Chapitre 3: Bouffée d'air

43 13 11
                                    

Hélios

Je la regarde dormir, emmitouflée dans une couverture sur le canapé. Arès s'est endormi à ses pieds. Elle a l'air si paisible. Elle a l'air vivante.

Elle est vivante. Grâce à moi.

Après être rentré chez moi, en ayant pris une douche bien méritée, je me suis dis que j'allais repasser chez Elena Rhodes, afin de lui faire signer le dernier papier concernant la vente de la maison. Une jolie affaire dans mon sac à nouveau.

Car c'est comme cela que je vois les gens désormais. Comme des affaires qui viennent, et puis qui repartent. Les gens sont tous fait comme cela de nos jours, incapables de stabilité et de confiance. Ils n'ont plus le temps de tomber amoureux, créer une confiance mutuelle, et se jurer une fidélité éternelle. Nous sommes dans une société qui change trop vite, et qui a pris goût à la consommation intensive. On veut tout, tout de suite, sans avoir à traverser la moindre difficulté. Et on se lasse au bout de quelques jours, pour passer à notre nouvelle obsession du moment. Et on recommence indéfiniment. Pour seulement citer l'un de mes artistes favoris « On se meurtrit, on fait l'amour comme on s'essuie, Quel gaspillage». Une société triste et vide de sens. Une société qui m'a abîmé. 

Depuis tout jeune, je n'ai jamais connu mes parents réellement ensemble. Ils étaient ensemble, oui, mais sans s'aimer. Du moins ils ne s'aimaient plus. Ils n'étaient plus que les fantômes d'un passé amoureux trop vite terminé. J'ai grandi au milieu de leurs cris, de leurs disputes interminables, et des réconciliations qui duraient seulement deux jours. Une enfance bâclée, gâchée par les restes d'un amour malsain. Puis un jour, l'année de mes 12 ans, mon père a fini par partir, avec une collègue de son bureau, dont il était l'aîné de 15 ans. Sans commentaires.
Mais malgré tout, je me suis accroché à l'amour, soucieux de ne pas connaître la même histoire que ma mère, seule et déprimée, ressassant une relation passée qui ne lui convenait même pas, laissant ses trois enfants livrés à eux-mêmes.

Et puis j'ai rencontré Noélie. Et je me suis senti vivre. Enfin, je ressentais l'amour profond et infini que l'on est censé donner à sa moitié. En la rencontrant, j'ai rencontré ma putain d'âme sœur. La femme de ma vie. Notre rencontre l'année de nos 16 ans, a mené à des fiançailles pour nos 21, lors du voyage en Thaïlande que je lui avait offert pour son anniversaire. De retour en France, fier et heureux de ma femme à venir, j'en ai évidemment parlé à tout le monde. Tous nos amis sans exception étaient au courant. Puis j'ai vécu le plus beau et pire jour de ma vie en même temps. Jeune agent immobilier, le maître de l'entreprise m'avait confié un dossier assez délicat pour me tester. Il s'est avéré que j'étais encore meilleur que ce qu'il avait espéré, et lorsque je lui ai rapporté le chèque à 7 chiffres sur son bureau, j'ai été porté en triomphe. Après avoir fêté ça, je suis rentré dans notre appartement, pour annoncer la bonne nouvelle à Noélie. Une prime de 100 000 euros, un nouveau poste, une voiture de fonction, bref pleins d'avantages, et une nouvelle vie qui s'ouvrait à nous. Mais j'ai ouvert la porte de chez nous au mauvais moment. Noélie était au lit, comme elle me l'avait dit par texto, mais elle n'était pas seule. Mon meilleur ami, nu avec la femme de ma vie. La double trahison, qui aurait dû me briser le cœur. Mais à ce moment là, je n'ai plus rien ressenti, si ce n'est une fine pellicule de glace recouvrir mon cœur. Tout en gardant mon calme, je leurs ai demandé de prendre leurs affaires, et de quitter les lieux prestement. Noélie a fondu en larmes, jouant son rôle de victime à la perfection. Elle m'assura que c'était une erreur, une histoire d'un soir, qu'elle avait succombé à la tentation, et qu'elle s'en voulait terriblement. Elle ne commettrait plus jamais cette terrible incartade, et qu'elle n'aimait que moi. Mais mon coeur était désormais sous-scellé, comme protéger des mauvaises actions des autres, et je ne ressentais plus rien. Je comprendrais quelques mois plus tard que même sur la fin elle m'avait menti, lorsque j'ouvris ma boîte aux lettres pour y découvrir l'annonce de leur mariage. La leçon s'encra profondément en moi, les humains peuvent être des créatures terriblement cruelles.

J'attends la vagueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant