le vis mal. Tu portes un masque en permanence, et ça te rend malheureuse. Alors, pour diminuer ta douleur, tu t'acharnes sur moi. Parce que contrairement à toi, j'assume qui je suis.

Les mots s'échappent de ma bouche avant même que je puisse les retenir, comme une libération. Je vois l'expression de Miriame changer, ses yeux s'écarquiller alors que ma tirade la frappe. Elle recule légèrement, comme si elle n'avait jamais vu ce côté de moi.

— J'espère qu'un jour tu seras heureuse, et que tu t'assumeras. Je fais une pause, cherchant mes mots. Pour l'instant, scram et laisse ma vie tranquille.

Je sens ma respiration se faire plus lourde, et en une fraction de seconde, je me retourne brusquement, attrapant le bras d'Astrid. Je n'ai pas besoin de lui dire quoi que ce soit, elle me suit sans poser de questions. Le bruit des murmures, des rires, se fait plus intense, plus insistant, mais c'est désormais pour Miriame. Je vois du coin de l'œil ses yeux pleins de larmes, son visage marqué par la surprise et la honte.

Je ne sais pas ce qui se passe exactement dans sa tête, mais je ne laisserai plus personne décider de qui je suis.

Les murmures s'intensifient alors que nous avançons, mais je me sens soudainement plus forte. Pas invincible, mais enfin libérée de ce poids.

Astrid, tout en marchant à mes côtés, me serre légèrement le bras. Elle ne dit rien, mais son regard est plein de soutien, et ça me suffit. Pas un mot de plus n'est nécessaire.

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⏰ Dernière mise à jour : 6 hours ago ⏰

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