Chapitre 4: La panique

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Elena

Je sens l'eau s'infiltrer dans mon nez, et continuer le long du chemin sinueux qui mène à mes poumons. En quelques secondes seulement, ces derniers sont gorgés d'eau, et menacent d'exploser. J'essaie de crier, mais sans succès, ma voix n'existe plus, et les dernières bulles d'air de mon corps s'échappent de ma bouche pour remonter vers la surface. Je tente de les suivre, voyant le chemin qu'elles se fraient, mais le remous des vagues me pousse de plus en plus fort, de plus en plus loin. Comme si je n'étais rien. Je vois alors une main se tendre, pour m'aider à sortir enfin de l'eau. Je tends le bras pour l'attraper, et je vois enfin à qui appartient cette main. Le fantôme de ma mère me regarde en souriant, pour me ramener avec elle.

La panique me fait me réveiller instantanément, avec tant de violence que j'en tombe du canapé. J'entends glapir sous moi, et m'écarte brusquement de la source du bruit. A ma grande surprise, Arès, le chien d'Hélios a passé la nuit chez moi. Mais je ne vois son propriétaire nulle part autour de nous. Je me lève doucement du sol, en massant ma tête à l'endroit que j'ai cogné contre la table dans ma chute matinale. Une fois debout, je me rends compte qu'un petit mot est déposé sur ma table :

"Elena,

J'ai essayé de rentrer chez moi, mais Arès a catégoriquement refusé de me suivre. Ne voulant pas te réveiller, j'ai préféré le laisser avec toi, j'espère que cela ne te dérange pas. Je ne serais pas chez moi aujourd'hui, tu peux le ramener chez moi dès que tu le souhaites, mon jardin est ouvert, il a l'habitude de rester seul.

Je te laisse mon numéro, si tu as un problème, tu n'hésites pas, peu importe le souci, je reste joignable.

Hélios.''

Franchement, pour le peu que je compte faire aujourd'hui, je préfère garder le golden retriever avec moi pour la journée, cela nous fera une compagnie mutuelle. Je tapote ma jambe pour qu'il me suive jusqu'à la cuisine, pour aller prendre un petit déjeuner. Je n'ai rien avalé depuis hier midi, et la faim fait gronder mon ventre. Je n'ai pas de croquettes pour chien, ni de viande car je suis pescétarienne, je me retrouve donc embêtée pour nourrir Arès. Je vais pour me renseigner sur les différents aliments que les chiens peuvent manger, quand je me rappelle que je n'ai plus de téléphone. En effet, à cette heure-ci, mon sac contenant mon téléphone, ma serviette, mes lunettes et mon livre, doit être au fond de l'océan. Chance pour moi, j'ai un téléphone de secours à l'étage, avec une carte Sim, mon ancien iPhone 8, dont je me sers pour certaines vidéos. Je recommanderai un nouveau téléphone plus tard, celui-ci fera l'affaire quelques temps. Après de rapides recherches sur internet, j'apprends que les chiens raffolent des œufs, sous toutes leurs formes. Ok, on part donc sur des omelettes, pour lui comme pour moi. Et c'est un grand succès, il se régale, et j'en profite pour le prendre en photo et l'envoyer à son maître. Qui me répond pratiquement à la seconde, il devait être impatient d'avoir de ses nouvelles.

-Vraiment merci de t'en occuper, ça doit lui faire un bien fou de passer la journée avec quelqu'un, et pas tout seul dans le jardin. Je te revaudrai ça.

-Je pense qu'avec ce qu'il s'est passé hier, on peut se considérer comme quittes, non ? En plus, ce n'est clairement pas un handicap, il est tellement adorable !!

Il me répond à nouveau avec cette fois-ci seulement des emojis qui rigolent. Je ne relance pas la discussion, et monte me blottir dans mon lit, Arès sur les talons. Je n'ai même pas l'envie de tourner de vidéos, mais les abonnés commencent à s'inquiéter de mon absence. Je prends le premier livre de ma bibliothèque, et le pose sur le lit à côté du chien qui s'est déjà endormi dessus. Je le prends en photo, puis poste une story Instagram afin d'expliquer mon absence prolongée. Je parle de doutes, de stress lié au déménagement, à la difficulté de s'adapter à sa nouvelle vie. Les réactions ne tardent pas à pleuvoir, alternant entre "trop mignon le chien", "courage pour ta nouvelle vie", "si tu as besoin de parler je suis là". Je me sens parfois oppressée par le besoin constant de devoir poster, pour être sûre de ne pas être oubliée du jour au lendemain. Car les réseaux sociaux sont éphémères, et je me suis vite rendu compte que tout peut s'arrêter du jour au lendemain. Au début, les gens s'inquiéteront de votre absence, mais au bout d'un moment, ils passeront d'eux-mêmes à autre chose, et ce sera comme si vous n'aviez jamais existé. Et c'est compliqué de devoir suivre le rythme, de trouver des nouvelles idées, de rester d'actualité pour le public, dans une société qui jette des milliers de contenus sur les réseaux tous les jours. J'ai voulu laisser tomber à de nombreuses reprises. Mais les encouragements, les commentaires positifs, croiser des gens dans rue, qui me répètent à quel point ils croient en moi, ça c'est la vraie magie des réseaux sociaux, et c'est pour cela que je suis toujours là.

J'attends la vagueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant