J'attends la vague

Chapitre 11 : Avancer

Elena

Mercredi 9 juillet

Je suis en retard. Pour un premier jour, ça risque de la foutre assez mal. Pourtant tout avait bien commencé, je m'étais levée à l'heure, j'ai pu prendre le temps de passer sous la douche, et de déjeuner. Mais c'est après que ça s'est gâté.

En partant à vélo, j'ai senti que ce dernier avait un peu de mal à avancer. Je devais appuyer fort pour pédaler, plus que d'ordinaire. Évidemment ça n'a pas loupé, la chaine du vélo s'est brisée sur le trajet, et j'ai été contrainte de pousser mon vélo sur le reste du chemin. Je suis arrivée en catastrophe, toute collante de sueur, et en retard. J'ai enfilé ma blouse en vitesse, avant de monter deux par deux les marches menant à la salle de soin de mon service.

Heureusement, la personne qui devait m'accueillir aujourd'hui n'était pas encore partie faire le tour pour voir les résidents. C'est une vieille aide-soignante, au visage fatigué, mais dont les yeux brillent d'un tel éclat. Le genre de regard qui dit "j'en ai vu des vertes et des pas mûres, surtout des pas mûres, mais j'attends les épreuves de pied ferme". Le genre de personne qui aime son métier, protège ses patients et retarde le plus possible l'inévitable. Le genre avec qui j'adore travailler, et apprendre.

« —Te voilà enfin ! J'ai bien cru que tu n'arriverais jamais. La visite avec la DRH t'a effrayé à ce point que tu ne voulais plus venir ? me dit-elle en rigolant.

Je lui adresse un petit signe de la main, accompagné d'un sourire gêné.

—Je suis vraiment désolée...j'ai eu une grosse galère sur le trajet, et j'ai fait aussi vite que j'ai pu. Ça ne se reproduira pas, je suis désolée de vous avoir retardée.

—Tatatatatata, pas de ça entre nous, tu me tutoies, tu m'as pris pour qui ? Arriver en retard, je l'accepte, mais me faire vouvoyer ? Certainement pas, ici on est toutes égales. Tu serais arrivée en retard, j'aurais commencé sans toi, et je nous aurai avancé, mais en aucun cas je ne te le reprocherai. Les imprévus de la vie, ça arrive ma belle, et je pense que nous sommes les mieux placées pour le savoir dans son milieu. On apprend à s'adapter et à gérer aux mieux les différentes situations qui s'impose à nous. Ne t'en fais jamais pour ça.

Je l'avais très bien cernée manifestement. Une très belle personne, avec qui j'ai hâte de tourner. Elle a l'air d'avoir tellement à m'apprendre, tant d'expériences à partager.

—Merci beaucoup ! C'est tellement agréable d'être accueillie de cette manière, ce n'est pas partout pareil malheureusement...Mais je m'excuse quand même, je n'aime pas être en retard, encore moins le premier jour. Je m'appelle Elena au passage.

—Enchantée Elena. Moi c'est Marie-Claire, mais tout le monde m'appelle Marie ici. Enfin, sauf une résidente très têtue qui est persuadée que je suis seulement ''Claire'' mais soit, si cela lui fait plaisir, qui suis-je pour m'y opposer ?

Ses mots me font rire, et elle me sourit en retour, puis elle tape dans ses mains, pour m'enjoindre à la suivre dans les couloirs.

—Lorsque tu arrives, tu pars rejoindre ta collègue du matin. Elle s'en va finir les toilettes, et toi tu débarrasses les petits déjeuner dans chaque chambre, et tu t'occupes de la vaisselle. Ensuite, tu mets en place une activité pour la matinée. Pour midi, vous vous rejoignez pour installer et faire manger les résidents. Tu débarrasses à nouveau, et normalement à ce moment-là, il te reste moins de deux heures. Tu en profites pour passer dans chaque chambre, voir si quelqu'un a besoin de quelque chose, et tu les aide si besoin. Ça peut être un temps de discussion, de rangement, de balade, ou autre, vraiment cela dépend du patient. Une petite journée, rapide et efficace. Ça te parait assez clair ?