Elena
Vendredi matin, 11 juillet
La journée a plutôt bien commencé. Cela m'avait manqué de me lever pour aller travailler, de savoir que j'avais un but fixe. Depuis la soirée chez Hélios, j'étais sur un petit nuage, et il était temps pour moi de reprendre mes esprits. J'ai beaucoup parlé avec les résidents aujourd'hui, pour continuer à apprendre leurs différents modes de vie. En début d'après-midi, j'ai pris le temps d'aller discuter avec madame Oiko, qui était dans un de ses moments plus ou moins lucide. Elle m'a demandé de l'aider pour se coiffer, et pour la maquiller légèrement. Une fois sa prestation terminée, elle s'est tournée vers moi, tout sourire, pleine d'étoiles dans les yeux.
« —Est-ce que je pourrais essayer de te maquiller ? me demande-t-elle. Pas beaucoup, juste un peu de rouge à lèvre et de fard à paupière. C'est plus simple sur les autres que sur moi-même.
J'hésite un peu, car je n'apprécie pas spécialement que l'on touche mon visage. Mais quand je vois la joie et l'espoir dans ce regard, je craque et accepte. Je m'assois à son niveau, et lui fait face. Elle s'approche de moi, toujours en souriant, et commence à me maquiller. Étrangement, ses gestes sont doux, et maîtrisés. Elle fait quelque chose qu'elle aime, et ça se sent.
—Tu es très jolie, me dit-elle. Vraiment très belle, tu as des traits très harmonieux. De jolis yeux, que tes taches de rousseur mettent en valeur. Tu as beaucoup de chance, d'être autant jolie. Je suis sûre que tu plairais beaucoup à mon petit-fils. Ce sont juste tes cheveux, c'est dommage que tu doives les attacher pour travailler. C'est un vrai trésor d'avoir des boucles comme les tiennes.
—Ah ça, on verra pour votre petit-fils, je lui réponds en rigolant. Merci beaucoup Irène, vous êtes très gentille. Est-ce que je peux regarder votre travail ?
—Oui j'ai terminé !
Elle me tend le miroir pour que je puisse contempler mon visage. Pour ma plus grande surprise, le tout est vraiment très joli, et les couleurs me vont plutôt bien.
—C'est super joli Irène, merci beaucoup ! Je vais le garder pour finir ma journée. Merci encore !
—Et oui, j'étais une artiste dans ma jeunesse tu sais ? Manier les pinceaux, que ce soit pour faire de la peinture, ou pour maquiller, c'était mon point fort. Quelle déception de perdre de l'habileté avec la vieillesse. Je serais incapable de reproduire la moindre de mes œuvres aujourd'hui malheureusement...
—Si vous le souhaitez, je pourrais vous ramener une toile et un peu de peinture ? On pourrait s'entraîner ensemble, vous pourriez m'apprendre ?
—J'aimerais bien essayer oui...merci...hum.
Je vois instantanément que quelque chose dans son regard a changé. Elle reprend un air hautain, et me fixe intensément. J'ai le réflexe de m'écarter d'elle, ce qui lui fait lever le sourcil dans un regard méprisant.
—Qu'est-ce que vous faites-là ? me questionne-t-elle. Sortez de chez moi, je ne vous ai pas proposé d'entrer ? Et puis, qui vous a maquillé, les couleurs sont trop vives, c'est un travail bâclé. Sortez maintenant.
Je sais désormais qu'il est inutile d'essayer de discuter dans ces moments-là, et je prends congé de madame Oiko. Même si je sais que c'est la maladie qui la transforme de cette manière, c'est toujours compliqué à gérer émotionnellement pour les soignants. C'est dur en tant que personne qui veut aider, de savoir qu'on ne peut absolument rien faire. On peut seulement les accompagner. La fin de mon service se déroule ensuite sans la moindre difficulté, et je rentre rapidement à la maison avec mon tout nouveau vélo, qu'Hélios m'a prêté. Le mien était vraiment à bout.

VOUS LISEZ
J'attends la vague
RomanceL'amour arrive toujours lorsque l'on s'y attend le moins. Elena a toujours été une grande romantique. Elle est amoureuse de l'amour avec un grand A. Elle le connaît , car elle l'a vu dans les films, dans les livres ou même dans les chansons d'amour...